Elle et son chat - Actualité manga

Elle et son chat : Critiques

Kanojo to Kanojo no Neko

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 01 Octobre 2021

Chronique 2 :

Voici déjà quelques années, plus précisément depuis le manga et le roman de Your Name. en 2017, que Pika Edition s'est imposé comme le principal éditeur des adaptations papier des animes de Makoto Shinkai, succédant ainsi à Kazé Manga qui s'en chargeait auparavant en ayant sorti les mangas/romans Les Enfants d'Agartha et Garden of Words. On ensuite suivi en 2018 le manga spin-off Your Name. Another Side:Earthbound, en 2020 les mangas et roman des Enfants du Temps et de 5cm per Second, début 2021 le manga de The Voices of a Distant Star... Et en ce début d'automne, l'éditeur boucle en quelque sorte une boucle en nous invitant à découvrir l'adaptation manga de la toute première réalisation de Shinkai: Kanojo to Kanojo no Neko, Alias She and her Cat.

Makoto Shinkai est un nom qu'il n'est sans doute plus nécessaire de présenter. Auteur et réalisateur de différents succès (The Voices of a Distant Star, 5 cm par seconde, La tour au-delà des nuages, Voyage ver Agartha, Garden of Words, et ces dernières années les plus aseptisés Your Name. et Les Enfants du Temps qui lui ont toutefois permis d'acquérir une réputation internationale plus solide...), il a peaufiné au fil de ses oeuvres une patte aisément identifiable, portée par des thématiques qui font désormais partie de son univers... et que l'on entrevoyait déjà dès 1999-2000 dans Kanojo to kanojo no neko, l'un de ses tout premiers courts-métrages (quelques mois auparavant, il avait réalisé le très court clip expérimental Tooi Sekai - Other Worlds). D'une durée de 5 minutes, ce bref récit proposait de suivre une jeune femme à travers les yeux de son chat Chobi, pour un résultat simple et touchant, dans un style d'animation minimaliste (essentiellement des travellings peu animés en noir et blanc), porté par des vues panoramiques quasiment contemplatives évoquant l'avancée inexorable du temps, et de paroles issues des pensées du félin mettant notamment en valeur l'importance des instants passés avec ceux que l'on aime. Rencontrant un important succès d'estime, cette courte réalisation, initialement réalisée par Shinkai pour encourager la fille qu'il aimait face aux épreuves qu'elle traversait, a permis de mieux faire connaître l'artiste qui travaillait alors dans une entreprise de jeux vidéo, de jeter les premiers éléments qui feront ensuite l'unicité de son oeuvre globale, et de lui offrir un premier pont réel vers l'animation, avant qu'il réalise en 2002 The Voices of a Distant Star (Hoshi no koe), son premier moyen-métrage qu'il a confectionné quasiment seul de A à Z. Kanojo to Kanojo no Neko peut être visionné facilement sur le net, ou en bonus dans l'édition collector de 5cm par seconde et Voices of a Distant Star sortie chez Kazé.

Il aura pourtant fallu attendre 17 ans avant que ce court-métrage ne connaisse une adaptation papier, puisque le manga ici présent a été prépublié au Japon à rythme mensuel, entre avril et juillet 2016, dans les pages des magazines Afternoon puis Afternoon Season Zokan des éditions Kôdansha. Cette année-là n'est pas forcément anodine pour l'oeuvre, puisque c'est également en 2016, plus précisément courant mars, que fut diffusée Kanojo to Kanojo no Neko - Everything flows, une adaptation libre (pas mal d'éléments changent, même si les thèmes restent identiques) du court-métrage d'origine en une minisérie animée comportant 4 épisodes de 7min50 chacun et qui fut proposée en France sur la plateforme Crunchyroll. Au dessin de ce manga, on retrouve une artiste que l'on a justement pu découvrir en France chez Pika depuis le début de cette année: Tsubasa Yamaguchi, la mangaka à qui l'on doit l'excellent récit artistique Blue Period. Kanojo to Kanojo no Neko fut d'ailleurs la première série un peu longue de l'autrice puisque, avant ça, elle s'était juste illustrée dans une anthologie collective sur l'anime Aldnoah.Zero et sur quelques histoires courtes. l'année suivante, en 2017, elle lançait son oeuvre-phare Blue Period.

Avec sa durée plutôt longue de 160 pages pour l'adaptation d'un court anime de 5 minutes, et sa divisions en 4 chapitres (plus un petit bonus) soit autant que les 4 épisodes de la mini-série de 2016, on aurait presque pu croire que ce manga serait plutôt une adaptation de ladite mini-série (d'autant que les deux adaptations datent de 2016, rappelons-le). En réalité, pas du tout: le manga se base bel et bien uniquement sur le court-métrage de 1999, avec une certaine fidélité d'un bout à l'autre concernant le déroulement et les textes. On y suit tout simplement un jeune chat blanc, recueillie par la jeune adulte humaine Miyu alors qu'il était abandonné dans un carton, prénommé Chôbi par ses soins, et qui va alors suivre, au jour le jour, les allées et venues chez elle de cette femme qu'il voit comme une véritable maman, et pour qui il se languit inlassablement d'amour... quand bien même Miyu, de son côté, semble profondément tourmentée par ce à quoi nombre de jeunes adultes sont confrontés: trouver sa place dans la vie.

A l'instar du court-métrage, toute la narration (ou presque) passe exclusivement par le chat, par ses pensées, par le regard pétri d'amour qu'il pose sur sa "maman" qu'il trouve inlassablement belle, et qu'il aime fidèlement. Et comme dans le court-métrage, on ne cerne donc pas directement la profondeur des tourments de Miyu, puisque l'animal ne peut les comprendre. C'est par des petits détails placés ici et là que l'on cerne le mal-être de la jeune femme: un coup de téléphone de sa mère auquel elle ne répond pas, des échanges de sms, des discussions avec son amie laissant entendre qu'elle ne s'alimente pas correctement, une proposition de mariage qui ne l'intéresse pas, etc, etc... Mieux, le denrier chapitre, au travers de discussions d'autres personnes que Miyu entend dans la rue en se morfondant, pourraient lui faire comprendre que les tourments qui l'occupent actuellement, elle est très loin d'être la seule à les vivre. Et à défaut de pouvoir tout résoudre facilement, elle pourra toujours compter sur l'indéfectible soutien de sa boule de poils.

Car le lien entre Miyu et Chôbi est évidemment au coeur du récit, en est l'élément central en permanence. Sur un ton plutôt naïf et candide correspondant bien à l'animal, Chôbi observe les allées et venues de Miyu chez elle sans forcément les comprendre (pourquoi s'absente-t-elle en le laissant tout seul ?), sent bien qu'elle déprime parfois (notamment quand elle pleure) sans tout cerner... mais la présence du félin est lumineuse, en ceci que, encore et toujours, son amour pour sa maîtresse qu'il trouve si belle est là, tout simplement. De quoi nous rappeler à quel point un animal de compagnie affectueux peux nous sauver.

En étendant sur 160 pages environ son adaptation d'un court-métrage de seulement 5 minutes, Tsubasa Yamaguchi a tout le loisir de faire montre de son art visuel, tout en restant très fidèle au matériau de base. La mangaka reprend effectivement nombre de plans du court-métrage: les angles, les vues de l'intérieur de l'appartement bien souvent à hauteur de chat... fidélité qui se ressent dès la première page avec le téléphone qui sonne et la jeune femme accroupie à côté sans décrocher. Mais loin de faire du simple copier-coller, Yamaguchi sublime chaque instant. Elle enrichit les scènes au fil de planches supplémentaires, renforçant l'immersion avec d'autant pus d'efficacité que l'on y retrouve ce style si séduisant dans Blue Period. Mieux, la dessinatrice offre beaucoup plus d'expressivité à Miyu, dont on voit très souvent le visage contrairement au court-métrage d'origine.

Elle et son chat est, alors, une adaptation particulièrement soignée et belle d'un court-métrage auquel Yamaguchi reste très fidèle, tout en y apposant ses propres élargissements et sa très belle patte visuelle.

Côté édition, Pika offre un livre au rendu sobre, doté d'une jaquette sans fioritures, sobre, proche de l'originale japonaise, et se dotant d'un logo-titre simple et propre de la part de Noémie Chevalier. A la traduction, Clair Olivier propose un travail excellent, soulignant bien la naïveté du félin ainsi que l'ambiance typique de l'oeuvre. Le lettrage est soigné, et le papier souple permet une impression assez honnête. Enfin, on appréciera beaucoup les quatre premières pages en couleurs, domaine où Tsubasa Yamaguchi est également très douée.


Chronique 1 :

Les éditions Pika ont à cœur de publier les différentes adaptations mangas des œuvres de Makoto Shinkai, ce que nous avons vu avec les sorties chez nous des versions papier de Your Name (et son spin-off « Another Side - Earthbound ») mais aussi des Enfants du Temps, The Voices of a Distant Star ou encore 5cm per Second. Quelques titres manquent à l'appel chez l'éditeur, on pensera à Garden of Words ou Les Enfants d'Agartha qui ont atterri chez Kazé auparavant, mais on peut aujourd'hui dire que Pika est bien l'éditeur des œuvres associées aux anime du cinéaste d'animation mondialement reconnu.

A côté, la maison s'est aussi intéressée à un certain Tsubasa Yamaguchi depuis début 2021, avec l’enivrant Blue Period narrant l'ascension artistique du jeune Yatora, lycéen qui peinait alors à trouver sa voie. En cet automne de la même année, Pika fait d'une pierre deux coups : Respectant sa politique d'auteurs, il profite du one-shot Elle et son Chat pour proposer une nouvelle adaptation des travaux de Makoto Shinkai, et en remettant à l'honneur Tsubasa Yamaguchi qui en est le dessinateur.

L'unique volume s'appuie sur le court-métrage Kanojo to Kanojo no Neko de Makoto Shinkai réalisé en avril 2002. Un format extrêmement court de quatre minutes, mais qui contribua aux débuts du réalisateurs qui se fera, plus tard, un sacré nom à l'international.
Tsubasa Yamaguchi lancera l'adaptation manga de ce métrage en 2016, soit un peu avant Blue Period, dans les pages du magazine Afternoon de l'éditeur Kôdansha. L'histoire, longue de quatre chapitres, profitera d'un volume relié le 23 août 2016 au Japon, un format physique qui a le mérite de nous en dire plus sur le devenir de l'héroïne et de son félin.

Elle et son chat, c'est l'histoire de Chobi, chat d'un blanc crémeux abandonné dans les rues, recueilli par Miyu. Cette jeune femme vit seule, et le félin y voit une sublime figure maternelle pour laquelle il éprouve énormément d’amour. Parfois, Miyu s'absente, ce que Chobi ne comprend pas, tout comme il ne saisit pas ses tourments et sa difficulté à trouver sa place dans ce monde.

De par son démarrage, le récit de Tsubasa Yamaguchi tiré du court-métrage de Makoto Shinkai peut s'apparenter à un manga de félin parmi tant d'autres. D'une rencontre, deux êtres s'apprivoiseront mutuellement, leur amour leur permettant d'appréhender le monde avec un regard différent. Pourtant, le manga présente beaucoup plus de subtilités, ne serait-ce dans le déroule du récit sans cesse commenté par un Chobi qui ne comprend pas ce qui caractérise le quotidien de sa « maman », se contentant d'apprécier sa beauté et de profiter de ses retours suite à des absences qu'il n'explique pas.

Le portrait du félin a quelque chose de naïf, tout le contraire du quotidien de Miyu. La jeune femme nous apparaît rapidement comme tourmentée, sans que l'on comprenne précisément les raisons de ses tracas. En ce sens, la narration de Tsubasa Yamaguchi se révèle intelligente : Elle ne nous prend pas par la main, et nous fait comprendre les dilemmes de la protagoniste via des éléments de fonds, comme un dialogue de série télévisée ou des réceptions de SMS, traduisant ses tourments. Il y a une certaine froideur dans l'esthétique d'Elle et son chat, et un véritable jeu de double tonalité entre l'innocence du minet et la souffrance quasi quotidienne de celle qui l'a adopté. Le récit, certes courtes, se dote d'une véritable palette d'émotions que le mangaka retranscrit par des codes graphiques que celles et ceux qui ont lu les débuts de Blue Period reconnaîtront aisément. Du travail expressif sur les faciès de l'héroïne jusqu'à des plans larges où s'illustre sa détresse, tout le récit s'apparente au portrait du calvaire vécu par la jolie jeune femme, de la première à la dernière page. Une intention d'autant plus cruelle qu'on aurait pu croire que le registre félin du manga pousserait justement celui-ci dans l'euphorie du quotidien avec l'animal. On n'en dira pas plus pour ce pas gâcher la lecture, mais c'est à sa manière que Elle et son Chat amène cette association, totalement en phase avec son récit. Le lecteur amoureux de ces boules de poil pourra y voir un message qui lui correspond, sachant que le récit par Tsubasa Yamaguchi porte aussi bien sur la manière de trouver sa place dans ce monde qu'au bonheur qu'on peut éprouver dans la vie de tous les jours, avec un animal à ses côtés. Certaines de ces idées se retrouveront même dans Blue Period, comme si l’œuvre avait profondément marqué le style du mangaka.

Elle et son Chat, c'est un bien joli récit aux multiples facettes, à la fois doux et innocent mais aussi froid et terre à terre, qui happera sans mal par son atmosphère et le talent indéniables de Tsubasa Yamaguchi pour dépeindre des émotions, ce qu'on retrouvera dans sa série suivante déjà mentionnée dans cette chronique.

Pika offre au one-shot une édition de très jolie facture, garnie de pages couleur et d'un papier à la bonne épaisseur, et dont l'adaptation graphique épurée signée Hinoko garantit un confort de lecture. La traduction de Claire Olivier semble adéquate de par sa manière de retranscrire les ambiances du titre, tandis que la sobre et douce maquette de couverture de Noëmie Chevalier correspond bien à certaines intentions de l’œuvre.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction