Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 16 Octobre 2019
En ce mois d'octobre, le catalogue des éditions Delcourt/Tonkam s'enrichit d'une nouvelle tranche de vie aux accents dramatiques et sociaux. A l'origine, Frère à louer (Rental Onii-chan en japonais) est une série que Hako Ichiiro a débutée à compte personnel sur Pixiv, signant alors par la même occasion le tout premier manga de sa carrière, une carrière auparavant surtout connue pour les illustration du light novel Hakata Tonkotsu Ramens (inédit en France). Rencontrant un franc succès sur les réseaux sociaux, cette oeuvre a alors été repérée par Square Enix, et depuis 2017 sa publication se poursuit dans le magazine Gangan Pixiv de l'éditeur.
Tout commence par la vision d'un quotidien chaleureux comme il peut en exister entre un grand frère bienveillant et sa petite soeur. La jeune Kanami Tachibana, une enfant de primaire, est en pleine sortie avec son frère qui la couvre d'attentions et de gentillesses: il lui achète une peluche, lui paie à manger... le sourire de l'adorable fillette est radieux. Du moins, jusqu'à ce qu'une sonnerie retentisse, signifiant la fin de tout. En réalité, le "grand frère" de Kanami n'est qu'un garçon que la petite fille loue afin de remplacer son vrai grand frère. Quand la sonnerie retentit, son sourire s'efface, et l'heure est venue pour elle de rentrer chez elle, dans une maison où ses parents morts dans un accident ne sont plus là, et où la seule présence qui subsiste est son vrai frangin, Kazutaka, qui l'ignore totalement voire la frappe et l'insulte dès qu'elle essaie de lui parler. Ainsi, même une adorable attention comme l'achat d'une part de flan pour Kazutaka tourne à un instant de brutalité d'une tristesse absolue. Se sentant forcément seule, aussi bien à la maison qu'à l'école où une peste fille de riches se moque d'elle car elle n'a plus de parents, la petite Kanami tente de retrouver du réconfort auprès de ce "frère à louer", l'unique personne faisant encore attention à elle...
D'emblée, avec sa scène de mise en place assez marquante où l'adorable sourire de la petite Kanami tourne à la tristesse sitôt rentrée chez elle, la mangaka installe facilement une atmosphère émouvante, tant il semble impossible de ne pas se prendre très vite d'affection pour cette gamine totalement délaissée et que plus personne ne semble aimer, elle qui est pourtant à un âge innocent où on a tant besoin d'affection et d'attention. Par la suite, l'autrice ne s'arrêtera pas à la simple situation initiale concernant le comportement abject de Kazutaka sur sa petite soeur, et elle amènera d'autres difficultés découlant aussi du statut d'orpheline de la fillette. Ainsi, on sait bien à quel point les enfants peuvent être cruels entre eux, et la petite peste Sae Komori ne manquera pas de le montrer à l'école. Hako Ichiiro s'engouffre parfois dans des ficelles très classiques et dont on devine d'emblée la teneur (le coup du porte-clés "volé"...), mais généralement elle parvient à conserver un certain équilibre et à bien en profiter pour souligner la relation qui se bâtit entre la petite fille et son frère de substitution.
Car cette relation est évidemment au coeur de la lecture, en étant un petit peu plus complexe que prévu, et en mêlant bien sur Kazutaka à cela. Si, au premier abord, le "frère à louer" n'apparaît pas forcément sympathique puisqu'il semble profiter de la détresse de la fillette pour gagner de l'argent, on découvre bien vite qu'il en est tout autre: c'est Kanami qui l'oblige à accepter l'argent qu'elle lui donne, car sans ça elle aurait le sentiment de remplacer réellement Kazutaka, chose qu'elle ne veut pas car elle a encore l'espoir de retrouver un jour le grand frère si gentil et bienveillant qu'elle connaissait avant la mort de leurs parents. On cerne alors en ce frère de substitution un jeune garçon semblant réellement s'inquiéter pour la petite fille, notamment car on entrevoit qu'il a connu une solitude similaire dans son enfance. Et en parallèle, on ne peut qu'être touché par l'innocent et pur espoir qui réside en cette enfant, celui de retrouver un jour l'amour fraternel et l'attention de Kazutaka.
Bien sûr, il en découle pas mal de questions. Pourquoi dont Kazutaka a-t-il changé du tout au tout après la mort des parents ? Via l'histoire des poissons ou l'insistance de certains "proches" qui en ont apparemment après l'héritage, on a déjà quelques possibilités de réponse, mais il faudra consolider tout ça. Autres interrogations: en acceptant ainsi d'être le frère de substitution de Kanami, le garçon ne risque-t-il pas, tout à compte fait, de rendre la fillette encore plus malheureuse en réduisant encore ses chances de se réconcilier avec Kazutaka ? Que pensera ce dernier en découvrant l'existence de ce "frère à louer" ? Dans une narration sachant par moments se faire assez introspective, la mangaka parvient à interroger assez efficacement ses personnages, et on est alors facilement curieux de voir comment ils pourront évoluer, avancer et se dévoiler.
Visuellement, Hako ichiiro dévoile un trait assez ravissant dans son genre. Assez clair voire un brin épuré (pas de décors ou de trames quand ce n'est pas nécessaire, mais quand il y en a c'est toujours soigné), le dessin se focalise avant tout sur les personnages eux-même, et de ce côté-là la dessinatrice offre de très belles choses, en particulier chez la petite Kanami qui a des expressions nuancées, assez réalistes, retranscrivant bien ce qu'elle peut ressentir en son for intérieur, tout en lui offrant toujours quelque chose d'assez touchant. les angles de vue sont également très souvent bien trouvés, notamment quand il s'agit de faire ressortir le statut d'enfant de Kanami.
En définitive, l'autrice prend parfois des voies classiques côté rebondissements, mais parvient surtout à développer un récit facilement touchant, où ses visuels et sa narration soignés mettent bien en avant les personnages et l'atmosphère. On se prend très facilement d'affection pour Kanami, on s'interroge forcément sur le comportement exagérément agressif de Kazutaka, on est curieux d'en découvrir plus sur le frère de substitution, on s'intéresse aisément à leur relation... et on en vient évidemment a souhaiter le meilleur pour eux par la suite. Mais ça, seuls les volumes suivants nous le diront !
Du côté de l'édition, on a droit à quelque chose de convaincant, avec un livre qui se prend facilement en maison grâce à son papier souple et sans transparence. L'impression est également réussie, loin des nombreux problèmes de moirage de La Malédiction de Loki, pour comparer à une autre nouveauté récente de l'éditeur. A la traduction, Benjamin Moro livre un travail clair et collant assez à l'ambiance et aux personnages.
Tout commence par la vision d'un quotidien chaleureux comme il peut en exister entre un grand frère bienveillant et sa petite soeur. La jeune Kanami Tachibana, une enfant de primaire, est en pleine sortie avec son frère qui la couvre d'attentions et de gentillesses: il lui achète une peluche, lui paie à manger... le sourire de l'adorable fillette est radieux. Du moins, jusqu'à ce qu'une sonnerie retentisse, signifiant la fin de tout. En réalité, le "grand frère" de Kanami n'est qu'un garçon que la petite fille loue afin de remplacer son vrai grand frère. Quand la sonnerie retentit, son sourire s'efface, et l'heure est venue pour elle de rentrer chez elle, dans une maison où ses parents morts dans un accident ne sont plus là, et où la seule présence qui subsiste est son vrai frangin, Kazutaka, qui l'ignore totalement voire la frappe et l'insulte dès qu'elle essaie de lui parler. Ainsi, même une adorable attention comme l'achat d'une part de flan pour Kazutaka tourne à un instant de brutalité d'une tristesse absolue. Se sentant forcément seule, aussi bien à la maison qu'à l'école où une peste fille de riches se moque d'elle car elle n'a plus de parents, la petite Kanami tente de retrouver du réconfort auprès de ce "frère à louer", l'unique personne faisant encore attention à elle...
D'emblée, avec sa scène de mise en place assez marquante où l'adorable sourire de la petite Kanami tourne à la tristesse sitôt rentrée chez elle, la mangaka installe facilement une atmosphère émouvante, tant il semble impossible de ne pas se prendre très vite d'affection pour cette gamine totalement délaissée et que plus personne ne semble aimer, elle qui est pourtant à un âge innocent où on a tant besoin d'affection et d'attention. Par la suite, l'autrice ne s'arrêtera pas à la simple situation initiale concernant le comportement abject de Kazutaka sur sa petite soeur, et elle amènera d'autres difficultés découlant aussi du statut d'orpheline de la fillette. Ainsi, on sait bien à quel point les enfants peuvent être cruels entre eux, et la petite peste Sae Komori ne manquera pas de le montrer à l'école. Hako Ichiiro s'engouffre parfois dans des ficelles très classiques et dont on devine d'emblée la teneur (le coup du porte-clés "volé"...), mais généralement elle parvient à conserver un certain équilibre et à bien en profiter pour souligner la relation qui se bâtit entre la petite fille et son frère de substitution.
Car cette relation est évidemment au coeur de la lecture, en étant un petit peu plus complexe que prévu, et en mêlant bien sur Kazutaka à cela. Si, au premier abord, le "frère à louer" n'apparaît pas forcément sympathique puisqu'il semble profiter de la détresse de la fillette pour gagner de l'argent, on découvre bien vite qu'il en est tout autre: c'est Kanami qui l'oblige à accepter l'argent qu'elle lui donne, car sans ça elle aurait le sentiment de remplacer réellement Kazutaka, chose qu'elle ne veut pas car elle a encore l'espoir de retrouver un jour le grand frère si gentil et bienveillant qu'elle connaissait avant la mort de leurs parents. On cerne alors en ce frère de substitution un jeune garçon semblant réellement s'inquiéter pour la petite fille, notamment car on entrevoit qu'il a connu une solitude similaire dans son enfance. Et en parallèle, on ne peut qu'être touché par l'innocent et pur espoir qui réside en cette enfant, celui de retrouver un jour l'amour fraternel et l'attention de Kazutaka.
Bien sûr, il en découle pas mal de questions. Pourquoi dont Kazutaka a-t-il changé du tout au tout après la mort des parents ? Via l'histoire des poissons ou l'insistance de certains "proches" qui en ont apparemment après l'héritage, on a déjà quelques possibilités de réponse, mais il faudra consolider tout ça. Autres interrogations: en acceptant ainsi d'être le frère de substitution de Kanami, le garçon ne risque-t-il pas, tout à compte fait, de rendre la fillette encore plus malheureuse en réduisant encore ses chances de se réconcilier avec Kazutaka ? Que pensera ce dernier en découvrant l'existence de ce "frère à louer" ? Dans une narration sachant par moments se faire assez introspective, la mangaka parvient à interroger assez efficacement ses personnages, et on est alors facilement curieux de voir comment ils pourront évoluer, avancer et se dévoiler.
Visuellement, Hako ichiiro dévoile un trait assez ravissant dans son genre. Assez clair voire un brin épuré (pas de décors ou de trames quand ce n'est pas nécessaire, mais quand il y en a c'est toujours soigné), le dessin se focalise avant tout sur les personnages eux-même, et de ce côté-là la dessinatrice offre de très belles choses, en particulier chez la petite Kanami qui a des expressions nuancées, assez réalistes, retranscrivant bien ce qu'elle peut ressentir en son for intérieur, tout en lui offrant toujours quelque chose d'assez touchant. les angles de vue sont également très souvent bien trouvés, notamment quand il s'agit de faire ressortir le statut d'enfant de Kanami.
En définitive, l'autrice prend parfois des voies classiques côté rebondissements, mais parvient surtout à développer un récit facilement touchant, où ses visuels et sa narration soignés mettent bien en avant les personnages et l'atmosphère. On se prend très facilement d'affection pour Kanami, on s'interroge forcément sur le comportement exagérément agressif de Kazutaka, on est curieux d'en découvrir plus sur le frère de substitution, on s'intéresse aisément à leur relation... et on en vient évidemment a souhaiter le meilleur pour eux par la suite. Mais ça, seuls les volumes suivants nous le diront !
Du côté de l'édition, on a droit à quelque chose de convaincant, avec un livre qui se prend facilement en maison grâce à son papier souple et sans transparence. L'impression est également réussie, loin des nombreux problèmes de moirage de La Malédiction de Loki, pour comparer à une autre nouveauté récente de l'éditeur. A la traduction, Benjamin Moro livre un travail clair et collant assez à l'ambiance et aux personnages.