Fluid Rat Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 16 Octobre 2018

Plutôt habituées aux auteurs et aux titres old school, les éditions Black Box proposent aussi, de temps à autre, de découvrir des mangakas plus "modernes", et Rem Sakakibara fait partie de cette deuxième catégorie. Cette jeune artiste, qui a débute sa carrière en 2008, devrait continuer de faire l'actualité chez l'éditeur par la suite, puisque celui-ci a récemment confirmé que deux autres oeuvres d'elle seront publiées en 2019 en France.

Pour nous faire découvrir cette mangaka, l'éditeur a tout simplement choisi de sortir en premier ce qui est la toute première publication de l'autrice: Fluid Rat, une série en 3 volumes qui fut publiée en 2008-2009 chez Tokuma Shoten dans le magazine Comic Ryû (le magazine des séries Arbos Anima, Monster Musume...).

Dans un Japon contemporain, Sainen, tout juste séparé de son ex Natsu, vivote dans son travail de journaliste free-lance, où il s'intéresse plus aux légendes urbaines qu'à autre chose. De ce fait, il a quitté le magazine sérieux où il travaillait autrefois pour rejoindre le Lenz, un magazine à mauvaise réputation réputé pour raconter beaucoup de ragots et de bobards. Néanmoins, Sainen, lui, continue de croire aux légendes urbaines, attendant un scoop quand il ne se contente pas de glander... Et ce scoop, il pourrait bien venir à lui de lui-même, dès lors qu'il croise une étrange femme en pleine fuite ! Avec son apparence négligée, sa peur panique face à un simple chat qui la poursuit, et sa manière de bondir sur un poteau, cette demoiselle à l'apparence d'une trentenaire pique la curiosité du journaliste... Mais il n'est pas au bout de ses surprises quand, alors qu'il est dans un fast food avec elle, des hommes en uniforme débarquent et pointent leur arme sur elle pour essayer de la capturer ! Sainen a à peine le temps de réagir que la jeune femme, paniquée, a déjà pris la fuite... non sans se transformer en rat. Porté par une soif de scoop et par un désir d'en savoir plus sur la belle en détresse, Sainen se lance alors à sa recherche, pour tenter d'éclaircir les mystères qui sont liés à cette femme...

Fluid rat a le mérite d'entrer assez rapidement dans le vif du sujet puisque son introduction ne dure pas longtemps. On cerne plutôt vite et bien le côté un peu loser de Sainen le journaliste en mal de scoop, tout comme on comprend très facilement que Mizuki, la femme qu'il rencontre, n'est pas vraiment "normale": capable de se transformer en rat, traquée par de mystérieux hommes... Certains éléments supplémentaires, par la suite, ne feront que confirmer le statut particulier de cette femme qui semble pourchassée par des gens influents: dès que Sainan en parle à une vieille connaissance celle-ci est mutée, on déconseille à Natsu de chercher à en savoir plus sur cette mutation... et, surtout, il y a la présence régulière de Shirabe, un laborantin qui est à l'origine de la fuite de Mizuki et qui observe les chose pour le bien de ses expériences... Au sein de la mystérieuse société pour laquelle il travaille, quel est son but ?

Et, plus encore, quel est le but de Sainen ? Le personnage principal de la série s'avère plutôt intéressant, dans la mesure où contrairement à pas mal de héros dans ce genre de situation, il ne va pas voler directement et de façon héroïque au secours de la belle. Il se dit d'abord simplement qu'il tient enfin un vrai scoop (ce qui lui jouera un tour vis-à-vis de son supérieur à Lenz), plus loin il monte un petit plan un peu sournois pour photographier une autre fille-rat... Alors, est-il totalement du côté de Mizuki ou pas ? Après tout, avec son travail de journaliste dans un magazine à ragots, il a toujours été considéré comme un menteur... Est-ce encore le cas cette fois-ci ? Il affirme pourtant être sincère dans son désir de protéger Mizuki, déclare que s'il aimerait écrire un article sur elle c'est pour mieux la protéger en révélant au grand jour ce qui se trame dans l'ombre, et puis plusieurs petits moments de vie entre les deux personnages peuvent laisser penser qu'il est effectivement sincère.

Reste que sa tâche ne sera pas facile, tout d'abord parce qu'il sera difficile de gagner pleinement la confiance de Mizuki, qui loge chez lui mais qui refuse de trop en dire sur elle et sur ce qu'elle est. En plus d'enquêter à sa manière, le jeune homme devra donc tâcher de gagner la confiance de la demoiselle. Mais si sa tâche s'annonce difficile, c'est aussi parce que dans l'ombre on devine bien que des dangers rôdent... et l'un des principaux points faibles du tome vient pourtant de là. On a beau comprendre que Mizuki est traquée et qu'elle est le jouer d'un sort peu enviable là d'où elle s'est enfuie, pendant une bonne partie du volume on ne ressent pas vraiment de tension ni de parfum de menace, hormis via les quelques moments où on suit Shirube. Et puisqu'on évoque les choses un peu moins convaincantes, il faut aussi souligner le rythme parfois un peu bâtard, certaines petites facilités et quelques passages dont on ne voit pas vraiment l'utilité (par exemple, Gaki et Sainen qui se retrouvent pile au même moment à enquêter sur Alumi, pour finalement trois fois rien concernant Gaki dont le rôle est pour l'instant sous-exploité d'un bout à l'autre du volume). Il y a également le cas des petites anecdotes d'anciennes légendes urbaines d'Europe que la mangaka glisse de temps à autre au détour d'une page, comme pour tenter d'entretenir un parfum de mystère: c'est tantôt intéressant, tantôt moins convaincant quand lesdites petites légendes semblent n'avoir aucun rapport avec l'intrigue.

En réalité, le mystère est mieux entretenu à travers la nature de Mizuki puis d'Alumi, forcément. Dans quelques conditions se transforment-elles en rat ? Que sont-elles exactement ? Quelles sont leurs origines ? Quels desseins les hommes de la société laborantine ont-ils à leur égard ? Autant de questions qui commencent à peine à trouver des éléments de réponse ici, notamment dans une fin de tome qui vient booster un peu plus l'histoire !

Visuellement, on sent que Rem Sakakibara signe ici sa toute première série: il y a des inégalités dans certains visages (notamment de profil), des trames trop grossières... mais un style semble se poser petit à petit, et celui-ci s'avère plaisant, car les personnages ont généralement un design bien reconnaissable et qui se peaufine, et ils s'avèrent assez expressifs. Soulignons aussi pas mal de bonnes petites idées de mise en scène, avec plusieurs angles de vue soignés, comme quand Mizuki est perchée sur le meuble. Enfin, notons quelques cases un petit peu branchées fan-service, avec les héroïnes pouvant se retrouver nues, mais dans un contexte qui la plupart du temps se justifie. En somme, il y a des maladresses de jeunesse, mais ily a surtout un style qui se pose et qui a tout pour devenir très joli si la dessinatrice continue de bien le peaufiner.

Au final, avec ce premier tome de ce qui est sa première publication, on sent que la mangaka tâtonne un peu pour trouver ses marques. Il en résulte une lecture perfectible mais qui, petit à petit, parvient à capter de plus en plus l'attention, jusqu'à une fin de volume qui semble lancer un peu plus la machine. On est donc plus que confiant pour la suite de ce récit qui, pour l'instant, est plutôt plaisant à suivre.

Côté édition, on a du Black Box habituel: grand format sans jaquette, avec rabat, doté d'un papier très bon (souple, blanc, sans transparence) et d'une impression correcte où l'encre ne bave aucunement. On appréciera beaucoup les 8 premières pages en couleur, les bonus en fin de tome, et la traduction très claire d'Aline Kukor. Enfin pour ce tome la couverture est très proche de l'origine japonaise, avec un logo-titre dans les mêmes tons.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.5 20
Note de la rédaction