Coeur et le devoir (le) Vol.1 - Actualité manga
Coeur et le devoir (le) Vol.1 - Manga

Coeur et le devoir (le) Vol.1 : Critiques

Ukkari Heika no Ko wo Ninshin shite shimaimashita - Ôhi Berta no Shouzô

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 09 Novembre 2022

A priori vouée à être l'ultime nouveauté de l'année 2022 pour les éditions Doki-Doki, Le Coeur et le Devoir est une série bouclée en deux volumes, ceux-ci paraissant simultanément cette semaine. Prépubliée au Japon en 2020-2021 dans le magazine Manga Up! de Square Enix, cette courte série voit la mangaka Aya Tanaka, dont c'est la première publication française mais dont la carrière a démarré en 2013 et dont la plus récemment série est la version manga du roman Shaman King Faust 8, mettre en image la série de roman inédite en France "Ukkari Heika no Ko wo Ninshin shite shimaimashita" de Himawari Nishino, et plus précisément son premier volume sous-titré "Queen Berta no Shozo".

Cette histoire nous immisce dans un royaume fictif que l'on pourrait facilement placer temporellement il y a quelques siècles. Entre le pouvoir royal, conservateur et à cheval sur les lignées de la noblesse et du sang royal, et la région du sud qui prospère grâce au commerce extérieur, la situation est souvent tendue, si bien qu'un mariage purement politique est décidé afin d'améliorer les liens entre les deux partis. En tant que fille aînée du chef local du sud, Berta Kasha est désignée par son père pour devenir la deuxième épouse du roi Harold, un jeune monarque ayant déjà pour reine Marguerite, une cousine éloignée qu'on lui a imposée dès l'enfance, qu'il connaît donc depuis longtemps et avec qui il s'entend très bien, quand bien même la consanguinité typique de ce genre de lignée de "sang royal" d'un autre temps fait que la jeune reine est incapable de lui donner un héritier, à son grand désespoir.

On a donc là un mariage stratégique où le roi souhaite simplement faire entrer au palais une princesse de l'ethnie Petra, ethnie certes non-noble mais permettant de renforcer les relations souvent conflictuelles avec le sud. Berta n'a pas le choix: qu'elle le veuille ou non, elle sera la première petra à intégrer la famille royale, son père en a décidé ainsi. Tout en n'ayant aucune intention de jouer les trouble-fêtes entre le roi et la reine qui s'entendent bien, elle se doit d'accepter, mais pose toutefois une condition à son père: elle pourra rentrer dans le sud quand sa fonction sera terminée. L'union a lieu, et comme le veut la coutume du royaume, la jeune femme voit sa couche visitée par le roi les trois premières nuits, avant d'être reléguée dans l'arrière-palais. Berta s'attendait tout à fait à cette situation: après tout, il ne s'agit que d'un mariage politique, il n'y a pas d'amour entre eux deux, et le roi a déjà une reine officielle, elle-même n'étant que la seconde épouse. Berta ne souhaite alors qu'une chose: rester discrète, ne pas faire de vagues... et elle compte même servir le roi et la reine autant que possible. Mais cette volonté va soudainement être mise à mal par un imprévu: dans le temps de ses trois nuits passées avec le roi, Berta est tombée enceinte, a réussi là où Marguerite a toujours tristement échoué, et est donc voué à mettre au monde Louis, l'héritier...

Dans un tel climat, il va de soi que la naissance de ce bébé est très, très loin de faire l'unanimité, en particulier du côté de l'intendante, de la reine Marguerite forcément, et de tous leurs soutiens (y compris des religieux nommés Prospero qui ne cautionnent pas l'existence d'une seconde épouse), que ce soit par jalousie ou, surtout, parce que Louis n'est pas un pur sang royal. Berta va donc devoir lutter pour garder avec elle son enfant que certaines personnes veulent lui enlever: avant même les questions de devoir, il s'agit là d'une question de coeur, celui d'une mère...

Un peu à la manière d'un manga comme l'excellent Called Game de Kaneyoshi Izumi, il sera donc question ici de querelles intestines au coeur d'un palais royal d'il y a quelques siècles. Mais là où le récit imaginé par Himawari Nishino se démarque quelque peu, c'est bien dans les enjeux pour Berta: notre héroïne n'a aucune ambition politique, n'intrigue aucunement pour grimper les échelons, et souhaite désormais tout simplement accomplir sa fonction de mère et élever Louis, ce bébé que Marguerite, l'intendante et d'autres veulent lui arracher. Certes, les questions de rivalités internes et d'opposition au "sang impur" petra sont bien présentes, ce dernier point étant même le plus fort facteur des velléités à l'égard de Berta, pour un résultat faisant ressortir un certain parfum de pourriture au sein du palais. Mais notre héroïne, loin de combattre par des stratégies et des manigances politiques pour faire tomber des têtes opposantes, tâche simplement de se défendre, de protéger son enfant, de rester elle-même en pouvant notamment compter sur son sens de la parole et, surtout sur sa capacité à observer et à cerner les gens. Cette dernière qualité, tout en poussant Berta à s'affirmer petit à petit pour le bien de sa petite famille (elle et son fils, et éventuellement le roi), permet aussi d'apporter des nuances à certains autres personnages. On pense ici au roi qui n'a aucune velléité à son égard et qui prend même conscience qu'il ne la traite pas assez bien, et surtout à la reine Marguerite qui, bien qu'étant la plus hostile à l'égard de Berta, a pas mal de circonstances atténuantes qui l'humanisent: sa jalousie n'est pas totalement mal placée, elle a elle-même souffert des nombreuses fausses-couches qu'elle a pu faire et donc de son incapacité à offrir un enfant à celui qu'elle aime pourtant sincèrement... Quant à son dégoût prononcé pour les êtres qui ne sont pas nobles et de "sang pur/royal", il semble surtout venir du fait que, depuis toute petite, elle a toujours été éduquée et donc conditionnée pour penser ainsi.

Que donnera tout ceci par la suite , on se le demande très facilement, si bien que l'on lira avec beaucoup d'intérêt le deuxième et déjà dernier tome. En attendant, cette première moitié de série, narrée avec soin, richesse et clarté et servie par un dessin assez fin et élégant, accomplit bien son rôle.

Enfin, quelques mots sur l'édition, qui s'avère très agréable, en particulier pour son papier bien épais qui n'empêche pas une certaine souplesse. L'impression est également très bonne, tout comme la traduction toujours limpide d'Adrien Tchou et le lettrage du Studio Charon. On appréciera également la première page en couleurs sur papier glacé, et le joli rendu de la jaquette qui s'offre un élégant logo-titre bien dans le ton tout en conservant l'illustration d'origine.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs