Architectes de Babel (les) - Manga

Architectes de Babel (les) : Critiques

Babel no Sekkeishi

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 22 Mars 2022

Il arrive, de temps à autre, que les éditions Glénat Manga nous invitent à découvrir des oeuvres plutôt de niche, conçues par des auteurs rares et n'étant pas forcément purement mangakas, et Les Architectes de Babel fait sans doute partie de ces oeuvres. De son nom original Babel no Sekkeishi (qui pourrait être traduit par "Les créateurs de Babel", le titre français étant donc très proche de l'idée d'origine mais en appuyant un peu plus une thématique-clé de l'ouvrage), ce manga a effectivement été conçu par Akira Ashimo pendant ses études d'architecture, en étant donc la première (et à ce jour la seule) série de sa carrière de mangaka. Totalisant 19 chapitres pour un total de plus de 530 pages, l'ouvrage fut d'abord lancé au Japon dans la collection Jihen de Manga Zero avant que cette dernière ne disparaisse. C'est finalement au sein du magazine Comic Jardin de l'éditeur Jitsugyô no Nihonsha que la série a ensuite connu une deuxième chance dans son pays, avant d'être éditée en deux épais volumes brochés parus respectivement en juin et décembre 2020. Pour l'édition française, Glénat a fait le choix de tout compiler en un seul pavé en grand format vendu 10,75€.

Cette oeuvre nous immisce il y a bien longtemps, en 1754 avant notre ère, quelque part en Mésopotamie, et plus précisément au sein du royaume de Babylone. Avec à sa tête le roi Hammurabi, ce royaume domine alors toute la région, et le souverain compte bien passer à l'étape suivante: conquérir le ciel. Affirmant vouloir concrétiser sur Terre une paix nourrie par l'unification de toutes les langues, l'ambitieux et un peu fou monarque ordonne alors la construction de la plus haute tour du monde, si haute qu'elle pourrait "atteindre le soleil". Et pour ce faire, il oblige le jeune Gaga, un architecte de la cour, à se rendre jusqu'à la cité de Dilmun pour y dénicher le dénommé Nimrod, considéré comme le plus grand architecte de l'époque, et dont on dit qu'il est un descendant de Noé, cet homme qui, un siècle auparavant, aurait construit sa gigantesque arche. Tel est le point de départ d'une mission impossible où les deux architectes vont devoir trouver comment construire cette fameuse tour.

Passionné d'architecture au point d'en avoir fait son domaine d'études, Akira Ashimo nous offre donc ici sa propre vision, son interprétation du mythe de l'une des plus incroyables prouesses architecturales qui aurait vu le jour sous l'Antiquité, à savoir la Tour de Babel, cet édifice ayant nourri tant de légendes jusqu'à nos jours. Et pour ce faire, même si la tonalité reste régulièrement très connotée shônen dans les comportements des personnages (un peu caricaturaux par instants, en tête Hammurabi), l'auteur prend une voie se voulant assez rigoureuse et sérieuse, non seulement en faisant appel à des personnages historiques (comme les souverains Hammurabi de Babylone et Eshtar-Muti de Kish) ou ayant nourri les mythes bibliques (Nimrod en tête), mais aussi en souhaitant présenter, dans les grandes lignes, les différentes épreuves et les enjeux que les concepteurs de la tour ont dû relever. Ainsi, la conception des plans, les études du terrain, l'importance des matériaux sont autant d'aspects techniques qui sont esquissés, en plus de certains problèmes plus "diplomatiques" ou naturels comme les ambitions de la vénéneuse deuxième épouse du roi (personnage somme toute extrêmement stéréotypé), les relations commerciales avec d'autres pays (surtout pour obtenir certains matériaux), les questions de rivalité interne, ou tout simplement les tempêtes et conditions climatiques. Et même si l'on regrettera que l'auteur ne rentre pas plus que ça dans les détails architecturaux (alors que ça aurait vraiment pu être une grosse spécificité intéressante de l'oeuvre), on appréciera en revanche qu'il dynamise un peu plus le tout via quelques brefs développements de ses personnages, à l'image de la jeune Lou permettant d'aborder brièvement la condition d'esclave à l'époque, ou tout simplement le choix de Gaga de suivre la voie d'architecte quitte à s'opposer aux exigences de sa famille de militaires (son père voyant l'architecture comme quelque chose d'insignifiant).

Visuellement, on pouvait malheureusement attendre un peu plus de l'oeuvre. Akira Ashimo ayant suivi une formation en architecture et pas en manga, on lui pardonnera facilement ses designs de personnages un peu simplistes et irréguliers parfois, ainsi que sa mise en scène plutôt standard. En revanche, on aurait forcément apprécié un travail plus minutieux sur les décors, les bâtiments l'architecture, l'ensemble étant finalement, de ce côté-là, plutôt classique, ni très pauvre ni très riche.

Concernant l'édition, Glénat a choisi de placer l'oeuvre dans sa collection shônen, malgré la couleur marron du bandeau, normalement typique de la collection seinen de l'éditeur (mais faut-il encore chercher à comprendre certains choix de collections de l'éditeur ?). On appréciera le prix très raisonnable pour un tel pavé de plus de 500 pages en grand format... et cela, même si la qualité du papier laisse à désirer. Trop fin, trop souple, sans consistance, un peu transparent, et offrant une qualité d'impression moyenne avec quelques moirages par-ci par-là, il est désagréable à manipuler (surtout parce qu'il est facile de tourner deux pages à la fois sans forcément s'en rendre compte). Pour le reste, le lettrage signé Hinoko est suffisamment propre, et la traduction de Djamel Rabahi est claire et plutôt rigoureuse dans les noms historiques.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs