Brigade d'outre-tombe Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 19 Avril 2021

Spécialisées dans les créations originales, les éditions H2T se sont pour l'instant surtout axées sur des auteurs français(e)s (comme Caly avec Hana no Breath et NOVA, Art of K avec Euterpe, ou Zelihan avec Wandering Souls), européen(nes) (Redjet, Kira Yukishiro, Rossella Sergi, Salvatore Nives...) voire d'autres continent (avec le duo brésilien Eudetenis pour Rasetsu - Primal Hunt), mais elles ne sont aucunement fermée au pays d'origine du manga, le Japon. Ainsi, après avoir proposé The Isolated Zone de Nao Yazawa entre fin 2018 et début 2020, l'éditeur nous propose, avec Brigade d'outre-tombe, de découvrir un autre jeune artiste nippon: Tetsuya Machida, un auteur qui signe là, a priori, son tout premier manga professionnel, mais qui n'est pas pour autant tout à fait un novice puisque, après avoir étudié l'Art et l'anglais aux Etats-Unis, il est revenu dans son pays où il est actuellement assistant mangaka.

L'oeuvre nous plonge donc aux côtés d'un quatuor de collégiens inséparables, qui forment ensemble la Brigade d'outre-tombe, un groupe secret qui tâche d'aider les fantômes à rejoindre l'au-delà en les libérant de ce qui les rattache encore au monde des vivants. Il y a Tiger, en quelque sorte le fonceur de la bande, également adepte de jeux vidéo. Data, qui récolte les données comme pas deux. Big-Daddy, un costaud sur qui on peut compter. Mais l'efficacité de cette brigade pas comme les autres repose toutefois surtout sur Adam, jeune garçon qui, depuis qu'il a frôlé la mort dans un accident, a la capacité d'entendre et de voir les esprits, lui qui a côtoyé de près les frontières de l'au-delà... Un beau jour, leurs pas les amènent à côtoyer de plus près l'une des "vedettes" de l'école: Rei Amidara, star du club de basket. La raison: cette jeune fille, pour certaines raisons, possède elle-même de grands pouvoirs psychiques, peut-être plus impressionnants encore que ceux d'Adam. Et son aide dans certaines affaires ne sera sûrement pas de trop. Encore plus dès lors qu'apparaît en ville un bien étranges et inquiétant fantôme de moine, qui semble semer la mort où il passe...

Ce premier volume fonctionne comme une véritable mise en place, tout en faisant déjà assez vite et bien décoller petit à petit une intrigue qui promet d'être plus consistante et d'occuper l'essentiel du récit autour du fameux moine, particulièrement inquiétant tant on verra bien que la mort rôde autour de lui. La lecture se compose alors, dans un premier temps, de premières petites affaires qui, chacune, ont des choses à apporter, que ce soit autour de l'arrivée de Rei dans le groupe, ou de ce que peuvent être les fantômes et de ce qu'ils peuvent provoquer. Ainsi apprend-on, par exemple, que certains hantent les gens en causant maladies voire pire, que d'autres exacerbent ce qu'il y a de mauvais en chacun(e), que d'autres encore tiennent plus des phénomènes paranormaux à l'image des poltergeists ou des esprits frappeurs... mais tous les fantômes ont pour point commun d'avoir été autrefois un être humain, chose qu'il ne faut jamais oublier pour trouver comment leur permettre de trouver enfin le repose éternel. Mais l'irruption de ces fantômes promet également d'amener des approfondissements sur les personnages, ce qui est déjà le cas ici de Tiger, garçon dont on découvre toute une facette familiale dramatique, facette qui explique également bien sa façon d'être.

Mais en filigranes, ce sont surtout Adam et Rei qui intriguent le plus, de par leurs capacités surnaturelles et, surtout la manière dont ils les ont obtenues. Dans le cas d'Adam, on découvre vite les grandes lignes autour de son accident, mais cela n'empêche pas Machida d'apporter par la suite des détails supplémentaires, ne serait-ce que ce qu'il cache sous sa chapka fixée en permanence sur sa tête. Quant à Rei, derrière son statut de grand talent du club de basket, on entrevoit pourtant une fille brimée, assez mal à l'aise vis-à-vis des esprits qu'elle aimerait avant tout éviter... mais pourquoi tout ceci ? On le découvrira bien assez vite, ce qui enrichit de façon particulièrement efficace le personnage, ce qu'elle a pu vivre et commettre bien malgré elle autrefois ayant forcément un aspect tragique qui l'a beaucoup conditionnée. A ces personnages, il faut aussi ajouter des têtes supplémentaires dans la dernières partie, du tome, têtes dont la présence n'a sans doute rien d'anodin, en particulier pour Toshiko qui doit forcément se confronter à Rei et à son passé dramatique. Enfin, il faut ajouter à tout ceux-là cette figure fantomatique du moine, particulièrement bien campée, tant Machida sait nous faire ressentir non seulement que la mort rôde autour de lui (et donc, que son apparition n'est jamais bon signe, jusqu'à faire froid dans le dos en fin de tome), mais aussi qu'il est sans doute un liant entre Adam et Rei, accentuant dès lors la part de mystère.

La lecture, en partant pourtant sur des bases de récit de fantômes classiques, trouve alors vite sa voie pour nous happer un petit peu plus à chaque page tournée. Tout en croquant des personnages que l'on prend toujours plus plaisir à suivre et à découvrir, Machida distille une intrigue gagnant petit à petit en consistance, le tout dans une atmosphère franchement réussie, aussi mystérieuse que tragique ou inquiétante, et où l'aspect "enquêtes surnaturelles menées par des enfants" n'empêche jamais certaines montées de tension, de drames et de frayeurs. Il y a là un bon équilibre, qui plus est porté par une narration toujours très limpide et stimulante (mention spéciale aux petits indices distillés pour suscité toujours plus d'interrogations sur Rei, Adam ou le moine, avant que certaines vérités ne tombent), et par des dessins tout aussi clairs. Les décors sont plutôt convaincants (et leur aspect parfois lisse/numérique colle en réalité bien à l'ambiance), et les designs sont soigné, que ce soit pour nos héros collégien(ne)s, pour les adultes qui ont parfois quelque chose de Naoki Urasawa (dans les sourcils, les cheveux...), ou pour le fantôme du moine qui bénéficie de gimmicks visuels très soignés (en tête ce visage toujours dans l'ombre de son chapeau, sauf quand il y a des plans rapprochés uniquement sur son inquiétant sourire).

Enfin, l'édition française s'avère de très bonne facture avec des textes fluides, un papier épais et souple permettant une très bonne impression, et une première page en couleurs. On regrettera juste l'absence totale d'informations sur l'"équipe technique" (qui a fait la traduction, le lettrage, la jaquette...).
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.25 20
Note de la rédaction