Fleurs du mal (les) Vol.5 - Actualité manga
Fleurs du mal (les) Vol.5 - Manga

Fleurs du mal (les) Vol.5 : Critiques

Aku no Hana

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 25 Septembre 2017

Critique 3:

Takao et Sawa, un couple comme les autres ou presque… Une bicoque à travers les blés pour modeste foyer ; de la maltraitance exacerbée pour ébats amoureux ; un musée de la petite culotte à l’aube d’une exposition à ciel ouvert comme préoccupation estivale ; et un vaste projet existentiel pour se rendre vers un « autre côté » plein d’étranges gazouillis. L’époux patraque est une coquille vide et esclavagée ; l’épouse aimante n’est autre qu’une mante religieuse un peu paumée et exaltée par les bas instincts.  
L’ouvrage interpelle par le contraste naissant entre les lueurs bienveillantes de l’été et les manigances nocturnes. D’abord, l’auteur consacrera bien des planches à dépeindre une ambiance estivale : les brulantes chaleurs de l’été, les rutilants rayons du soleil, et la pensée reposante des vacances. Puis, loin des sueurs des corps étouffants de la journée, les moments névralgiques de l’intrigue auront lieu préférentiellement à la nuit tombée, ou encore dans une cahute servant de refuge à de piètres plans sur la comète. Une des figures de style de l’évolution de ce contraste sera notamment l’utilisation faite d’un insecte ailé à certains moments précis de l’histoire. 
Cette cabane dans les champs – en guise d’un « autre côté » de fortune – se révèlera le théâtre d’une partition sentimentale à la dérive. Alors qu’il sera demandé à chaque fois comment les choses pourraient prendre davantage d’ampleur, l’auteur surprendra encore à élever tout cela avec beaucoup de cohérence, d’intensité et d’inattendu. 
Des dialogues aiguisés, réalistes, profonds et surprenants, portés par une mise en scène toujours aussi efficace. La narration est particulièrement fluide, à tel point que tout cela se lit à toute allure et d’une seule traite. Les dessins sont beaux, et quelques planches se veulent superbes voire d’une intensité folle. La façon avec laquelle Shuzo Oshimi parvient à retranscrire les émotions de ses personnages est parfois saisissante au point d’en devenir déstabilisante. 
Souvent dérangeant de par sa pratique de l’éloignement des sentiers battus, l’auteur choque pareillement par la violence des coups portés à l’endroit d’une société un brin tiède et aux mœurs étriquées. Au-delà d’une pseudo-mystique de la petite culotte, Suhzo Oshimi greffe le réel d’un absurde maîtrisé pour mieux toucher au vrai et le porter aux nues. 
Les Fleurs du Mal n’est pas seulement le plus intéressant de tous les shonen en cours de publication dans l’hexagone, il est encore et surtout un gekiga remarquable pour lequel il est pris bien des plaisirs à lécher de la pupille chacune des pages. 
Critique 2

"Ca y est, c'est bientôt les grandes vacances ! Pour la première fois de ma vie, je les attends avec impatience..."

La fugue de Takao et de Sawa a échoué, il n'ont pas pu passer "de l'autre côté" de la montagne, loin de cette ville qui les étouffe, qui contient leur désir de liberté et d'être eux-mêmes dans les habituelles moeurs et règles humaines. Mais puisqu'ils ne peuvent pas aller "de l'autre côté", c'est dans la ville elle-même qu'ils créeront cet "autre côté". Désormais conscient de ce qu'il souhaite et de ce que Sawa représente pour lui, Takao a construit une étrange cabane près de la rivière, où Sawa et lui vont pouvoir s'échapper de ce monde tristement "normal" à travers une sorte d'enclave qu'ils ne partageront que tous les deux. Et le premier moyen du jeune garçon pour briser les règles a été de voler quasiment toutes les culottes des filles pour en faire une sorte de trophée, dans cette enclave qu'eux seuls connaissent.

Le tome 4 des Fleurs du Mal était celui de la confirmation pour Takao. Sous l'emprise d'une Sawa qui semble devenue indispensable à son quotidien et qui lui a ouvert de nouveaux horizons éloignés des limites établies par la société, l'adolescent a brisé ses barrières et a désormais affirmé le chemin qu'il souhaite prendre en créant ce minuscule "autre côté" pour la jeune fille.
Après le coup des culottes, les deux enfants brisent de nouveaux interdits qui, tout compte fait, sont tout à fait dignes des collégiens qu'ils sont, à l'image de ce passage où Sawa boit de la bière à en devenir très vite saoule, ou des nouveaux plans qu'ils préparent en vue de la fête de l'été en août. Si bien que dans ces cas-là, on les observe encore plus avec une forme d'attachement.
Bien sûr, on sait parfaitement que ce qu'ils font est mal vis-à-vis de la société bien moulée, et Shuzo Oshimi, sans non plus insister lourdement, parvient à renforcer encore un peu plus la part sombre de leurs agissements, par exemple avec le cadre noir et la décoration assez malsaine de la cabane, ou le brin d'érotisme que dégage par instant la jeune Sawa. Mais impossible de ne pas ressentir ou de comprendre ce que ces deux adolescents en mal-être ressentent, tant le mangaka se concentre à chaque instant sur eux, tant les personnages sont tout l'intérêt de l'oeuvre.
Evidemment, la question de leur avenir se pose s'ils continuent dans cette voie, et Takao est le premier à s'interroger : vont-il vers l'échec, la destruction ? Mais le jeune garçon le sent bien, il y a autre chose. Libérés, Sawa et lui se sentent heureux ensemble, comme en témoignent leurs sourires et rougissements subtils. Et ce n'est sans doute pas pour rien que la citation ayant ouvert cette chronique est dite par Sawa elle-même, celle qui au début de la série était si distante et méprisante envers tout le monde...

Mais au-dessus de l'enclave contre la "normalité" que Takao et Sawa se sont créés, vient rapidement s'immiscer une ombre risquant de précipiter la chute, sous les traits d'une autre jeune fille qui, elle aussi, a bien changé...

"Tu es heureux, en ce moment ?"

Observons un peu les jaquettes des tomes jusqu'à présent : celles des volumes 4, 5 et 6 semblent parfaitement répondre à celles des volumes 1, 2, et 3, en soulignant bien l'évolution des trois personnages principaux qui ont brisé leurs barrières intérieures imposées par la société. Les fonds blancs où se montraient des "fleurs du mal" ont laissé la place à des fonds entièrement noirs, et les visages des trois adolescents ont profondément changé. L'évolution la plus marquante, sur ces jaquettes, est immanquablement celle de Nanako : pleurant avec une certaine pureté sur le volume 3, elle affiche désormais quelque chose de plus de plus sombre, de plus vicieux, et de presque sensuel. Cela témoigne déjà de tut ce que la jeune fille va véhiculer et apporter dans ce cinquième tome.

Nanako n'est pas dupe. Elle le comprend très vite : les seules personnes ayant pu voler les culottes sont Takao et Sawa. Et pour elle, les questions se bousculent alors. Pourquoi sa culotte est-elle la seule qui n'a pas été prise ? Que font Takao et Sawa ensemble ? S'aiment-ils ? Voire ont-ils couché ensemble ? Ces interrogations, elle ne peut les supporter, car tout comme Sawa a ouvert de nouvelles libertés à Takao au point de devenir indispensable pour lui, notre héros a, à son tour, eu le même impact sur celle qui, il y a encore peu de temps, a été sa petite amie.
A ses côtés, le rôle de son amie Ai grandit un peu, lui aussi, et rappelle certaines choses. Il y a encore peu de temps, Nanako représentait pour Takao l'autre choix, celui opposé à Sawa, celui qui pouvait encore rattacher le jeune garçon à la "société normale". Ici, c'est au tour d'Ai de représenter ce deuxième choix, mais pour Nanako, et face à Takao. Ai, jeune fille restant dans le moule de la société, prend simplement Takao et Sawa pour des cinglés en découvrant la cabane avec son amie, et elle conseille à Nanako d'aller avertir la police. Mais Nanako n'en fera rien, car les règles qu'elle a toujours suivies, en elle aussi, se sont déjà fissurées...

Si l'on suit avec attachement Sawa et Takao, il en est tout autant d'une Nanako qui chute et dont l'ombre n'est jamais loin de ses deux camarades, qu'elle ne cesse plus de guetter jusqu'à en être obsédée. Et plus que jamais, Nanako, alors qu'elle perd pied, apparaît très juste tant elle se livre désormais sans fards. On découvre plus en profondeur ce qui a fasciné la demoiselle en Takao dès leur première sortie ensemble pour aller voir les livres : sa manière d'affirmer ses goûts, chose qu'elle n'avait jamais vue. Dès lors, elle aussi a commencé à se libérer des contraintes et à vouloir sortir du rang et des règles que son entourage lui a toujours directement ou indirectement imposées. Elle aussi a voulu aimer des choses par elle-même, et ne plus aimer que ce que son entourage veut qu'elle aime. Takao fut celui qui la regarda pour la première fois d’un œil véritable et sincère, et non avec un masque. Oshimi dépeint avec une justesse inouïe le ressenti sincère de la jeune fille, et tout comme pour Takao et Sawa, il est alors impossible de ne pas ressentir quoi que ce soit devant elle, en la voyant ainsi.

Mais Nanako ne sait plus comment posséder Takao, comment l'empêcher de s'éloigner, comment le reprendre à Sawa. Et en cela, la voie qu'elle prend dans la dernière partie du volume est terrible, car elle implique quelque chose de beaucoup plus grave que tout ce qui s'est déroulé avant. Un acte qui est de loin le plus éprouvant depuis le début de l'oeuvre, et qui est parfaitement mis en scène par l'auteur sous des allures noires, froides et brutales. La fleur du mal de Nanako est désormais éclose, autant psychologiquement que physiquement. Mais elle a pris une dimension bien différente de celle de Takao, et notre héros, en agissant comme il l'a fait depuis le début de la série, n'avait sans doute pas conscience du mal qu'il serait amené à faire à cette jeune fille mais aussi du mal qu'elle lui ferait...

"Il n'y a pas le choix... tout le monde vit comme ça... ici ou ailleurs..."

Briser les règles de cette "normalité" imposée par la société ne peut se faire sans conséquences, et la suite dans le prochain volume promet alors d'être encore plus immense.


Critique 1 :

"L’autre côté". Takao s’est libéré de ses chaînes, maintenant déterminé à atteindre cette autre dimension aux côtés de Sawa qu’il suivra partout. Ensemble, ils se confrontent aux mœurs du monde qui les emprisonnent, cherchant à chaque fois à aller plus loin. Mais Nanako n’est pas dupe et sait qui se cachent derrière ces affaires de culottes. Pourtant, elle ne veut rien dire et ne dira rien. Au contraire, elle surveille les deux complices d’un œil attentif, cherchant à se rapprocher de Takao…

Il y a eu un véritable déclic chez Takao. Fini le couard indécis, le voilà désormais pleinement éveillé, conscient des barrières qui l’oppressaient jusqu’ici, et c’est pour s’en affranchir qui fait les quatre-cents coups en compagnie de Sawa. Si le début de la série nous permettait de nous questionner sur son développement, l’affaire de la culotte de Nanako ne permettant pas vraiment de savoir où Shûzô Ôshimi voulait en venir, la réponse est désormais plus qu’évidente. Les Fleurs du Mal conte une histoire d’adolescents, un récit où de jeunes gens combattant un malaise causé par les mœurs dictées par la société, celles-ci ne permettant pas à la nouvelle génération de s’épanouir selon leurs propres états d’esprit. C’est parfaitement ce que représente Takao qui est un tout autre personnage par rapport au premier volume. Les actions qu’il commet avec Sawa sont "mauvaises", on le sait bien. Et pourtant, difficile de ne pas être de leur côté, de s’imprégner de la fraîcheur de leur insouciance. Mais le mangaka traite aussi cet aspect avec une certaine crédibilité en développant les véritables objectifs du héros. S’il souhaite briser certaines barrières, il est aussi déterminé à suivre la fille dont il est vraiment amoureux, celle qui lui a appris le sens du mot "liberté". La relation entre Takao et Sawa est une romance, quelque part, mais qui ne suit certainement pas le schéma classique du manga romantique. Au contraire, leur lien a quelque chose de plus humain et complexe. En ce sens, Shûzô Ôshimi parvient toujours à garnir son récit de moult développements à partir de bien des sous-entendus, graphiques notamment, le lien entre Takao et Sawa étant aussi bien marqué par leur complicité que l’expression et la rougeur qu’arborent les deux jeunes gens lorsqu’ils sévissent ensemble.


Et une nouvelle fois, Nanako n’est pas en reste. Abasourdie par le changement de son ancien petit-ami, celle-ci mène son enquête et ne quitte jamais Takao et Sawa du regard. Encore une fois, l’auteur brise un cliché, celui de l’adolescente modèle pour façonner un être humain qui s’émancipera à sa façon. A l’instar de Takao plus tôt, Nanako est soumise à une grande évolution. Elle craque, littéralement, au nom de l’amour et parce que tout comme Sawa avec le héros, Takao fut celui qui la regarda d’un œil véritable et sincère, et non avec un masque. La série reste donc fidèle dans ses thèmes, et ce quels que soient les personnages. C’est justement autour d’eux que ce cinquième opus tourne et s’avère peut-être encore plus important que ceux qui ont précédé dans le déroulement de l’œuvre. Du côté de Nanako, cela se traduit par un développement conséquent qui aboutit à un acte final qui n’est pas à mettre dans toutes les mains. Si le récit a toujours joué avec la morale, son déroulement devient grave sur la dernière phase de ce tome, une séquence entre le protagoniste et Nanako particulièrement violente tant par sa mise en scène que sa symbolique. En terme de mise en scène, Shûzô Ôshimi montre une fois encore son génie de la narration, l’auteur contant une longue séquence qui noue sans mal l’estomac, choque par sa froideur et sa violence psychologique, et ne laisse personne indifférent, que ce soit le lecteur ou les personnages. Si la montée en puissance du récit jusqu’à ce cinquième tome sonnait comme un rêve devenant plus merveilleux à chaque chapitre pour Takao, la chute est violente et impitoyable, si bien qu’on se demande comment l’auteur rebondira pour développer la suite.


Encore une fois, Les Fleurs du Mal est une œuvre axée sur l’humain, sur l’adolescence, poétique à souhait et brillante par ses thèmes et sa mise en scène. Si les premiers tomes pouvaient éventuellement laisser perplexe, Shûzô Ôshimi délivre une œuvre sincère et un message touchant qui vise l’humain sans tenir compte des mœurs artificielles. La phase d’introduction achevée, chaque tome sonne comme un moment de lecture aussi incroyable pas son identité que passionnant par la réflexion qu’il propose et ses personnages.

Critique 3 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

17 20
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

18 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs