Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 10 Mars 2021
Le petit monde du light novel en France repose, quasiment toujours, sur des séries de romans déjà promises au succès grâce à des adaptations en anime ou en manga. Mais il arrive, de temps à autre, qu'une oeuvre plus courte et ne bénéficiant pas de ce genre d'adaptation nous parvienne, laissant alors présager d'un coup de coeur éditorial. Ca semble être le cas d'Au chevet d'une guerrière, roman en un seul tome d'environ 320 pages, paru aux éditions Ofelbe en novembre 2020. De son nom original "Umibe no Byôin de Kanojo to Hanashita Ikutsuka no Koto" (littéralement "Certaines choses dont je lui ai parlé à l'hôpital du bord de mer"), ce récit a été écrit par Hiroshi Ishikawa, auteur souvent remarqué par les prix Kono Light Novel ga Sugoi dont il a été lauréat en 2019 avec ce roman. Et côté illustrations, on retrouve l’animatrice et dessinatrice Mai Yoneyama, que les fans d’animation connaissent notamment pour le character design de la série originale Kiznaiver du studio Trigger.
L'oeuvre nous plonge dans un Japon contemporain alternatif, qui semble avoir été victime d'un terrible événement, comme une épidémie qui aurait provoqué de nombreuses morts ou rendu nombre de personnes malades. Et parmi ces "malades", si certain(e)s sont encore entre la vie et la mort (voire dans le coma) et semble voué(e)s à s'éteindre, d'autres, comme notre héros Sô Uehara, s'en sont désormais remis. Néanmoins, pour cet adolescent plutôt froid, pas question de laisser derrière lui l'hôpital de bord de mer où il a séjourné, car certaines personnes en qui il tient y sont encore. C'est autour de Saya, jeune fille dans le coma, que lui, son amie Haruka et un certain Ôtsuki se réunissent une fois par semaine. Là, petit à petit, Sô raconte à Ôtsuki et aux autres l'histoire dont il a été le témoin, cette histoire où il eut un rôle aussi ingrat de tragique et au bout de laquelle le monde a changé...
Le roman a pour principale qualité son procédé narratif: alors qu'au tout début on ne sait rien du contexte, c'est au fil de l'histoire racontée par Sô aux autres que l'on découvre petit à petit ce qui est arrivé, tandis que les différents instants dans le présent viennent éclairer en parallèle les relations que certains personnage sont bâties dans les épreuves. Cette manière de nous éclairer petit à petit à la fois sur le passé et sur le présent est vraiment intéressant et apporte sa pointe d'unicité au roman... mais à part ça, y a-t-il beaucoup de choses à retenir de la lecture ? Eh bien, tout dépendra de la sensibilité de chacun, mais globalement il faut avouer que l'on pouvait attendre plus de ce récit qui, tout compte fait, s'éparpille un peu pour finalement tout survoler, voire peine à vraiment accrocher dans son écriture.
Car au-delà de la bonne idée narrative, il faut avouer que l'écriture est un peu plate, chose qui se ressent ne serait-ce que par un aspect: même si on suit parfois les pensées de Sô, tout est toujours raconté à la troisième personne, y compris tous ces longs moments de souvenirs que le héros est pourtant censé être en train de raconter à son entourage à l'hôpital. Il en résulte alors un côté un peu redondant couplé à un certain détachement qui n'est pas aidé par la froideur que le personnage principal dégage souvent. Car Sô est un héros auquel on a beaucoup de mal à s'attacher, en tout cas pour ma part. Au départ très solitaire, froid, cassant envers ses parents sans trop de raisons, il apparaît peu agréable à suivre. Et même s'il est amené à évoluer au fil de son histoire et des drames qu'il vit, ce côté peu sympathique perdure quand même toujours en lui (il suffit de voir comment il se comporte avec certaines personnes). Même quand il se veut plus émouvant/touchant, il garde une part de froideur... Certes, ce côté froid colle assez bien à l'atmosphère un peu mélancolique et désespérée voulue par l'écrivain, mais ça nuit vraiment au plaisir pris à suivre ce personnage.
Mais le principal problème n'est pas là, car au bout d'un moment le récit donne l'impression de trop s'éparpiller et de partir sur des voies sous-exploitées, surtout à partir du moment où Ishikawa tombe dans les vieilles ficelles à base d'extra-terrestres et d'adolescent se retrouvant avec des pouvoirs. Sans être originale, toute la première partie est intéressante pour la tentative de survie du jeune garçon dans un lieu mis en quarantaine et où il a perdu tout ses proches. Mais la suite vient donc se disperser dans des considérations très bateau, auxquelles on peine à croire tant elles sont survolées, la brièveté du roman faisant que l'auteur va très vite dans les avancées, en particulier celles plus sentimentales qui, une fois le bouquin fini, touchent alors très peu. Enfin, alors qu'on pourra apprécier d'avoir un light novel assez sombre et se voulant un peu mature avec un paquet de morts brutales et quelques instants de sexe, a contrario il y a de quoi rester désappointé par plusieurs moments très lourds, où le héros semble en chaleur sur certaines filles, avec description de moments pas bien finauds et inutiles. L'oeuvre a alors un peu le cul entre deux chaises sur ce plan-là, entre une volonté de maturité et au contraire des élans dignes d'un écrivain en puberté.
Restent alors, aussi, le choix d'une conclusion libre d'interprétation et donc assez intéressante, et la qualité des illustrations de Yoneyama quand bien même elles restent très peu nombreuses.
On peut voir beaucoup de choses dans Au chevet d'une guerrière selon la sensibilité de chacun(e), mais bien souvent le récit semble partir sur plein de sujets différents en ne développant quasiment rien, sauf en surface, en donnant alors l'impression d'un roman un peu décousu et n'allant pas au bout de ses idées, en plus d'être très froid de par son héros peu sympathique et son écriture nous impliquant peu auprès des personnages. Ajoutons à ça une postface peu intéressante où le romancier ne dit quasiment rien de son oeuvre, et Au chevet d'une guerrière laisse un petit goût amer. Pas celui d'une oeuvre mauvaise, loin de là, mais plutôt celui d'une oeuvre qui aurait pu être bien meilleure au vu de certaines idées de base.
L'oeuvre nous plonge dans un Japon contemporain alternatif, qui semble avoir été victime d'un terrible événement, comme une épidémie qui aurait provoqué de nombreuses morts ou rendu nombre de personnes malades. Et parmi ces "malades", si certain(e)s sont encore entre la vie et la mort (voire dans le coma) et semble voué(e)s à s'éteindre, d'autres, comme notre héros Sô Uehara, s'en sont désormais remis. Néanmoins, pour cet adolescent plutôt froid, pas question de laisser derrière lui l'hôpital de bord de mer où il a séjourné, car certaines personnes en qui il tient y sont encore. C'est autour de Saya, jeune fille dans le coma, que lui, son amie Haruka et un certain Ôtsuki se réunissent une fois par semaine. Là, petit à petit, Sô raconte à Ôtsuki et aux autres l'histoire dont il a été le témoin, cette histoire où il eut un rôle aussi ingrat de tragique et au bout de laquelle le monde a changé...
Le roman a pour principale qualité son procédé narratif: alors qu'au tout début on ne sait rien du contexte, c'est au fil de l'histoire racontée par Sô aux autres que l'on découvre petit à petit ce qui est arrivé, tandis que les différents instants dans le présent viennent éclairer en parallèle les relations que certains personnage sont bâties dans les épreuves. Cette manière de nous éclairer petit à petit à la fois sur le passé et sur le présent est vraiment intéressant et apporte sa pointe d'unicité au roman... mais à part ça, y a-t-il beaucoup de choses à retenir de la lecture ? Eh bien, tout dépendra de la sensibilité de chacun, mais globalement il faut avouer que l'on pouvait attendre plus de ce récit qui, tout compte fait, s'éparpille un peu pour finalement tout survoler, voire peine à vraiment accrocher dans son écriture.
Car au-delà de la bonne idée narrative, il faut avouer que l'écriture est un peu plate, chose qui se ressent ne serait-ce que par un aspect: même si on suit parfois les pensées de Sô, tout est toujours raconté à la troisième personne, y compris tous ces longs moments de souvenirs que le héros est pourtant censé être en train de raconter à son entourage à l'hôpital. Il en résulte alors un côté un peu redondant couplé à un certain détachement qui n'est pas aidé par la froideur que le personnage principal dégage souvent. Car Sô est un héros auquel on a beaucoup de mal à s'attacher, en tout cas pour ma part. Au départ très solitaire, froid, cassant envers ses parents sans trop de raisons, il apparaît peu agréable à suivre. Et même s'il est amené à évoluer au fil de son histoire et des drames qu'il vit, ce côté peu sympathique perdure quand même toujours en lui (il suffit de voir comment il se comporte avec certaines personnes). Même quand il se veut plus émouvant/touchant, il garde une part de froideur... Certes, ce côté froid colle assez bien à l'atmosphère un peu mélancolique et désespérée voulue par l'écrivain, mais ça nuit vraiment au plaisir pris à suivre ce personnage.
Mais le principal problème n'est pas là, car au bout d'un moment le récit donne l'impression de trop s'éparpiller et de partir sur des voies sous-exploitées, surtout à partir du moment où Ishikawa tombe dans les vieilles ficelles à base d'extra-terrestres et d'adolescent se retrouvant avec des pouvoirs. Sans être originale, toute la première partie est intéressante pour la tentative de survie du jeune garçon dans un lieu mis en quarantaine et où il a perdu tout ses proches. Mais la suite vient donc se disperser dans des considérations très bateau, auxquelles on peine à croire tant elles sont survolées, la brièveté du roman faisant que l'auteur va très vite dans les avancées, en particulier celles plus sentimentales qui, une fois le bouquin fini, touchent alors très peu. Enfin, alors qu'on pourra apprécier d'avoir un light novel assez sombre et se voulant un peu mature avec un paquet de morts brutales et quelques instants de sexe, a contrario il y a de quoi rester désappointé par plusieurs moments très lourds, où le héros semble en chaleur sur certaines filles, avec description de moments pas bien finauds et inutiles. L'oeuvre a alors un peu le cul entre deux chaises sur ce plan-là, entre une volonté de maturité et au contraire des élans dignes d'un écrivain en puberté.
Restent alors, aussi, le choix d'une conclusion libre d'interprétation et donc assez intéressante, et la qualité des illustrations de Yoneyama quand bien même elles restent très peu nombreuses.
On peut voir beaucoup de choses dans Au chevet d'une guerrière selon la sensibilité de chacun(e), mais bien souvent le récit semble partir sur plein de sujets différents en ne développant quasiment rien, sauf en surface, en donnant alors l'impression d'un roman un peu décousu et n'allant pas au bout de ses idées, en plus d'être très froid de par son héros peu sympathique et son écriture nous impliquant peu auprès des personnages. Ajoutons à ça une postface peu intéressante où le romancier ne dit quasiment rien de son oeuvre, et Au chevet d'une guerrière laisse un petit goût amer. Pas celui d'une oeuvre mauvaise, loin de là, mais plutôt celui d'une oeuvre qui aurait pu être bien meilleure au vu de certaines idées de base.