Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 06 Février 2025
Chronique 2 :
Tout était prêt pour permettre la naissance et la diffusion du « Mouvement de la Terre », l’ouvrage prouvant la théorie de l’héliocentrisme. Mais l’inquisition n’a pas dit son dernier mot, y compris Novak, bien que ce dernier ne soit plus que l’ombre de lui-même au point de ne même pas s’être rendu compte que sa propre fille, Jolenta, était encore en vie… jusqu’à ce qu’elle sacrifie sa vie pour une cause plus grande, presque sous ses yeux. Dans une situation critique, Douraka n’a qu’une solution : s’en remettre au frère Antoni qui peut encore permettre l’impression de l’ouvrage.
Indéniablement, « Du Mouvement de la Terre », le manga d’Uoto, fut parmi les mangas les plus passionnants de ces derniers mois. Avec ce huitième tome, comme convenu, l’histoire touche à sa fin, et certainement pas de la manière la plus prévisible qui soit.
L’ultime acte du récit s’achève sur une confrontation que nous attendions pourtant, dans le sens où l’arc du personnage de Novak devait être résolu. Il en découle un moment d’intensité puissant dans lequel le sort des quelques personnages importants encore en vie est résolu, et par lequel la vision des événements prend une tournure totalement nouvelle. Le mangaka prend clairement des risques en développant une autre optique en guise de fin mot de son histoire, un pari qui amène un sens indéniable au parcours de Novak, et par conséquent une vision encore plus tragique des parcours des personnages forts de la série, qu’il s’agisse de Douraka, Jolenta, Badeni, Ocszy, et plus anciennement Rafal. Une vraie surprise scénaristique qui précède un dénouement qui l’est encore plus, puisque l’aventure de Douraka ne signe pas vraiment le fin mot de l’histoire…
Là est le coup de maître de l’auteur pour sa fin de récit : en guise de dernier acte, ce dernier développe de nouveaux points de vue, dans un cadre qui peut largement être sujet à interprétation pour le lecteur. Après avoir conclu avec audace la ligne scénaristique de son manga, c’est ensuite à la direction thématique qu’il donne un point final. Une dernière fois, Uoto nous questionne sur ce qu’est la recherche de vérité sous le prisme du progrès scientifique, de quelle manière celle-ci peut évoluer avec les religions et les croyances, et ce qu’elle représente en termes de destinée et de possible fatalité pour l’être humain. Si le cadre des quatre derniers chapitres nous décontenance dans un premier temps, toutes les réflexions qu’ils apportent sonnent comme un dénouement particulièrement juste d’une série qui n’aura jamais manqué de nous captiver et nous tenir en haleine, mais surtout de nous interroger sur le concept de vérité et sur la nature de l’humain vis-à-vis de sa curiosité et de sa soif d’apprendre, de questionne et de contredire.
C’est admiratifs que l’on referme le dernier volume de la série. De bout en bout, « Du Mouvement de la Terre » aura constitué une lecture unique, captivante et intelligente, pourvue de personnages forts et de réflexions bien menées. Et si le trait d’Uoto peut refroidir tant il paraît hésitant, l’auteur n’a jamais manqué de nous offrir quelques jolis moments de narration, un type d’exercice artistique dont ce dernier tome s’enrichit à plusieurs reprises. On espère très sincèrement revoir le mangaka être publié dans nos contrées, notamment avec sa récente série « Yôkoso ! Fact » qui, longue de quatre petits tomes seulement, semble nous interroger cette fois sur les concepts de logique et de rationalité. Une autre manière de traiter de l’humain qu’on aimerait grandement découvrir !
Chronique 1 :
Porté par Douraka qui a accepté de mener à bien la mission que Jolenta lui a confiée avant de se donner la mort, le projet d'impression à grand échelle de l'ouvrage "Du mouvement de la Terre" semblait en bonne voie, du moins jusqu'à ce qu'une trahison ne mette les "hérétiques" dans le pétrin. Poursuivie par les hommes de l'Eglise, la jeune fille ne doit son salut qu'au sacrifice de Schmitt, qui choisit de bloquer la route aux poursuivants autant que possible. Tout en se sachant perdu, Schmitt disparaît toutefois avec une grande fierté: celle d'avoir choisi son destin... C'est ainsi que Douraka peut atteindre sa destination: l'église où se trouve le frère Antoni, peut-être le seul homme à-même de pouvoir l'aider à mener à bien son projet. Mais il reste deux obstacles de taille à franchir: non seulement le besoin de convaincre Antoni de la suivre dans sa démarche, mais aussi et surtout l'inévitable confrontation avec Novak, l'ancien inquisiteur étant toujours aussi déterminé à faire disparaître toute trace de la théorie de l'héliocentrisme.
Nous voici donc enfin au volume final de Du mouvement de la Terre, série aux thématiques passionnantes, qui se poursuit de façon particulièrement forte dans une première partie de tome marquée avant tout par deux aspects. Tout d'abord, la riche discussion de Douraka avec le frère Antoni pour tenter de convaincre ce dernier de participer à son projet: derrière l'aspect pécuniaire, cette conversation permet à Uoto d'étendre encore ses réflexions, à la fois autour de l'arrivée imminente d'une ère plus matérialiste et où l'argent deviendra au centre de tout, et autour des vertus des livres en tant que moyens de divertir, de transmettre et d'exalter la pensée. Ensuite, l'inévitable arrivée d'un Novak qui, derrière son rôle d'antagoniste apparu dans chacun des grands arcs de la série, reste intéressant dans le focus qui est fait sur lui jusqu'au bout, notamment vis-à-vis des convictions obtuses dans lesquelles il s'est enfermé sans plus réfléchir, au risque d'avoir provoqué bien des drames (la mort de sa fille en tête), mais aussi vis-à-vis d'une interrogation bien posée: sciences et religion sont-elles vraiment incompatibles ?
Il reste toutefois que le meilleur reste à venir puisque, une nouvelle fois, et alors que l'on imaginait que cette partie sur Douraka serait la dernière, le mangaka vient nous surprendre quelque peu via, à nouveau, des rebondissements soudains et brutaux permettant de mieux amener une conclusion autour d'un nouveau personnage, sur qui il vaut mieux éviter d'en dire trop. A travers celui-ci, son esprit curieux qu'il a longtemps bridé, et son enfance l'ayant forcément beaucoup marqué, Uoto cristallise une belle idée: même si la petitesse humaine est évidente face à l'immensité de l'univers, et même si les vies sont oubliées au fil des siècles qui passent et des avancées, les idées survivent à travers les livres, et il y aura toujours ce besoin proprement humain de découvrir, de savoir, d'être curieux, de chercher à comprendre le monde. Le tout se fait à travers un final malin puisque: il aurait pu être frustrant d'avoir droit ici à une conclusion restant somme toute forcément ouverte, mais en réalité il n'y a rien de plus logique dans une oeuvre voulant montrer que la soif de comprendre le monde ne s'arrête jamais, et dans ce sens la fin choisie par Uoto est hautement symbolique, en ayant pour dernier personnage central une personnalité historique, un astronome ayant eu un rôle capital en termes de découverte et de transmission, notamment auprès d'un certain Nicolas Copernic...
On referme alors cette série sur une grande satisfaction: celle d'avoir vu Uoto mener intelligemment son récit jusqu'au bout, en cristallisant très bien ses idées et son but. De par ses nombreuses thématiques bien approfondies autour de l'univers, de l'humain et du savoir, Du mouvement de la Terre est sans aucun doute une grande série, qui n'a aucunement volé ses différents prix et nominations au Japon.