Chronoctis Express Vol.1 - Actualité manga
Chronoctis Express Vol.1 - Manga

Chronoctis Express Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 09 Février 2018

Critique 2


Dans le paysage du manga français, tous les titres n'ont pas été les projets des grandes maisons d'édition et n'ont pas bénéficié de leurs projecteurs. Dans ce domaine, Chronoctis Express fait office d'exception puisque le travail d'Aerinn est le fruit d'un travail solitaire et autodidacte, n'étant devenu l’œuvre d'un éditeur que depuis fin 2017. En 2014, l'autrice publie sa série sur internet, avant de créer une version physique autoéditée en 2016. L'année suivante, c'est Kotoji qui s'intéresse au projet, permettant une réédition au titre et en le mettant sous ses projecteurs. Si le schéma de création de la série reste similaire, passant d'une parution internet aux tomes reliés en bénéficiant du coup de coude du financement participatif, il est intéressant de voir un projet réalisé avec passion qui a su gagner petit à petit en notoriété et en impact.


Chronoctis Express nous projette dans un futur qui ressemble à celui qu'on pourrait connaître, mis à part que les dieux y ont mis leur grain de sel. Désormais, toute personne décédée ne cesse pas de vivre immédiatement, elle reste consciente un certain temps avant qu'un agent de l'au-delà, un Nexros, vienne remettre au défunt un billet pour départ imminent donnant accès au Chronoctis Express, le train guidant les morts vers l'au-delà en vue de leur jugement.


Jeune garçon assez couard, Alex cherche à éviter les ennuis par-dessus tout, mais c'est eux qui vont venir à lui. Lorsque sa meilleure amie dont il est amoureux, Anaël, décède subitement, Alex ne peut se résoudre à sa mort. Approché par Dentelle, un Nexros, celui-ci propose à Alex de devenir son allié pour ramener son amie dans le monde des vivants. Pourtant, les humains ne doivent en aucun cas interagir avec les agents de l'au-delà... Il ne s'en doute pas encore, mais Alex va vivre un périple qui le dépasse totalement, et découvrir la vérité derrière le monde des défunts.


Entre le mystique et la science-fiction, Chronoctis Express nous mène dans un univers où les dieux ont renouvelé le système de l'au-delà où, désormais, un train guide les défunts dans le monde des morts. C'est à partir de ce postulat intriguant que démarre l'aventure d'Alex, sans jamais laisser entrevoir sur les premières pages le destin qui attend le jeune homme. La force de la série d'Aerinn est sans conteste son univers, un atout que prouve ce premier volume qui se veut très curieux, posant énormément de questions et élargissant les pistes scénaristiques tome après tome. Ce qui pouvait être une aventure basique, sur la forme, dans le premier tiers du tome prend alors davantage d'ampleur page après page, amenant des enjeux beaucoup plus importants sur la fin de tome. En résulte un excellent équilibre de rythme pour cette série, mais aussi de développement de l'univers puisque l'autrice semble bien savoir où elle va, et comment y aller. Il n'est donc pas anodin de voir que le site officiel de la série statue déjà le nombre définitif de tomes (sept ou huit), ce qui semble cohérent pour développer cette histoire à l'univers assez dense et truffé de points d'interrogations. Clairement, ce premier opus donne envie de découvrir la suite, l’intrigue n'ayant pas vraiment de mal à captiver son lecteur entre ses concepts mystiques novateurs et son récit sur fond de complot qui installe de belles promesses pour la suite.


Dans ces univers fantastiques intéressants, il faudra accepter de faire un bonhomme de chemin aux côtés de personnages ordinaires en surface. Pas de grands héros d'aventures fantaisistes ici, mais des personnages qui ont l'air de sortir du commun des mortels. Alex est un lycéen qui subit les brimades sans broncher, et Anaël, son amie d'enfance, incarne la jolie fille souffrant d'un contexte familial délicat. Des facettes auxquelles le lecteur peut s'identifier sans trop de mal, donc, le héros restant globalement convaincant par son manque d'envie de s'impliquer dans une aventure qui le dépasse totalement. Si dans un récit de ce genre un héros manquant d'ambition peut agacer, difficile de ne pas se reconnaître dans le comportement du héros, surtout sur la seconde phase du volume. On notera d'ailleurs un développement déjà plutôt habile du jeune homme, bien que sa vraie nature reste entourée de mystères, le récit nous rappelant volontairement à plusieurs reprises qu'on ne sait pas tout à son sujet, surtout sur ses « capacités ».


Finalement, ce sont les Nexros qui symbolisent tout ce qu'on peut attendre de personnages d'un univers si fantastique. Énigmatique, presque charismatiques même, les mystères qui les entourent sont révélés au compte-goutte. Il ne fait nul doute que ces personnages prendront plus d'importance par la suite tant ils semblent constituer la passerelle vers la suite du récit.


Artiste travaillant en solitaire, Aerinn a une patte graphique assez remarquable sur certains aspects. Les designs des Nexros sont réussis, les quelques éléments de bestiaire totalement convaincants, et les personnages « ordinaires » reflètent bien leur identité d'individus issus du commun des mortels. Leurs designs pourront peut-être manquer de relief auprès de certains, mais on sent bien une volonté de la mangaka de crédibiliser ces personnages principaux, tout en les dotant de quelques attributs physiques qui les rendent reconnaissables (par exemple, Alex est un jeune homme qui se distingue par son style vestimentaire très moderne, peut-être même un peu rebelle, mais crédible). Les défauts graphiques sont alors ceux de toute œuvre où l'auteur travaille seul : on ressent parfois un manque d'environnement qui ne facilite pas toujours notre immersion, surtout dans la deuxième partie de volume qui tranche totalement avec la première.


Côté édition, Kotoji a fourni un travail tout à fait correct. S'il est un peu fin et transparent, le papier reste lisse et agréable, et la couverture d'un très bel effet grâce à un vernis sélectif lui donnant un certain relief. On notera aussi un premier tome généreux en bonus, que ce soit quelques pages de 4-koma amusantes, une explication de l'envers du décor de la série, et une section dédiée aux fan-arts, des suppléments très agréables à parcourir.


En somme, c'est un premier tome des plus convaincants que nous offre ici Aerinn. Par son rythme bien mené, son univers dense et ses belles promesses scénaristiques, Chronoctis Express se présente comme une œuvre prometteuse et qui pourrait sortir du lot par son histoire ambitieuse. Reste à voir ce que cela donnera sur la durée, mais ce premier opus nous donne confiance.


Critique 1


Dans un monde futuriste, les morts ont l’opportunité, durant un laps de temps restreint, de faire leurs adieux à leurs proches avant de monter dans le train les emmenant subir le jugement divin, le “Chronoctis Express”. L’annonce de leur décès leur sera mandatée par les envoyés de la déesse Haïdora, les Nexros, d’anciens criminels trépassés devant se racheter de leur vie antérieure. C’est l’un d’entre eux que rencontrera Alex avant que sa vie ne bascule totalement.


Chronoctis Express, du moins l’exemplaire que nous présentons ici, a été réalisé en tous points par l’auteure BD-manga indépendante française Aerinn, publiée en auto-édition et également via une campagne Ulule particulièrement réussie. Chronoctis Express est la version retravaillée d’un one-shot créé pour un concours international ayant remporté un franc succès, ce pour quoi l’auteure a décidé de reprendre le concept afin d’en faire une série à part entière. Le manga va enfin, suite à sa popularité grandissante, être publié par les éditions Kotoji en septembre 2017. Pour les impatients, il est à ce jour disponible sur Amazon, Priceminster, la boutique en ligne de l’auteure et les librairies Decitre.


C’est dans un monde d’apparence idyllique que nous présente Chronoctis Express, où se mêlent technologie et écologie afin d’offrir à ses habitants toutes les commodités nécessaires à une vie épanouie. “Apparence”, car nous admirons ce monde de très loin et via le point de vue d’Alex, garçon à l’allure joviale, mais cachant un ressenti beaucoup plus sombre, à l’image du royaume régi par les lois de la déesse Hadoïra pas si parfaites qu’on pourrait le penser de premier abord. Tout ceci n’est pour l’instant que des suppositions et interprétations cependant, car nous suivons l’histoire que via le point de vue du héros, qui n’en mène pas très large et n’a aucune idée de ce qui lui arrive. On peut ainsi découvrir des habitants assez confiants dans le système du Royaume de la déesse Haïdora sans en connaître exactement le fonctionnement. 


Soyons honnêtes, quand on nous parle de global manga, manfra ou encore franga, une grande partie des lecteurs a tendance à serrer les dents. Dans le cas de Chronoctis express en plus, le sens de lecture est occidental, ce qui suffirait à faire fuir les plus puristes d’entre nous, ce qui serait une erreur ! Chronoctis Express est l’exemple même d’un mélange de codes de cultures différentes qui arrive à prendre le meilleur des deux. Sans savoir si cela vient du côté occidental de l’auteure ou de son seul talent (ou les deux !), Chronoctis Express apporte un certain vent de fraîcheur dans le monde du manga aujourd’hui fort uniforme. Même s’il reprend certains des codes nippons traditionnels, il arrive à insuffler une narration plus légère et épurée, plus naturelle, sans exagération comme on en a souvent l’habitude. La manière de poser l’histoire et ses personnages également est réalisée de façon différente, sans présentation trop longue, inutile ou surjouée, on suit vraiment le point de vue d’Alex sur ce qu’il expérimente (ou pas) tous les jours. Pas d’introduction pompeuse et étendue d’un monde inconnu futuriste, pas d’apparition exubérante d’un personnage allié ou ennemi, pas de scène d’action improbable et malvenue. Le manga, pourtant conséquent, se lit ainsi avec une grande légèreté et plaisir. De même, sans qu’ils soient particulièrement originaux, les personnages ne sont pas les clichés sur pattes dont nous avons l’habitude, surtout dans un tome 1 où ils n’ont pas l’opportunité d’être encore développés. Ils se rapprochent plutôt d’individus normaux expérimentant certes des situations très délicates, mais relativement communes pour nous (jusqu’à la partie où on meurt. Évidemment.). 


Le dessin, souvent ce qu’on reproche le plus aux mangas occidentaux, est très esthétique et également maîtrisé. L’auteure nous montrera même sa façon de faire en fin de volume. Le trait, très épuré et léger, n’empêche pas Aerinn de dessiner énormément de détails au niveau des décors. La narration est très claire et nous permet de suivre l’histoire avec un grand confort, malgré le fait que l’auteure, du moins pour ce tome 1, joue énormément sur le suspense et les non-dits, particulièrement autour du personnage principal qui est notre seule source d’information. Le tout provoque même une atmosphère poétique, pour les plus sensibles d’entre nous.


À la fin du tome, l’auteur partagera des petits gags, mais également sa façon de travailler. Nous pourrons ainsi y découvrir le cheminement par lequel Chronoctis Express a dû passer pour arriver dans nos mains, de l’écriture au dessin, croquis à l’appui, mais aussi les origines de son inspiration, ses références et un complément d’information sur le monde qu’elle a créé. 


L’édition, également, est très de haute facture. La couverture en papier glacé met certains éléments en relief, les pages sont de bonne qualité, ne bougent pas malgré le volume du bouquin et l’encre ne coule pas. L’écriture est soignée et pas de fautes d’orthographe pour gâcher le plaisir de lecture.


En résumé, ce premier tome de Chronoctis Express est déjà d’une grande qualité et très prometteur quant à la suite de l’histoire, arrêtée à un moment clé. Ce volume est loin d’être d’un niveau amateur comme l’idée que certains se font à tort des œuvres en auto-édition, c’est bien un ouvrage d’une professionnelle à part entière, et il serait dommage de passer à côte parce que la série sort de ce qu’on a l’habitude de trouver sur le marché.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Morphina
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs