Analog Drop Vol.1 - Actualité manga
Analog Drop Vol.1 - Manga

Analog Drop Vol.1 : Critiques

Analog Drop

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 30 Mars 2021

Natsumi Aida est une autrice particulièrement importante pour les éditions Akata, qui l'avaient découverte dès 2009, à l'époque de leur collaboration avec Delcourt avec Switch Girl, série qui fut l'un des principaux best sellers shôjo du début des années 2010. Dès lors, avec son ton comique irrévérencieux et "nature" bien à elle, qui a permis une importante liberté de parole, la mangaka s'est imposée comme un nom à suivre, et Akata ne l'a jamais lâchée. Que ce soit toujours à l'époque Delcourt avec la publication des one-shot C.L.A.S.S. et Virgin Complex, ou même après la prise d'indépendance de l'éditeur avec l'excellent Ugly Princess, série d'utilité publique abordant entre autres la confiance en soi quand on a un physique qui n'est pas dans les stéréotypes de beauté.

Et presque 4 ans après la conclusion d'Ugly Princess en France, l'heure est donc venue pour la mangaka de faire son retour dans notre langue avec sa dernière oeuvre en date, Analog Drop ! Prévue dès le départ pour être courte, cette série en 2 volumes a été prépubliée au Japon en 2017-2018 dans le magazine Margaret des éditions Shûeisha, magazine dans lequel Aida avait déjà publié ses précédentes séries.

Après l'héroïne de Switch Girl qui cachait ses secrets avec son mode "On/off", et celle d'Ugly Princess au physique bien éloigné des critères habituels, Natsumi Aida nous offre à nouveau, avec Analog Drop, une héroïne bien éloignée des habituels clichés de shôjo. Car Aku Hayakawa a beau être une lycéenne de 16 ans, elle est loin de mener une vie bien rangée ! Jugez plutôt: elle kiffe plus que tout la popularité et l'argent, à tel point qu'elle passe son temps à duper son monde dans une hypocrisie totale. Sa routine ? D'un côté, faire hyper attention à son look et à sa popularité sur les réseaux sociaux, où elle semble très suivie à coups de photos bien calculées. De l'autre, utiliser sa beauté et se faire passer pour un peu plus âgée qu'elle ne l'est, pour sortir avec des mecs riches un peu plus âgés qu'elle (auto-entrepreneurs, etc... actuellement, elle a trois "copains" en même temps) qui se la pètent en étalant leur argent et en lui offrant des trucs souvent hors de prix... le tout, évidemment, en évitant toujours de répondre aux vraies attentes de ces messieurs, et en revendant bien vite leurs cadeaux pour se faire toujours plus de fric.

Et tout ceci, Natsumi Aida, pendant les premières dizaines de pages, nous le dépeint sur un ton bien à elle, où l'on retrouve pleinement son humour corrosif à souhait ! Avec une forte pointe de cynisme autour de certaines dérives de notre époque (en tête, bien sûr, toute l'image factice et hypocrite que des gens, sous couvert d'être "influenceurs", se créent sur les réseaux sociaux type Instagram pour flatter leur propre ego et manipuler les autres), l'autrice interpelle doublement. D'un côté, elle touchera d'une certaine façon celles et ceux qui sont déjà allergiques à ces dérives, en les faisant sourire plus d'une fois, parfois jaune, ou en les irritant volontairement tant Aku apparaît souvent détestable (de toute façon, elle dit elle-même qu'elle n'est pas une fille bien). Et de l'autre, elle alertera peut-être des victimes ou au contraire des acteurs de ce type de comportement, en montrant jusqu'à quel point peut dégénérer cet univers du faux. Car à force de tromper son monde, Aku, qui est typiquement le genre de personnage que l'on adoooore détester, va en payer le prix fort, en étant soudainement poignardée dans la rue, et toujours avec l'humour cynique qu'il faut (il faut la voir s'inquiéter avant tout pour son sac de marque tâché de sang alors qu'elle est en train de mourir). Mais au lieu de mourir, la voici qui se réveille en 1983 au lieu de son année 2017 ?!

Comment cela est-il possible ? Une chose est sûre: elle n'est pas là par hasard, en se retrouvant investie d'une mission par"Mister Z", une étrange entité à tête de réveil, qui la charge d'aider un jeune loubard du nom de Kojirô à concrétiser avec sincérité et de façon mutuelle son amour pour Shinobu, une fille de bonne famille atteinte d'une grave maladie. Au départ, forcément, Aku n'en a absolument rien à faire... mais le fait est qu'elle n'a pas le choix. Toujours actif et doté d'une batterie rallongée à un mois, son smartphone est toujours connecté à l'an 2017 et peut donc étrangement lui servir dans sa quête. Mais attention: une fois la batterie arrivée à 0%, elle mourra véritablement si elle n'a pas accompli sa mission...

Une fois toutes ces bases efficacement installées, c'est vraiment là que commence le coeur du récit, avec cette mission que doit accomplir notre anti-héroïne... Et cette mission, elle risque bien de la changer, petit à petit, même si rien ne sera facile puisqu'elle a encore régulièrement de gros élans d'égoïsme ou d'ego surdimensionné. Mais le fait est que, plongée dans ces années 80 où internet n'existe même pas encore (et donc encore moins les réseaux où elle étale son ego), c'est forcément d'autres choses qu'elle découvre, et dont elle prend conscience.
Tout d'abord, il y a cette époque qui est forcément inconnue pour elle, dont elle découvre petit à petit bien des aspects (l'union soviétique existait encore, le pays était dans une période prospère, les looks et langages étaient bien différents, les loisirs n'étaient pas les mêmes...), et que Natsumi Aida, pour avoir elle-même grandi à cette époque, présente assez joliment.
Mais surtout, il y a le rapport aux autres assez nouveau pour elle que la jeune fille crée petit à petit. Car forcément, que penser de ses "copains" de 2017 et "amis/fans" des réseaux sociaux qui se moquent d'elle dès qu'elle fait part de sa situation, qui leur apparaît forcément d'autant plus invraisemblable qu'Aku a toujours vécu dans le faux et l'hypocrisie ? Que trouvera-t-elle auprès de loubards ayant en réalité bon coeur et la croyant immédiatement au point de vouloir l'aider, et, plus encore, auprès de Kojirô, ce faux bad boy qui l'accueille en montrant un côté réellement attentionné et sincère, au point de peut-être risquer de faire réellement chavirer son coeur pour la première fois de sa vie ?

Malgré quelques grandes lignes très attendues, le récit est alors rondement mené... et doit également beaucoup à la patte bien reconnaissable d'Aida, et dont le ton sans concession est bien plus proche d'un Switch Girl que d'un Ugly Princess, dans la mesure où la mangaka est vraiment capable de se moquer de tout. Visuellement, l'autrice régale souvent par les expression faciales exagérées à souhait de ses personnages et surtout de son héroïne, en accentuant forcément très bien l'humour.

Il s'agit donc d'une très chouette première moitié de série, en attendant de voir si l'autrice parviendra à bien s'en sortir dans la deuxième moitié... ce qui s'annonce bien, au vu de quelques surprises en fin de tome, notamment autour de la fameuse Shinobu !

Côté édition, on retrouve le petit format habituel d'Akata, avec un papier souple et sans transparence, et une bonne impression. Bruno Pham livre une traduction aux petits oignons, qui colle vraiment bien à l'humour corrosif d'Aida, et qui joue très efficacement la carte du décalage entre les époques via le langage des personnages. Tom "spAde" Bertrand propose un lettrage très soigné, et Manabi-S une jaquette efficace avec son allure d'écran de smartphone et son logo-titre où les "o" évoquent bien le facteur temporel.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs