Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 26 Décembre 2024
Mangaka que l'on connaît essentiellement en France pour la série Slow Life In Another World (I Wish!) qui est publiée par les éditions Meian depuis 2023, Nagayori a d'abord fait ses premières armes, pendant une dizaine d'années, dans le hentai, et c'est cette autre facette de sa carrière que les éditions Hot Manga nous proposent de découvrir depuis le mois de juin dernier avec le recueil de presque 200 pages Les couleurs de l'innocence. De son nom original "Junjou Palette"(littéralement "Palette Pure" ), ce recueil est sorti au Japon en 2018 chez l'éditeur Wanimagazine, et regroupe neuf histoires courtes (dont une qui dure deux chapitres, et une autre qui s'offre un épilogue en toute fin de livre) que l'auteur a initialement conçues pour le magazine Comic Kairakuten Beast.
Au programme de ces histoires, des choses assez variées. Ici, après cinq années sans s'être vus, deux jeunes gens qui s'aimaient se retrouvent, en ayant toujours en tête le sinistre viol qu'il a commis sur elle. Là, une étudiante ayant honte de passer son temps à se masturber finit par se lâcher auprès de son doux et frêle ami d'enfance. Puis deux filles éprises du même mec passent à l'attaque à la plage, un garçon peine à capter les vrais sentiments de son ancienne amie d'enfance qui passe désormais son temps à le chahuter, une fille profite d'une blessure et déprime de sa soeur jumelle pour voler sa place et soulager son mal-être, une succube restée longtemps scellée est bien décidée à rattraper le temps perdue quitte à semer la zizanie au sein d'un couple à peine né et d'une apprentie exorciste, un serveur fait une rencontre fracassante avec une "chatte errante", une fille horriblement brimée par des filles et garçons de sa classe est enfin sauvée par un camarade, et un jeune étudiant doit composer avec sa nouvelle proprio qui ne recule devant aucun stratagème pour satisfaire sa libido.
Un peu de malsain et de malaise via certains récits mettant en scène des viols, un peu de relations fantaisistes et/ou délurées via la succube ou la proprio, un peu d'humour et légèreté ici et là, un peu de tendresse quand même par moments selon les couples... Tel est, en quelque sorte, le programme d'un recueil au fil duquel Nagayori a au moins le mérite d'offrir une succession de situations ne se ressemblant quasiment jamais, malgré certains situations où les choses ne sont vraiment qu'un prétexte pour amener très vite les scènes de sexe, et même s'il y a des choses qui pourront parfois laisser une partie du lectorat circonspect (en particulier concernant les filles violées qui semblent faire peu de cas de leur viol). Qui plus est, globalement, les différentes héroïnes ont des personnalités et des looks suffisamment variés pour que les récits ne paraissent jamais répétitifs.
En revanche, même si Nagayori a pour lui un trait plutôt expressif et assez charnel ainsi qu'un certain talent pour mettre en valeurs des courbes généreuses, il faut souligner un manque de diversité: les expressions en reviennent souvent aux mêmes gimmicks, les positions sont un peu trop similaires d'une histoire à l'autre, on aurait pu imaginer des pratiques un peu plus poussées dans certaines situations qui s'y prêtaient (en tête les plans à plusieurs, qui restent relativement sages dans leurs représentations)... Et malgré son don indéniable pour insister sur les généralement superbes poitrines que le mangaka aime clairement dessiner, il les met quasiment toujours au premier plan de la même façon.
En résulte un recueil qui montre à la fois un bon petit paquet de chouettes idées et des limites assez évidentes, mais qui accomplit l'essentiel, qui plus est dans une qualité d'édition très correcte: la jaquette est bien pensée, les huit premières pages en couleurs sont très appréciables, le papier est épais et opaque, l'impression est de très bonne facture, la traduction de Jean-Baptiste Bondis est soignée, le lettrage de Cyndie Bertet est soigné dans l'ensemble, et les onomatopées sont bien sous-titrées.