Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 08 Janvier 2025
Chronique 2 :
Jeune fille ayant appris, jusque-là, à placer l'argent au centre de sa vie, à une époque où c'était encore très largement la religion qui avait cette place, Douraka a pu échapper au sort terrible que lui réservait son égoïste oncle, mais elle risque désormais d'en payer le prix fort: en ayant brûlé le manuscrit sur l'héliocentrisme que tant de monde semblait convoiter, elle pourrait s'attirer les foudres du Front de libération des hérétiques... à moins que son exceptionnelle mémoire ne la sauve, puisqu'elle affirme avoir retenu tout le contenu de l'ouvrage. Le capitaine Schmitt, membre important du Front, la conduit alors devant la cheffe du mouvement qui n'est autre que Jolenta, la fille de Novak, que nous avions laissée en adolescente curieuse sur le monde 25 ans auparavant, et que l'on retrouve ici en leader marquée par la vie mais ayant toujours la même détermination à comprendre l'univers... et, surtout, à transmettre les découvertes dessus que l'Inquisition veut taire. Pour marquer un grand coup dans son objectif, Jolenta doit à présent convaincre Douraka de coopérer avec elle, en lui récitant le manuscrit brûlé afin de le remettre sur papier et de l'imprimer en masse. Mais au vu de ses considérations pécuniaires, la jeune fille acceptera-t-elle si facilement ?
Dans le même temps, dès le début du volume, deux religieux sont en pleine discussions: fervent partisan de la torture et de la violence pour stopper les "païens", le frère Ash se frotte au père Damian, vétéran qui, au fil des années, est désormais convaincu qu'il n'y a pas de salut dans la peur et dans la mort, et que la religion se trompe donc de voie, élément très malin puisqu'il permet à Uoto d'évoquer la façon dont, au fil des quelques décennies passée, la religion a été remise en cause en aboutissant aux prémisses de visions différentes, alternatives, autres que celle de l'Inquisition. Mais il reste que les deux religieux doivent dans l'immédiat trouver comment arrêter au plus vite le Front de libération des hérétiques, et pour ça ils se tournent vers un homme que l'on connaît bien, ancien inquisiteur qui n'est plus que l'ombre de lui-même depuis qu'il a perdu sa fille, qui est le seul personnage à avoir traversé chaque époque de la série, et qui voue plus que jamais une haine envers l'héliocentrisme: Novak.
A partir de là, on devine assez vite quelle sera la tournure des événements de ce tome, une tournure devenue très habituelle dans la série. Mais Uoto a, à nouveau, une manière particulièrement forte et maligne d'en arriver là, essentiellement grâce à deux choses, la première des deux étant sa faculté à éviter les plus gros poncifs dans les possibles retrouvailles père-fille: pas d'apitoiement, pas d'émotion facile, mais plutôt des actes forts qui disent notamment tout des convictions de Jolenta. Et puis, gageons qu'en tant qu'acteur le plus présent de la série, ayant traversé chaque acte de celle-ci comment un symbole de la perdition de l'Inquisition au fil du temps, on n'en aura pas encore tout à fait fini avec Novak...
Mais le vrai coup de maître de l'auteur est sans doute l'abord et l'évolution qu'il va offrir à son nouveau personnage central, Douraka, dans un contexte où elle doit devenir le nouvel élément central, le symbole d'avenir, en prenant fort logiquement la place de Jolenta, figure essentielle du récit 25 ans auparavant et désormais devenue à son tour celle qui doit transmettre par tous les moyens. Mais encore faut-il que Douraka accepte de coopérer, et c'est là que va avoir lieu pour elle toute une véritable leçon de vie, à-même de bousculer ses valeurs jusqu'à présent uniquement pécuniaires. Pour cela, que ce soit auprès de Jolenta ou de Schmitt, Uoto fait passer la jeune fille par des discussions très enrichissantes, lui permettant d'élargir sa vision des choses sur bien des aspects, et poussant même l'oeuvre dans un aspect quasiment philosophique autour de la religion bien sûr, mais aussi de la mort, des conviction et de ce qu'elles peuvent impliquer, de la vanité humaine face à la nature et à son immensité, et on en passe.
Derrière son déroulement devenu désormais assez linéaire dans les grandes lignes, Uoto continue alors d'offrir une oeuvre passionnante dans ses éléments les plus profonds, encore plus quand on y ajoute l'insistance sur les sujets les plus emblématiques, comme l'importance de l'écriture comme moyen de transmission, et l'essentialité de se battre malgré tout pour ses convictions face à l'obscurantisme, afin d'ouvrir de nouveaux horizons aux générations futures. Le mangaka livre avant tout une écriture particulièrement intelligente, et on attendra impatiemment l'issue de son histoire dans le huitième et dernier volume, qui est prévu en librairies à la fin de ce mois de janvier.
Chronique 1 :
Douraka ayant brulé le livre contenant les recherches sur l'Héliocentrisme, la voilà contrainte de suivre les naturalistes. Parce que la jeune fille a mémorisé l'ensemble de l'ouvrage, elle est amenée devant Jolenta qui, depuis toutes ces années, est devenue la leader du Front de libération des hérétiques. Douraka va donc mettre sa mémoire au service d'une impression massive des connaissances sur l'Héliocentrisme, achevant une tâche entamée il y a plusieurs décennies déjà. Mais plus qu'une rétribution, Douraka s'apprête à tirer une leçon de vie. De son côté, l'Église ne peut rester sans rien faire. Elle se tourne alors vers l'un de ces anciens inquisiteurs, depuis devenu l'ombre de lui-même : Novak...
Le tome précédent a lancé le dernier arc de cette singulière, mais captivante, série qu'est celle d'Uoto. Un arc qui se situe 25 ans plus tard, centré sur de nouveaux (mais aussi d'anciens) personnages, et qui décortique un environnement historique qui a évolué. Ainsi, la religion est désormais au centre des débats, et de véritables factions d'hommes qui apportent une autre vision des créations de Dieu sont nées. L'entrée en matière de cette ultime partie de l'intrigue ne manquait donc pas de piquant, mais c'est bien ce septième tome qui lui donne une puissance épatante.
Le parcours final semble être celui de Douraka, une jeune fille opportuniste et qui met l'argent au centre de sa vie, là où les humains placent davantage Dieu. Uoto se sert particulièrement bien de cet état d'esprit pour développer un vrai voyage initiatique chez la demoiselle, la faisant évoluer aux côtés d'autrui pour contrebalancer ses discours avides et prôner le message qui est celui de l'œuvre depuis ses débuts : l'amour de la découverte et des autres.
Un développement qui se fait par une succession de déboires attendus dès les premières pages de l'ouvrage. C'est le retour d'un personnage bien particulier, le seul à être le spectateur des trois grands actes de l'œuvre, qui vient confirmer les confrontations inéluctables. Alors, quand celles-ci surviennent, on n’est guère surpris du déroulement de l'histoire. En revanche, la sincérité derrière l'œuvre, via le développement de ses personnages, la maîtrise du rythme et du suspense, le drame omniprésent et la puissance du parcours de Douraka donnent un volume qui nous emporte de bout en bout, qui concentre les forces de la série et qui dirige plusieurs de ses pistes vers des dénouements scénaristiques autant que thématiques.
Le mangaka nous offre ainsi une lecture rondement menée et plante de solides promesses en vue du final, puisque le 8e opus sera le dernier. Il faudra néanmoins s'armer de patience pour découvrir le fin mot de l'histoire, puisque ce dernier tome paraîtra fin janvier 2025, soit 5 mois après celui-ci ! Il est possible que Ki-oon laisse cet entracte de publication afin de laisser le temps à la formation d'un public initié par l'anime (dont la diffusion vient de débuter), à moins que des choses ne se mettent en place pour le Festival International de la BD d'Angoulême ? Ce ne sont que des hypothèses qui n'enlèvent en aucun cas notre sentiment actuel : l'impatience à l'idée de découvrir la conclusion de "Du mouvement de la Terre" !