Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 25 Octobre 2024
Depuis quelques jours, la collection Kawaï des éditions nobi nobi! accueille la série en 4 volumes Le Fantastique voyage de Nicola au pays des démons. De son nom original "Nicola no Oyururi Makai Kikou" (littéralement "Le voyage relaxant de Nicola à travers le monde des démons", la traduction française du titre étant donc assez proche du sens d'origine et donnant immédiatement une idée de l'histoire), cette série a été prépubliée au Japon entre 2017 et 2021 dans le prestigieux magazine Harta d'Enterbrain/Kadokawa, et il s'agit de la toute première oeuvre de la carrière d'Asaya Miyanaga.
Comme le laisse donc bien deviner le titre, on suit ici Nicola, une petite fille humaine qui, après s'être égarée dans le monde des démons, a été recueillie par le diable Simon, marchand ambulant de son état. Depuis, le duo voyage ensemble, fait des haltes par-ci par-là pour vendre des produits, subvenir à ses besoins, voire faire des rencontres hautes en couleurs et aider les êtres rencontrés. Nicola doit néanmoins rester prudente si elle ne veut pas être pourchassée: elle est effectivement une humaine ayant pour grand-mère une sorcière. Et quand bien même elle est elle-même une magicienne qui ne sait pas utiliser de magie hormis quelques tours de passe-passe,peut-être bien que ses capacités pourront parfois être utiles !
Le schéma de ce début de série est on ne peut plus simple,puisque chaque chapitre d'environ 30 pages correspond à une halte et donc à une nouvelle petite aventure pour Nicolas et Simon, avec à la clé la découverte de différents lieux : un bazar noir souterrain où Nicola pourra se cacher pour échapper à des soldats qui la traquent, une taverne où nos deux personnages principaux pourront parier tout en levant les clichés sur différentes espèces, un manoir où la petite humaine va sympathiser avec la fille des propriétaires, une forêt isolée et dense où la cueillette de champignons va être ponctuée d'une amitié féérique, un hôtel spectre où notre héroïne devra vaincre sa peur des fantômes pour mieux leur venir en aide, un tournoi de magie où elle devra donner le "meilleur" d'elle-même...
Si chaque situation reste simple sur le papier, il se dégage un indéniable charme de chaque halte, de chaque découverte, de chaque rencontre, et l'on doit beaucoup cette réussite au style personnel et assez unique de Miyanaga. Loin des dangers et des éléments terrifiants que l'on associer généralement aux histoires se déroulant dans des mondes démoniaques, on a ici un voyage qui,comme l'indique le titre japonais de l'oeuvre, a quelque chose de relaxant et de chaleureux. A travers la petite Nicola, attachante et amusante enfant avec tout ce que ça peut impliquer de bien ou de moins bien (car la petite peut aussi candide que capricieuse, et enchaîner autant les bonnes actions que les maladresses et les bêtises), on découvre sans préjugés toute une galerie d'espèces avec qui elle noue généralement de jolis liens, acceptant les différences propres à chaque être dans une atmosphère positive.
Et le voyage ne serait pas si merveilleux si le rendu graphique ne suivait pas: en plus de livrer des décors foisonnants et omniprésents ainsi que des designs très divers selon les nombreuses espèces rencontrées, Miyanaga semble croquer tout ceci à la main, avec beaucoup de traits, en se passant presque totalement de trames classiques entre autres. Il y a un imaginaire très présent et un gros travail artistique et personnel, si bien que l'on comprend facilement pourquoi le rythme de parution japonais était assez lent (il y avait un seul tome par an là-bas), et que l'on cerne bien ce qui a pu amener Miyanaga à faire ses débuts professionnels directement dans le Harta, un magazine qui est justement très réputé pour la forte personnalité graphique de ses mangakas (c'est de ce magazine que proviennent les séries Bride Stories deKaoru Mori, Gloutons & Dragons de Ryoko Kui, minuscule de Takuto Kashiki ou encore Dans le sens du vent d'Aki Irie, pour n'en citer que quelques-unes).
Ce premier volume est donc un vrai petit ravissement dans son genre. Auprès d'une petite héroïne bien campée, on prend plaisir à découvrir un monde démoniaque plus relaxant et chaleureux que vraiment effrayant, le tout avec un gros travail graphique où le merveilleux et la découverte sont à quasiment chaque page.
Côté édition, le prix de 10,90€ se justifie par le grand format de l'oeuvre (idéal pour bien profiter de la richesse visuelle dont est capable Miyanaga), le papier bien épais et opaque, et l'excellente qualité d'impression. A part ça, soulignons aussi la jaquette soigneusement adaptée de l'originale japonaise, le logo-titre bien pensé par Pauline Orlieb, la traduction claire de Nathalie Lejeune,et le travail d'adaptation graphique convaincant de la part du Studio Charon.