Babel Vol.1 - Actualité manga
Babel Vol.1 - Manga

Babel Vol.1 : Critiques

Babel

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 18 Août 2022

Narumi Shigematsu est une mangaka que l'on a pris plaisir à découvrir en France aux éditions Akata, tout d'abord avec sa série la plus récente Running Girl qui se centrait sur le parcours sportif d'une courageuse et passionnée adolescente handicapée, puis avec l'oeuvre qu'elle a dessinée juste avant, A nos fleurs éternelles, récits historiques qui nous faisait découvrir à sa façon la jeunesse de Zeami, le créateur du théâtre nô. Fidèle à ses mangakas, l'éditeur entreprend donc, en cette année 2022, de poursuivre son exploration de la carrière de Shigematsu, tout d'abord en ayant lancé en juin dernier BABEL, avant de nous proposer prochainement le tout premier récit de sa carrière, le one-shot l'écrin de notre histoire, comme cela est annoncé en toute fin de ce premier tome de BABEL.

Dessinée entre 2012 et 2014, après L'écrin de notre histoire et avant A nos fleurs éternelles, pour le compte du regretté magazine Ikki des éditions Shôgakukan (stoppé en septembre 2014, et ayant accueilli des bijoux au style bien personnel comme Dorohedoro, Les Enfants de la Mer, WOMBS, Sunny ou encore La Cité Saturne), BABEL est la deuxième oeuvre de la carrière de l'autrice, et également sa pus longue série à ce jour puisqu'elle totalise 5 tomes.

Une nouvelle fois, Narumi Shigematsu y change totalise de registre en nous plongeant dans une France quelque peu futuriste, au coeur de la ville d'Europaris (l'évolution de notre ville de Paris, bien sûr), en axant son récit autour de Bibliotheca, une superstructure de l'information réunissant dans son réseau textes, informations, films, bandes sonores, données émotionnelles... ce qui en fait une véritable cité virtuelle, construite autour d'ouvrages numériques, accessible de n'importe où n'importe quand et aux ressources inépuisables. Car dans ce futur pas forcément si hypothétique que ça au vu des nombreuses avancées numériques de ces dernières années, les livres physiques ne sont guère plus que des antiquités aptes à séduire les collectionneurs, la numérisation de toutes les connaissances accessibles étant jugée bien plus simple à la fois pour les préserver et pour les rendre accessibles.

C'est dans ce contexte joliment anticipé par l'autrice que, en 2050, le jeune Olsen, bientôt 10 ans, grandit dans l'insouciance entre une mère aimante ayant arrêté de travailler pour l'élever, et un père travaillant pour Bibliotheca dans la restauration d'ouvrages numériques. le jeune garçon, d'ailleurs, est lui-même passionné par les livres papier (son père en a une belle collection) comme numériques, si bien qu'il compte bien en faire à son tour son métier plus tard ! Mais sa vie bascule le jour où son papa, dans le cadre de son travail, ramène à la maison un grand livre mystérieux dont il est interdit de s'approcher, et autour duquel viennent régulièrement graviter à la maison familiale d'énigmatiques hommes en noir faisant partie de l'Eglise ainsi qu'un homme à lunettes plus étrange encore en ne déclinant pas son identité. Avec cette équipe, le père d'Olsen tâche de percer les mystères de cet ouvrage, mais l'enfant voit bien que son papa a une mine de plus en plus sombre... jusqu'à ce qu'un terrible drame n'arrive, provoquant la disparition inexplicable de la figure paternelle.

Treize années plus tard, alors que sa mère est visiblement hospitalisée dans un état végétatif, Olsen n'a jamais oublié le mystère de ce livre et de la disparition de son père, et c'est avec la ferme détermination à lever le voile dessus qu'il fait ses débuts dans une équipe novice de restaurateurs de livres numériques au sein de Bibliotheca. Saura-t-i découvrir ce que son père cherchait ?

Le moins que l'on puisse dire est que Narumi Shigematsu, avec son style visuel bien reconnaissable, bourré d'envolées et capable d'être tantôt assez dense tantôt beaucoup plus épuré selon le besoin du récit, installe un univers d'anticipation assez fascinant et surtout crédible, où l'on découvre en même temps qu'Olsen les grandes lignes du fonctionnement de Bibliotheca et, surtout, les problèmes auxquels doit faire face cette immense banque de données numériques, les ouvrages étant menacée par un étrange "virus informatique" nommé Palimpseste, d'où la naissance d'un projet de restauration visant à préserver les oeuvres touchées. Car oui, ici, les ouvrages numériques, à l'image de bien des oeuvres physiques, ont besoin d'être restaurées, ce qui est une idée assez prometteuse de la part de l'autrice. mais tandis qu'Olsen apprend son travail avec talent et lie de première amitiés (avec le dénommé Lipp, entre autres), il sent peu à peu que des choses clochent, et que ces choses ont sans doute un rapport avec la disparition de son père: la réapparition des hommes en noir, la nature exacte du Palimpseste, ce que renferme le mystérieux livre sur lequel se penchent toutes les recherches, les énigmes sur le véritable but du projet de restauration, ou encore les (normalement faibles) risques d'altération de la conscience lors des opérations de traitement, sont autant d'éléments nébuleux qui entretiennent toujours plus d'attentes en laissant entrevoir, en filigranes, un monde véritablement riche et bien pensé et permettant déjà à la mangaka d'esquisser des réflexions sur notre rapport aux livres, sur l'intérêt de leur existence et sur ce qu'ils nous apportent.

"Pourquoi, depuis le jour où j'ai ouvert ce livre, tout a commencé à se détraquer autour de moi ?"

On suivra alors avec beaucoup d'intérêt la suite de BABEL. Un peu à l'image de WOMBS (pour citer un autre manga d'anticipation féminin en 5 tomes du magazine Ikki et édité en France par Akata), Narumi Shigematsu imagine un monde bien pensé, cohérent, où l'aspect futuriste amène petite à petits des réflexions autour de certains sujets. Et côté édition, malgré un papier un peu fin et où l'encre bave un peu parfois (on devine qu'en cette période de pénurie de papier, il faut faire avec ce que l'on a), la copie est toute à fait satisfaisante, Alexandre Goy livrant une traduction toujours limpide, et Tom "spAde" Bertrand proposant un lettrage propre ainsi qu'une jaquette soignée et restant très proche de l'originale japonaise. Enfin, on appréciera d'avoir droit, pour chaque tome de la série, à une postface (déjà présente dans l'édition nippone) d'un grand nom, le premier à y passer étant Kenji Kamiyama, le réalisateur de Ghost in the Shell: Stand Alone Complex et d'Eden of the East offrant un bel avis sur son ressenti à la lecture de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs