Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 16 Septembre 2024
Un peu plus de deux ans après la conclusion du sympathique shôjo d'aventure Les Chroniques d'Azfaréo chez Akata, l'éditeur propose de découvrir en librairies, depuis la fin d'août, le spin-off de cette oeuvre. Nommé "Le Dragon d'Argent" en français et en japonais "Hakugin no Ryu-hen" (ce qui a le même sens que la traduction française), ce one-shot d'environ 190 pages se déroule certes dans le même univers que la série-mère, mais à une autre époque (plus précisément longtemps avant) et avec des personnages totalement différents, ce qui fait qu'il peut se lire entièrement indépendamment. Toujours signé Shiki Chitose, ce récit a vu ses quatre chapitres être initialement prépubliés au Japon en 2019-2020 dans le magazine The Hana to Yume, un dérivé saisonnier de l'incontournable Hana to Yume dans lequel était parue la série-mère. Par la suite, c'est en janvier 2021 que l'unique volume broché a vu le jour là-bas.
L'histoire nous immisce auprès de Tina Lioxel, princesse déchue et prisonnière: voici effectivement quelque temps que le seigneur Rozul du puissant royaume éponyme a envahi le royaume de Lioxel et a tué le père de notre héroïne, avant de s'installer dans le palais et de faire de la jeune fille sa captive, qu'il traite comme un objet de divertissement. Tandis que Tina s'attire tantôt la pitié tantôt les moqueries de la cour de Rozul pendant que ce dernier dilapide la fortune de Lioxel en plongeant peu à peule peuple dans la misère, la princesse déchue reste pourtant digne, impétueuse et forte: elle est bien décidé à, un jour, quand l'occasion se présentera, affronter Rozul, récupérer son royaume et sauver son peuple. Mais il reste à savoir quand... Et c'est dans ce contexte qu'elle va faire la connaissance de Yûgwon, majestueux dragon blanc aux écailles d'argent qui est, lui aussi, récemment devenu le prisonnier et le jouet du nouveau souverain. En étant touchée par le sort de la créature et, surtout, en découvrant qu'elle a la capacité de comprendre le langage des dragons, Tina fait le premier pas vers une amitié forte et vers sa quête pour reconquérir Lioxel.
On va éviter un maximum d'en dire plus sur le déroulement de l'histoire afin de ne pas spoiler, alors sachez juste que, quand on est un minimum habitué à ce genre d'histoire, rien ne vient spécialement surprendre dans les principaux événements. Mais ce n'est pas pour autant que ce récit déçoit, loin de là: même si tout reste plutôt rapide afin de tenir en quatre chapitres, Shiki Chitose livre un divertissement de très honnête facture, que ce soit pour son rendu visuel propre, assez fin, expressif et soigné dans les designs, pour son rythme assez soutenu, pour sa petite galerie de personnages secondaires campant soigneusement leur rôle... et, surtout, pour deux autres éléments. L'un n'est autre que le caractère de Tina, jeune fille aussi belle que charismatique grâce à sa détermination à toute épreuve: même seule contre tous au palais elle garde sa dignité et ne se laisse pas abattre, et on adore généralement la voir se dresser face aux injustices même devant plus fort qu'elle, ainsi que réagir au quart de tour face à certaines provocations (il faut la voir faire sa baston de regard avec le dragon,sans se dégonfler ! ). Et l'autre est la relation vraiment à-part qu'elle va vite construire avec Yûgwon: tous deux s'adorent et se soutiennent toujours plus, on découvre même grâce au dragon d'autres facettes de Tina car elle peut arrêter de jouer les dures devant lui... et à l'arrivée, ce lien fort les pousse aussi à se questionner sur ce qui est mieux pour l'autre, car étant donné qu'ils ont des modes de vie et besoins totalement différents et que Yûgwon a toute une meute de semblables qui l'attend, l'humaine et le dragon peuvent-ils éternellement cohabiter ? On vous laisse découvrir la réponse, bien sûr.
Le bilan est donc positif dans l'ensemble: derrière l'intrigue assez classique et le déroulement un peu rapide, ce spin-off indépendant se tient bien, est soigné, doit beaucoup à ses deux personnages principaux et se lit finalement tout seul. Voila qui donne facilement envie de voir Shiki Chitose continuer à développer cet univers à travers d'éventuels autres spin-off ! En attendant de voir si cela arrivera un jour, soulignons que la mangaka a déjà eu l'occasion de dessiner une très courte suite en deux petits chapitres de la série-mère, chapitres faisant partie de son recueil d'histoires courtes "Shôjo After School" qui est sorti au Japon en septembre 2021, qui est à ce jour inédit en France, et que l'on espère volontiers voir dans notre langue un jour.
Enfin, côté édition, notons un petit changement par rapport à la série-mère, puisque Sahé Cibot a cédé sa place à Aline Kukor à la traduction, pour un résultat tout aussi propre et limpide. A part ça, on retrouve le format de la série-mère, le même logo-titre de Tom "spAde" Bertrand, ainsi qu'une qualité de papier et d'impression convaincante et un lettrage soigné d'Elsa Pecqueur.