En proie au silence Vol.3 - Manga

En proie au silence Vol.3 : Critiques

Sensei no Shiroi Uso

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 26 Août 2020

Chronique 2 :

Le petit idéal de Minako s'est fissuré à force de voir Hayafuji ne plus s'occuper d'elle sexuellement, et la jeune femme en vient forcément à se demander si son fiancé et futur époux l'aime vraiment. Tout en se confiant à Misuzu, elle en vient aussi à s'interroger sur son amie, qui lui semble différente depuis quelque temps, et elle lui pose alors la question fatidique: n'aurait-elle pas été abusée par un homme ? Le choc est forcément là, mais comment Misuzu pourrait-elle dire que Hayafuji abuse d'elle depuis bien longtemps, chose qu'elle n'a pu avouer dès le départ au point de s'enfoncer dans l'infernale spirale du silence ? Dans le même temps, c'est aussi Niizuma qui reste meurtri et troublé: il lui semble avoir percé l'horrible secret de son enseignante, et en parallèle il se montre bien incapable, entre son traumatisme et son sentiment de culpabilité, de répondre aux avances insistantes de Mika. C'est alors que, de façon étonnante, Misakana (ou Kana Misato), la fille la plus populaire du lycée entretenant une relation floue avec Wadajima, s'arrange pour faire venir chez elle son camarade de classe... mais dans quel but ?

Après un premier volume assez percutant, le tome 2 d'En proie au silence marquait tout aussi fortement, que ce soit pour la profondeur de son sujet ne cessant de secouer, ou pour la mise en place de toute une palette de nouveaux personnages. Dans ce troisième opus, une plus forte consistance commence à être accordée à nombre de ces visages supplémentaires, qui ont tous des choses à véhiculer, des choses mettant évidemment bien souvent en exergue toute la complexité de la position des femmes par rapport aux hommes, mais aussi le comportement de ces derniers, que ceux-ci prennent conscience des problèmes ou pas du tout. Ainsi, les quelques figures masculines principales du récit n'ont bien souvent pas conscience des problèmes, voire en profitent plus ou moins consciemment, puisque le patriarcat de la société le leur permet. Bien qu'assez discret dans ce tome, Hayafuji reste toujours aussi détestable,notamment pour le "lavage de cerveau" qu'il a fait à Reina. Quant à Wadajima, sa vision des filles semble peu évoluer, à l'exception peut-être de Misakana envers qui il finit par montrer quelque chose d'un peu plus intéressant... mais est-ce que cela sera vraiment bénéfique pour la principale concernée ? Car l'un des passages les plus percutants de ce volume vient sûrement de ce que l'on découvre de Misakana: en apparence adolescente s'adonnant à certains plaisirs corporels, elle finit par montrer bien d'autres choses, que ce soit dans son refus de réellement passer à l'acte pour reste une "marchandise neuve" (quelle dureté de se considérer comme une marchandise), ou surtout dans ce que l'on apprend de sa situation familiale, qui l'a forcément beaucoup conditionnée, jusqu'à assurément être elle aussi prise dans une spirale de silence. Le silence, c'est aussi en quelque sorte ce qui touche Reina, violée par Hayafuji dans le tome précédent, mais persuadée malgré tout qu'il y a de l'amour entre eux, au point de prendre de haut son amie Ayaka (un peu comme Misuzu semble prendre de haut Minako au début du tome). A côté de ça, Ayaka est une femme que l'on découvre également, et qui s'avère d'un tout autre genre dans son rapport avec les hommes, fuyant l'amour pour rechercher uniquement le sexe, et cherchant de cette manière à rester libre et maîtresse d'elle-même.

Mais au-delà de ces nombreuses figures toutes plus intéressantes les unes que les autres dans ce qu'elles ont à véhiculer, ce sont évidemment Misuzu et Niijima qui continuent également de s'exposer. En permanence dans ce tome, au fil de leurs différents choix et de leurs sentiments négatifs, on ressent bien leur mal-être, leur prise de conscience et leur volonté difficile de se rattacher à quelque chose. La narration de Torikai reste profondément introspective et n'occulte rien, et cela sonne d'autant plus juste que chaque texte semble voué à frapper juste, et que nombre de situations autour des personnages secondaires viennent faire écho à la situation de nos deux héros. Par exemple, tout comme Misuzu, que pourrait bien ressentir Misakana si elle devait être sauvée des hommes par un homme ?

Les situations sont souvent complexes, travaillent en permanence les personnages et leur esprit, et bousculent constamment les lectrices et lecteurs dans une permanente remise en question. A ce titre, il est vraiment difficile de ressortir indemne de la lecture d'En proie au silence, tant tout est fait pour mettre les pieds dans le plat et pour pousser à la réflexion à quasiment chaque page. Une lecture éprouvante, comme toujours, mais réellement nécessaire.


Chronique 1 :

Mademoiselle Hara doit être aidée. C'est du moins ce que pense intimement Niizuma, qui ne cesse de penser à sa professeure et est prêt à tout pour lui porter secours, elle qu'il sait avoir été abusée par des hommes. Cette dernière est aussi percée à jour par son amie, Minako, mais comment lui avouer que c'est son futur mari, Hayafuji, qui est à l'origine de ses maux ?

Après un deuxième volume étonnant par sa manière d'amener de nombreux personnages dans l'intrigue, tous porteurs d'idées et de thématiques fortes, on attendait de voir comme Akane Torikai compter poursuivre l'écriture de son récit. La rédemption de Niizuma apportait un certain suspense, notamment parce que celui-ci était prêt à tout pour aider son enseignante. Forcément, l'idée pouvait surprendre : Quelle légitimité aurait un récit, prenant pour sujets les violences faites aux femmes et la domination masculine en général, qui montrerait au contraire un homme volant au secours d'une femme ? Et cette opposition, la mangaka en a conscience, aussi les choses ne se passeront pas forcément comme prévu. Car sur une intrigue dramatique forte, les questionnements fusent en filigrane. Parce que Niizuma comme mademoiselle Hara sont des protagonistes qui ne cessent d'avoir des introspections, le lecteur se pose aussi certaines questions, et l'histoire n'en devient alors que plus forte est percutante. On apprécie la manière qu'a l'autrice de développer son sujet, presque sur un plan interactif puisqu'il est impossible de poursuivre la lecture d'En proie en silence sans s'interroger sur les sujets développés.
A ce titre, toute une séquence entre la professeure est son élève est particulièrement puissante. La mise en scène proposée par Akane Torikai joue évidemment dans cette efficacité, puisqu'on comprend à elle seule les dilemmes et les troubles qui caractérisent chacune des deux figures. C'est à la fois émotionnellement et psychologiquement cruel, mais idéal pour représenter les souffrances des deux concernés.

En parallèle, ce troisième volume s'intéresse une fois encore à différents arcs de personnages, chacun ayant quelque chose à raconter ou à exprimer. Les chemins s'entremêlent bien souvent, aussi une véritable dynamique continue d'être développée sur le plan purement narratif. Ainsi, même quand l'intrigue choisit un personnage plus secondaire pour ses focus, le récit ne perd jamais en sens.

Au contraire, puisque le scénario d'En proie en silence continue de prendre une certaine force par ces chemins croisés, puisque les intrigues commencent à se démêler, notamment vers la toute fin du tome. C'est parfois fait avec de toutes petites facilités d'écriture, mais rien qui ne nous sorte véritablement de la lecture puisque de telles avancées sont essentielles pour amener les déclics de quelques figures de l'histoire. Qu'il s'agisse de l'attendrissante Mika, de Reina ou même de Minako, on apprécie que les intrigues soient poussées vers l'avant, de même pour des personnages amenés petit à petit vers de vraies réflexions.

Alors, En proie au silence poursuit son écriture intelligente, mettant en exergue des personnages complexes nourris par des prises de conscience fortes. Les messages du titres sont parfaitement servis par le récit, poussant le lectorat à sa propre introspections. Un manga toujours fascinant sur le plan de la fiction, mais aussi d'utilité publique pour ses idées décortiquées.

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.25 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs