Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 25 Octobre 2023
La collection Genki des éditions nobi nobi! a accueilli, il y a quelques jours, une nouvelle tranche de vie assez courte puisqu'elle est achevée en 4 tomes: Un Dragon dans ma cuisine, en version originale Daidokoro no Dragon (littéralement "Dragon de cuisine", le titre français étant donc une traduction assez proche), une oeuvre qui a été prépubliée au Japon sur le site Gene Pixiv des éditions Kadokawa de juin 2018 à octobre 2020. Le parcours de ce titre est légèrement inhabituel: il s'agit initialement d'une micro-nouvelle que la dénommée Riri Shimada avait écrite il y a un certain temps. C'est quelques années plus tard que, à sa plus grande surprise, elle a été contactée par un éditeur pour lui proposer d'enrichir un petit peu sa nouvelle d'origine afin d'ensuite en faire un manga, la partie dessins de ce dernier ayant été confiée à la mangaka Miyoshifurumachi, artiste jusque-là inédite en France mais officiant dans son pays d'origine dans le manga professionnel depuis 2010 en ayant conçu quelques autres séries courtes (un Dragon dans ma cuisine étant, d'ailleurs, sa plus longue oeuvre à ce jour).
Cette série nous plonge quelque part dans l'Europe de l'Est des années 1980, l'écrivaine ayant volontairement choisi de ne pas spécifier le lieu/pays exact. C'est là-bas que Nono, une étudiante japonaise, est arrivée il y a peu afin d'y poursuivre ses études en Art. Alors qu'elle commence à s'habituer à son nouveau cadre de vie fait de montagnes, de verdure, de jolies petites maisons et de magasins (quasiment rien de fondamentalement différent du Japon, en fait, comme elle le dit elle-même), en pouvant notamment compter sur les conseils de Slavena et d'un petit gecko qu'elle a adopté, elle trouve, un beau jour, un étrange oeuf tout rond, duquel finit par sortir un étrange lézard. Elle a beau comprendre rapidement qu'il s'agit d'un bébé dragon en le voyant cracher une flamme, elle choisit de s'en occuper, d'en faire son nouveau colocataire, de l'élever, tout en prenant soin de le cacher au yeux des autres, car qui sait comment ils pourraient réagir, étant donné que ces animaux étaient très mal estimés autrefois et qu'ils gardent toujours cette image de méchants de contes de fées...
Les deux autrices nous immiscent donc dans une tranche de vie teintée de fantastique avec ce dragon, où l'un des enjeux, comme on peut le deviner au vu des jaquettes des tomes suivants, sera de voir cette toute jeune créature grandir auprès de notre héroïne humaine jusqu'à devenir un dragon adulte. Pour le moment, on est sur de purs petits moments assez tranquilles et insouciants, faits de trois fois rien, jonglant entre le quotidien de Nono (des activités comme la cueillette de champignons, ses études où elle a fort à faire pour trouver sa voie...) et son désir de s'occuper du bébé dragon, qu'elle apprivoise très facilement en étant un peu comme une mère pour lui, qu'elle observe soigneusement pour déterminer des choses comme son alimentation, et à qui elle essaie d'adapter un peu sa maison (en lui trouvant une niche, par exemple).
Alors, forcément, c'est assez mignon et paisible à suivre... mais le problème, c'est que pour l'instant, ça ne va pas plus loin que ça. Même pour une tranche de vie, il ne se passe pas grand chose de particulier, dans la mesure où les autrices survolent un peu tout pour l'instant. Mais c'est aussi le dessin qui pèche un peu car, même s'il est plutôt clair et agréable, il manque cruellement d'un minimum de personnalité. Les designs humains sont assez agréables mais restent simples, tout comme celui du dragon d'ailleurs, son allure manquant un peu de profondeur même s'il sera assez facile pour un plutôt jeune public de le trouver mimi. Mais c'est surtout l'exploitation du cadre qui déçoit un peu: pourquoi ancrer son histoire dans l'Europe de l'Est des années 1980 si c'est pour n'en faire quasiment rien ? Hormis de tout petits éléments anecdotiques (le nom de Slavena, quelques décors à l'allure européenne mais bien trop lisses pour nous les faire situer plus précisément, une de chasse dans une forêt appartenant à l'Etat, et c'est tout), il n'y a vraiment rien qui nous fasse nous sentir précisément à cette époque et en cet endroit du monde.
A l'arrivée, ce tome 1 se lit gentiment, mais il lui manque vraiment quelque chose pour se démarquer dans le registre de la tranche de vie un peu fantastique. C'est assez agréable à parcourir, mais ça ne va vraiment pas plus loin que ça et ça s'oublie vite après la lecture, car tout est un peu lisse et sans personnalité pour l'instant. Si bien que, finalement, les moments les plus intéressants sont peut-être les longs textes que Riri Shimada nous offre entre chaque chapitre, où elle présente beaucoup plus de points d'intérêt que dans le manga en lui-même. On lira assurément la suite, car sur Manga-news on est toujours friand de ce genre de série, mais espérons que les volumes suivants permettront à l'oeuvre de mieux trouver ses marques.
En ce qui concerne l'édition française de nobi nobi!, il n'y a rien de particulier à redire. A l'extérieur, la jaquette reprend l'illustration de l'édition japonaise d'origine tout en s'offrant un joli logo-titre avec un vernis sélectif et une chouette petite idée de design via l'oeuf de dragon incrusté dans la lettre "O". Et à l'intérieur, on a droit à quatre jolies premières pages en couleurs sur papier glacé, à une honnête qualité de papier et d'impression (bien que le papier soit trop transparent sur plusieurs pages), à un lettrage propre, et à une traduction claire de la part du binôme Manon Debienne/Sayaka Okada.