Angolmois Vol.1 - Actualité manga
Angolmois Vol.1 - Manga

Angolmois Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 09 Janvier 2020

Chronique 2

Kingdom en 2018, Baltzar, Jormungand et les 7 Ninjas d'Efu en juillet 2019, sans oublier des manhwa comme Ares... En finalement assez peu de temps d'existence, les éditions Meian ont déjà su se construire un petit catalogue qualitatif, dont les quelques titres témoignent de certaines tendances pour les récits soit militaires, soit ancrés dans des périodes historiques plus ou moins lointaines, soit les deux... et ce n'est pas leur ultime nouveauté de 2019 qui dira le contraire !

Première série publiée en France du mangaka Nanahiko Takagi (manga à la carrière encore assez jeune puisque auparavant il n'avait signé qu'une seule autre série courte, elle aussi aux accents historiques), Angolmois est une série en 10 tomes qui fut publiée au Japon de 2013 à 2018, non sans connaître quelques coups du sort à ses tout débuts: son premier magazine de prépublication, le Samuraï Ace, fut stoppé en décembre 2013 alors que la série venait de commencer, et il a ensuite fallu un petit temps avant que l'auteur ne puisse en reprendre la publication dans un autre magazine, le Comic Walker de Kadokawa. Bénéficiant d'une bonne petite popularité, la série a fini par être adaptée de juillet à septembre 2018 en une série animée qui a été diffusée en France en simulcast sur Crunchyroll, et qui a quelque peu divisé les foules pour son rythme lent, son parti pris graphique et le fait qu'elle occulte beaucoup de choses du manga d'origine. Puis, depuis 2019, le mangaka travaille sur un spin-off de l'oeuvre, Hakata-hen, dont le premier volume est sorti au Japon en juillet dernier.

Angolmois nous plonge dans le Japon du XXIIIe siècle, en pleine ère Kamakura, et plus précisément aux abords de l'île de Tsushima (une île de l'ouest du pays qui, grosso modo, se trouve dans la mer entre le Japon et l'actuelle Corée du Sud). Là, en 1274, un groupe d'exilés arrivés en bateau et normalement voués à être exécutés se retrouve aux "bons soins" des habitants de l'île. La belle et caractérielle Teruhi, fille du maître des lieux Sukekuni Sô, leur explique que plutôt que d'être simplement tués, ils vont devoir servir de "pions sacrifiables" sur le terrain de bataille qui se prépare: celui voué à opposer les forces japonaises de Tsushima à la menace mongole, qui se rapproche dangereusement par la mer en nombre avec évidemment des velléités de conquête. Parmi ces exilés, Jinzaburô Kuchii, un samouraï et ancien vassal du shogunat de Kamakura qui risque fort de vite se détacher du lot et de jouer un rôle-clé dans la lutte contre l'invasion mongole...

Sous-titrée intelligemment "Chroniques de l'invasion mongole", la série prend donc pour cadre un morceau d'Histoire que l'on n'a pas forcément l'habitude de voir en manga voire de manière générale: bien souvent, les connaissances des gens sur les Mongols se limitent au nom et au parcours conquérant incroyable de Gengis Khan et au fait que, sous son joug, l'empire mongol de l'époque devint tout bonnement le plus vaste empire de tout l'histoire de l'humanité. Ici, Nanahiko Takagi, en tant qu'auteur nippon, a l'occasion idéale d'aborder des aspects beaucoup moins connus, surtout pour nous autres occidentaux, de cette part de l'Histoire: ce qu'est devenu l'empire Mongol quelques décennies après la mort de Khan, le point de vue japonais sur les conquêtes mongoles puisque cet empire voulait alors envahir le Japon, et la défaite cuisante que cette tentative d'évasion fut, en signant même le début du déclin de l'empire Mongol.

De par ces différents aspect historiques pas toujours bien connus, une bonne contextualisation pourrait s'avérer très utile pour se plonger au mieux dans le manga... et c'est peut-être précisément ce qui manque le plus ici, Takagi préférant plutôt nous plonger d'emblée dans un peu d'action juste avant l'arrivée des exilés à Tsushima. Si l'on n'a pas le minimum de connaissances requises sur le sujet, il est donc possible de d'abord se sentir un petit peu perdu, que ce soit côté contexte Mongol ou côté histoire japonaise d'ailleurs. Si besoin est, n'hésitez donc pas à faire 2-3 recherches rapides, ou simplement à aller faire un tour sur la chaîne youtube du vidéaste Nota Bene qui avait faite en 2016 une bonne petite vidéo claire et concise sur la déroute mongole face au Japon.

A part ça, le fait que le récit démarre vite par de l'action a le mérite de lancer le récit avec dynamisme, et ce dynamisme le volume 1 ne le perdra quasiment jamais, jusqu'à sa toute fin qui semble marquer le vrai départ de l'histoire avec une première bataille entre forces de Tsushima et forces mongoles. Profitons-en donc pour souligner les qualités du dessin de l'auteur: après quelques petits relâchements dans les tout débuts, son trait ne fait que gagner en précision et en densité au fil des pages, offrant des moments d'action rapides, clairs et brutaux (les morts violentes et un brin sanglantes sont au rendez-vous, les simples civils ne sont pas épargnés... le climat de guerre sale est déjà là), des designs de personnages expressifs et bien différents où chacun a son allure, ainsi que des vêtements, armures et décors/cadres d'époque suffisamment riches et détaillés pour nous immerger sans difficulté.

Pour le reste, côté histoire, le vrai démarrage a lieu surtout dans la dernière partie du tome, d'où peut-être le choix de l'éditeur de résumer l'ensemble du tome dans son synopsis en quatrième de couverture (soyez donc averti: attention, ce synopsis lâche des infos sur des événements n'arrivant pas avant les dernières pages du tome !). Avant d'en arriver là, tout est surtout question de mise en place des personnages, de leurs motivations, de certaines possibles alliances... et à ce titre, le mangaka fait suffisamment bien le job. Sans jamais perdre en rythme, il parvient à présenter des personnages principaux efficaces, notamment Jinzaburô bien sûr qui montre un caractère et des techniques de combat prometteurs hérités de son ancien statut de vassal/samouraï, mais aussi la sublime Teruhi qui démontre une sacrée force de caractère et un profond désir d'arriver à ses fins. Takagi ponctue le casting d'une poignée de personnages ayant vraiment existé, comme Sukekuni Sô ou Shôni Kagesuke, il amène aussi quelques petites références plus ancienne entre histoire et Mythes (autour des Minamoto et des Taira, etc), glisse quelques éléments intrigants supplémentaires à commencer par le sentiment de Jinzaburô qu'il connaît l'un de ses mystérieux adversaires... SI l'on excepte ce fameux manque de contextualisation, les choses se posent bien, sont limpides et intriguent suffisamment. A part ça, notons que pour le moment le récit se place exclusivement du point de vue japonais, sans immersion dans le camp mongol, et on se demande si cela changera par la suite.

En somme, ce premier volume livre une mise en place globalement clair, rythmée, bien dessinée et facilement immersive. Il n'y a plus qu'à attendre de voir le récit décoller et montrer ce qu'il a réellement sous le coude, et ça tombe bien puisque l'éditeur a eu la bonne idée de publier le tome 2 en même temps que le premier !

Côté édition, justement, c'est très soigné. La jaquette attire bien l'oeil avec le joli marquage doré à chaud sur son logo-titre, dans la veine de ce qui peut être fait sur les séries Kingdom ou Egregor. Et à l'intérieur, on trouve un papier à la fois suffisamment épais et souple, permettant une impression de bonne qualité. Enfin, les choix de lettrage sont convaincants, et côté traduction Marina Sanchez livre une copie claire et dans l'ensemble dynamique.


Chronique 1

Les éditions Meian développent doucement mais sûrement leur catalogue. Avec Kingdom, puis des titres comme Arès, l'éditeur semble avoir confirmé son identité, celle de récits médiévaux et/ou militaires, s'appuyant parfois sur des éléments historiques ou s'en inspirant énormément. La nouvelle œuvre du genre proposée par Meian est Angolmois, un manga en dix tomes dessiné entre 2013 et 2018 par Nanahiko Takagi, qui connait d'ailleurs une suite depuis cette année. Fort de son petit succès au Japon, le titre a eu droit à une adaptation animée en 12 épisodes en 2018, produite par le studio NAZ.

Jinzaburô Kuchii fait partie d'un convoi d'exilés, destiné à purger sa peine sur l'île de Tsushima. Après un voyage houleux, Jinzaburô et les autres condamnés apprennent la vérité : Tsushima constitue un point stratégique optimal et sera bientôt la cible du peuple mongol qui a lancé une invasion massive. Les exilés auront pour rôle de tenir tête à cet envahisseur. Mais Jinzaburô n'est pas un condamné comme les autres : ancien samouraï de Kamakura, il est un combattant aguerri détenteur du style Gikei, maîtrisé autrefois par le général Minamoto Yoshitsune.

L'invasion mongole n'est pas l'un des chapitres de l'Histoire dont on parle le plus. Celle-ci a eu lieu au XIIIe siècle et a essentiellement consisté en une invasion de l'empire mongole sur l'Europe de l'Est et l'Europe Centrale. Avec Angolmois, le mangaka Nanahiko Takahiko développe une perspective dont on parle peu : le point de vue japonais de l'invasion.

Et pour narrer ce récit, il met en scène l'ancien samouraï Jinzaburô Kuchii, exilé sur l'île de Tsushima où se déroulera le plan d'invasion de l'ennemi, concernant le Japon. Avec ce premier tome, l'auteur met tout son récit en place, de l'arrive du protagoniste sur l'île, la manière dont il prendra part au conflit, et les premiers événements lourds qui marqueront cette guerre insulaire.

Avec ce tome d'amorce, Nanahiko Takagi nous livre une entrée en matière particulièrement convaincante, notamment parce qu'il sait développer différents points d'histoire tout en scénarisant l'ensemble suffisamment efficacement pour qu'on entre comme il se doit dans le récit. Outre l'invasion mongole, l'auteur aborde plusieurs pistes d'intrigue, comme le rôle du clan Sô sur l'île de Tsushima, la manière dont Teruhi, l'héritière de la lignée, cherchera à se démarquer au sein du conflit, ainsi que l'implication croissante du héros qui cache une grande part de mystère. Ce cernier n'a rien d'un protagoniste classique, il est ambigu, pas un mauvais bougre, mais ne semble pas agir par total altruisme pour autant. En clair, c'est aussi par une palette de personnages aussi intriguants que remarquables que ce premier tome se montre prenant.

Evidemment, qui dit guerre dit tactique. Ceux qui apprécient les stratégies militaires apprécieront le fait qu'Angolmois, sur ce premier opus, n'est pas un titre bête et bourrin. Il est aussi question de tactiques guerrières bien développées, amenant avec elles des rebondissements parfois surprenants. Une des prouesses de l'auteur sur ce premier tome est donc bien le caractère complet de son introduction : on se familiarise avec les personnages et le contexte historique comme on assiste au premier front contre l'envahisseur mongole, et parfois de manière plus étonnante que prévue. Angolmois ne semble donc pas être un titre cliché et prévisible, permettant une immersion efficace sans jamais sortir le lecteur du récit.

Enfin, ce premier volume impose une certaine exigence au lectorat. Parce que que le mangaka cherche à rendre son contexte historique crédible, bon nombre de données sont évoquées dans cet opus premier, ainsi que quelques références culturelles. Heureusement, rien de suffisamment stricte pour empêcher notre compréhension globale du scénario. Néanmoins, quelques points pousseront peut-être le lecteur à faire quelques recherches de son côté, par exemple en ce qui concerne la figure de Minamoto no Yoshitsune évoquée à maintes reprises, une figure historique importante du Japon médiéval qui mérite qu'on s'y intéresse pour comprendre un peu mieux les références du récit.

Visuellement, ce premier opus s'en sort aussi haut la main, grâce au trait particulièrement fin et précis de Nanahiko Takagi. Son style est détaillé et expressif, avec une belle mise en relief des structures et équipements militaires, et une mise en scène violente et immersive des affrontements. Mais sur ce dernier point, et parce que ce premier tome n'est pas exclusivement consacré aux combats, ce sera à la suite de nous confirmer tout le potentiel de l'auteur quant à son coup de crayon.

Alors, ce premier tome d'Angolmois se révèle particulièrement efficace en son genre, par sa volonté de narrer un récit historique avec quelques points de scénario particulièrement intéressant, et ce en ne tombant jamais dans la facilité. C'est aussi prenant qu'immersif, aussi on ne demande qu'à découvrir la suite de la guerre entre l'île de Tsushima et le redoutable empire mongole.

Cerise sur le gâteau : l'édition de Meian et de belle facture, ce grâce au papier épais et qualitatif qu'on connait chez l'éditeur, et une superbe couverture dont le titre bénéficie d'un effet de dorure à chaud, comme c'est le cas sur les volumes de Kingdom et Egregor. La traduction de Marina Sanchez semble sans fausse note, un point qu'il sera cependant difficile à évaluer convenablement, à moins de connaître toutes les références culturelles et historiques avant lecture de l'opus.
   

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

15.25 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs