Chroniques de la mariée de Bretagne (les) Vol.1 - Actualité manga
Chroniques de la mariée de Bretagne (les) Vol.1 - Manga

Chroniques de la mariée de Bretagne (les) Vol.1 : Critiques

Brittany Hanayome Ibun

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 18 Mars 2024

Pour leur nouveauté de ce mois de mars, les éditions Kurokawa sont allées dégotter un manga à connotation historique qui a de quoi titiller notre curiosité puisqu'il se déroule, comme son nom le laisse bien deviner, en Bretagne: Chroniques de la Mariée de Bretagne est la toute première série de Junji Takehara, un auteur qui se dit passionné de culture médiévale européenne depuis des années. De son nom original "Bretagne Hanayome Ibun" (littéralement "Le Mystère de la Mariée de Bretagne", le titre français étant donc bien adapté), cette oeuvre compte actuellement trois tomes au Japon en suivant un rythme d'un nouveau volume tous les huit mois, et suit son cours là-bas depuis 2022 sur le site Web Comic Ryû des éditions Tokuma Shoten.

Une fois n'est pas coutume, commençons par aborder un gros manque dans ce premier tome: l'absence de contextualisation, risquant de perdre un petit peu celles et ceux qui ne connaîtraient rien de l'Histoire bretonne et plus précisément du contexte de la Bretagne du début du XIIIe siècle, puisque c'est à cette époque que se déroule le récit. Et de manière générale, on regrettera également que ne soit indiquée nulle la documentation utilisée par le mangaka pour son récit, chose qu'il est pourtant assez courant de souligner dans ce genre d'oeuvre. Commençons donc par exposer brièvement les grandes lignes de la situation de la Bretagne vis-à-vis du Royaume de France à cette époque, puisque la contrée bretonne n'était pas encore rattachée à celui-ci (ce ne sera le cas, de façon définitive, qu'en 1532, donc trois siècles plus tard). A l'époque du manga, la Bretagne est avant tout un enjeu opposant d'un côté la maison royale Plantagenêt, bien implantée dans la région, ayant dans ses rangs les nobles de Bretagne et dont le Royaume allait jusqu'en Angleterre et en Aquitaine, et de l'autre côté les Capétiens, à la tête du trône de France et ayant le désir de rallier la contrée bretonne sous l'autorité de la royauté française. Dans ce contexte pouvant devenir tendu à tout moment, la jeune Alix de Thouars, héritière du trône de Bretagne, épouse Pierre Mauclerc, Duc de Dreux et cousin du Roi de France. Il va alors de soi que certains nobles bretons ne voient pas d'un bon oeil l'alliance qui naît de ce mariage.

C'est dans ce contexte vraiment brièvement éclairci que l'on découvre Thomas, jeune héraut de 18 ans qui est au service du vétéran Raoul de Dinan et qui a un rêve: devenir un homme suffisamment fiable pour, plus tard, devenir le vassal d'une jeune fille restée gravée dans ses souvenirs mais dont il a oublié bien des choses (ce qui donne d'emblée une bonne petite note de romantisme médiéval). Malheureusement, à l'issue d'une bataille, son seigneur Raoul, blessé, est contraint de prendre sa retraite mais lui confie une dernière mission: retrouver André Le Bleau, un ami à lui dont il n'a plus de nouvelles depuis deux ans, et lui proposer de faire de sa fille la future épouse de l'héritier de Pierre de Dreux, l'actuel Duc de Bretagne ! Voila qui semble plutôt être un bon parti pour cette jeune fille. Mais sur place, au lieu de faire connaissance avec le fameux André, Thomas ne trouve que sa fille Andrée, habillée en chevalier, et chevauchant le cheval et maniant l'épée avec détermination dans un seul but: se venger du Duc Pierre, qu'elle pense coupable de l'assassinat de son père ! Autant dire, alors, que la mission de Thomas ne va pas du tout se passer comme prévue...

Ce premier volume est clairement, avant tout, un tome d'introduction, visant à poser les bases d'un récit de vengeance qui devrait toutefois aller plus loin que ça au vu du contexte historique de l'époque. Concrètement, il n'y a aucune surprise particulière dans les premiers enjeux posés: on devine immédiatement ce qu'il est advenu d'André même si l'auteur essaie de maintenir le doute pendant quelques brèves pages, tout comme on comprend d'emblée l'identité de la jeune fille restée gravée dans les souvenirs de Thomas, au vu des très gros indices bien en évidence. Les principaux éléments de mystère pour l'instant sont donc à chercher dans le besoin d'enquêter pour savoir savoir pourquoi le père d'Andrée a été tué, s'il s'agit bien du Duc Pierre derrière cet acte odieux, et qui étaient les assassins si ce n'est pas le cas. Mais avant même d'espérer avancer dans cette quête, les deux personnages principaux vont d'abord devoir parvenir à s'entendre !

C'est sûrement sur ce dernier point que la lecture séduit le plus pour le moment: la relation pour l'instant encore un peu difficile entre Thomas et Andrée ne manque assurément pas de piquant. D'un côté, on a un héraut qui a fait le choix d'épauler Andrée dans sa quête de vérité et de vengeance, mais qui va devoir tout faire pour gagner sa confiance, étant donné qu'il était initialement venu lui proposer un mariage avec le fils de celui qu'elle suspecte d'être le meurtrier de son père. Et surtout, on a, de l'autre côté, une Andrée qui se démarque totalement de l'image que l'on a le plus souvent des femmes de cette époque, pour notre plus grand régal: ayant adopté un look "garçon manqué" pour mieux se fondre parmi les chevaliers, ayant un corps musclé où l'on devine un entraînement rigoureux pour parfaitement monter à cheval, manier l'épée et se battre, affichant un caractère déterminé voire autoritaire pour accomplir sa quête de vérité et de vengeance, cette jeune fille dégage rapidement quelque chose d'assez badass et nous entraîne sans la moindre difficulté dans son parcours.

Enfin, sur le plan visuel, c'est plutôt prometteur pour une première série. Tandis que les designs des personnages ont le mérite d'être déjà assez expressifs et différents, les premiers moments d'action (notamment de combats à l'épée) peuvent au moins se targuer d'être vifs, à défaut d'être totalement limpides pour l'instant. Quant au travail effectué pour retranscrire l'époque, il apparaît plutôt honnête, entre les armoiries/blasons crédibles, les décors (à commencer par le cadre du château-fort) qui sont immersifs sans être ultra détaillés, et les différentes tenues (héraut, chevaliers,nobles, moines...) qui sont suffisamment appliquées.

A l'arrivée, on a un premier volume encourageant. Ne vous attendez pas (en tout cas, pas pour le moment) à avoir ici un successeur de Vinland Saga chez Kurokawa, mais à défaut on a un récit d'époque qui, derrière le côté assez convenu et prévisible de cette mise en place, affiche pas mal de promesses: un style visuel qui ne demande qu'à s'affirmer, une héroïne qui en jette déjà pas mal dans son genre, et un contexte historique qui pourrait vraiment apporter énormément si le mangaka tâche de bien l'exploiter sur la longueur. Affaire à suivre, donc !

Concernant l'édition française, saluons d'abord le travail effectué sur la jaquette: sobre et reprenant l'illustration de la version japonaise, elle se démarque toutefois en bien, en disposant différemment les motifs de fond, et surtout en affichant un logo-titre beaucoup plus dans le ton médiéval de l'oeuvre et donc bien travaillé. Quand à l'intérieur, il affiche un papier de bonne qualité malgré une très, très légère transparence par moments (c'est vraiment pour chipoter), une impression très convaincante, un travail de lettrage très soigné de la part de Tomiko Bénézet-Toulze, et une traduction signée Fédoua Lamodière qui est à la foi limpide et vraiment bien dans le ton, avec un parler généralement assez bien adapté à l'époque quand c'est nécessaire. Enfin, n'oubliez pas de retirer la jaquette, pour découvrir sur la couverture une petite présentation des différents personnages principaux de ce premier tome.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction