Blue Heaven Vol.1 - Actualité manga
Blue Heaven Vol.1 - Manga

Blue Heaven Vol.1 : Critiques

Blue Heaven

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 21 Juin 2022

Depuis quelques années, l'illustre Tsutomu Takahashi semble enfin avoir plus de reconnaissance dans notre pays auprès de toute une frange du lectorat manga, et les éditions Panini l'ont bien compris en ayant entrepris, depuis l'année dernière, de rééditer certaines oeuvres emblématiques du mangaka. Cette excellente initiative a commencé en janvier 2021 avec le lancement d'une nouvelle édition pour la fresque sur fond historique Sidooh, oeuvre en 25 volumes (plus un tome "bonus") que l'éditeur avait lâchement abandonnée en 2014 après seulement 14 tomes dans sa première édition française. Et depuis avril de cette année, il est possible de redécouvrir Soul Keeper, série politique sur fond surnaturel dont les 8 volumes étaient initialement sortis dans notre langue en 2016-2017. En ce mois de juin, ce travail de remise en avant de cet auteur incontournable se poursuit avec une nouvelle édition de la série qui, historiquement, fut la toute première publication française de Tsutomu Takahashi: Blue Heaven, un thriller en 3 tomes que le mangaka a dessiné en 2002-2003 pour le magazine japonais Young Jump des éditions Shûeisha, et dont la première édition française, déjà chez Panini, remonte à 2005. Notez que, l'auteur de cette chronique possédant déjà la première édition depuis bien longtemps, c'est sur cette première édition que se base l'écrit ci-dessous. En conséquence, il n'y aura aucun avis sur la qualité de la nouvelle édition.


"Blue Heaven", tel est le nom du paquebot le plus luxueux du monde. Véritable ville flottante bourrée de nombreux divertissements pour les riches personnes pouvant se payer le voyage dessus, le navire fait forcément la fierté de son directeur et propriétaire, Douch, qui y a beaucoup investi pour en faire un commerce lucratif. Ainsi, cette sorte de Las Vegas maritime a emporté à son bord pas moins de 1200 passages, sans compter le personnel de bord, et a entamé sa croisière dur l'océan Pacifique... mais tout va-t-il se passer aussi bien qu'espéré ?

En effet, tandis que les divertissements vont bon train pour tout le gratin, un mystérieux bateau fantôme est repéré. Pour le directeur, hors de question d'aller voir s'il y a des survivants: l'homme, qui ne semble pas du genre très humaniste, n'a aucune envie de s'embarrasser d'éventuels réfugiés ou immigrants illégaux... mais le capitaine Howard, lui, n'est pas de cet avis, et décide de prendre ses responsabilités en envoyant l'ancien policier et chef du service de sécurité Yukinobu Sano en reconnaissance sur ce bateau avec quelques hommes. Sur place, deux survivants sont retrouvés: l'un semble juste épuisé, et l'autre tellement terrorisé qu'il arrive à peine à parler. Et sur ce navire errant, Sano ne manque pas de repérer d'inquiétantes traces de lutte et des marques de sang...

Que s'est-il passé dans ce bateau ? Sans le savoir, en accueillant sur le Blue Heaven les deux rescapés pour les soigner, Sano et les autres viennent peut-être de faire entrer sur le paquebot de luxe la pire des menaces...


Le moins que l'on puisse dire est que, pour une série vouée à s'achever au tome 3, Tsutomu Takahashi prend son temps pour faire réellement décoller son récit, puisqu'il faudra vraiment attendre le dernier quart de ce premier opus pour que le danger et la mort prennent une forme concrète. Mais cela ne veut aucunement dire que le longue phase de "mise en place" est ennuyeuse, loin de là !

Non seulement, car le mangaka prend soin d'installer une petite galerie de personnages dont certains se démarquent déjà assez facilement, à commencer par Sano, Douch et Howard bien sûr, mais aussi d'autres employés comme Yoshiko Natsukawa, la docteure Cindy ou le mécanicien Jungo Fuyuki, ou encore certains passagers comme la petite Joséphine ou, plus encore, l'inquiétante famille de M. Junau, un homme aussi riche et vicieux qu'il est physiquement ingrat. On ne va pas cacher que la plupart de ces visages sont un brin caricaturaux, en particulier dans le cas de Junau, mais il y a vraiment de quoi avoir envie de voir ce qu'ils donneront par la suite.

Mais aussi parce que le dessinateur, avec cette série fêtant ses 20 ans cette année, démontrait déjà toute sa verve visuelle. Ayant toujours eu son style très noir, charbonneux et hachuré avec des personnages parfois burinés dans leur design, Takahashi n'a aucune difficulté à entretenir une atmosphère de huis-clos oppressante, presque étouffante et malsaine. Tout simplement, son trait se prête impeccable à ce type d'ambiance sombre en milieu intérieur cloisonné. Mais en extérieur aussi l'auteur se montre à l'aise: il faut souligne ses images des navires (le Blue Heaven et le bateau-fantôme) perdus, esseulés dans l'immensité de l'océan, pour bien nous faire sentir qu'aucune échappatoire n'est possible.


Enfin, au fil de toute cette mise en place et des révélations (rapides et suffisantes) sur qui sont réellement les deux rescapés, Takahashi distille déjà quelques possibles pistes de réflexions, puisque ses histoires sont rarement dépourvues de sujets sur l'être humain derrière leurs atmosphère sombre. On pourra évoquer certaines interrogations: pourquoi l'être humain rit-il ? Est-ce uniquement quand il s'amuse ? Il y a également la question d'une certaine hypocrisie latente, pas forcément toujours volontaire, concernant la manière dont on peut juger les gens sur trois fois rien, à l'image de ce passage où Yoshiko, loin de penser à mal pourtant, ne peut s'empêcher de juger le couple de Japonais tout en se montrant gentille avec eux dans le cadre de son travail. Et puis il y a, bien sûr, l'énigme de l'inquiétant Li, l'un des deux rescapés: l'homme se montre tantôt capable de tuer sans le moindre état d'âme, tantôt ému par certaines choses (l'odeur de Yoshiko, la chaleur humaine qu'on lui montre quand on le soigne), comportement parfois ambivalent dont on comprend vite qu'il est hérité de son chaotique passé, le contexte dans lequel il a grandi ayant clairement façonné sa façon d'être. Et au bout de tout ceci, le mangaka semble pointer du doigt, en permanence, ce qui peut bien se cacher derrière les apparences, les différentes faces noires qu'il peut y avoir, à échelle plus ou moins forte, derrière chaque être humain: le petits préjugés de Yoshiko, la violence physique de Li, la violence psychologique du patriarche Junau...


17 ans après sa première publication française, (re)découvrir Blue Heaven ne manque clairement pas d'intérêt, d'autant qu'il est désormais possible de bien en placer les thématiques dans la cohérente carrière de Tsutomu Takahashi, un auteur qui sait, depuis très longtemps désormais, immiscer des sujets sur l'être humain au coeur de ses histoires, y compris les plus angoissantes. Autant dire que l'on suivra avec plaisir les deux tomes suivants, qui sont voués à faire encore monter les choses d'un cran.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs