Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 12 Juillet 2010
Sous une jolie mais « sombre » couverture, et avec un titre orthographié avec goût, c’est le nouveau titre de Taïfu, sorti en avant première à la Japan Expo. L’histoire est celle de Fujimaru, un adolescent ordinaire, comme c’est le cas dans la plupart des débuts de série. Il serait même clairement attiré par les jolies demoiselles, bien que son intimité soit quelque peu malmenée chez lui, notamment à cause de son petit frère, que Fujimaru adore avoir près de lui. Mais un jour, alors qu’il s’offre un petit plaisir solitaire dans son bain, Fujimaru croit voir une ombre dans le miroir, puis dans ses rêves … Mais il ne rêve pas tant que ça, puisque le jeune homme reçoit la visite de Rei, un incube. Un incube est l’équivalent masculin des succubes, c'est-à-dire un démon mâle supposé profiter du corps des jeunes femmes endormies. Ici, Rei est plutôt attiré par les corps d’hommes, et il prend Fujimaru pour cible afin de se délecter de ses fantasmes les plus secrets, de ses plus honteuses pensées. Le jeune homme découvre alors une sexualité perverse, secrète, taboue et remodelée au gré des envies du démon qui l’habite, joue avec ses désirs et ses sentiments, pour finalement puiser assez de pouvoir pour se matérialiser, sans jamais dans ce premier tome avoir une relation sexuelle entre les deux hommes, ce qui est plutôt inhabituel ! Comment Fujimaru va-t-il pouvoir vivre aux côtés de ce démon, au quotidien, en voyant ses fantasmes et autres idées de Rei étalées dans ses rêves ?
L’idée de départ est plutôt intéressante : fantastique sans l’être totalement, cela permet de s’attacher facilement au héros un peu pataud et naïf que représente Fujimaru, petit uke sans défense face au démon qui se joue de lui. Le jeune homme, comme tous les représentants de ce rôle de soumission, apprécie peut être un peu trop rapidement le revirement de sa sexualité et la persécution de Rei, mais on retrouve une certaine logique dans sa démarche et dans ses choix (protéger son petit frère qu’il aime tant, par exemple). Certains points d’humour sont toutefois assez peu réjouissants, comme le mini Fujimaru, la visite médicale perverse ou le président du club auquel notre héros adhère. Dans le monde du hentai, il n’est pas rare de voir toutes sortes de pratiques, dont celle des tentacules, particulièrement appréciée des lecteurs japonais semble-t-il … Et bien le yaoi, à qui il manquait cette indispensable notion, peut enfin se rassurer : c’est chose faite. Pas forcément pour nous plaire … Certes, l’auteur se permet tout et n’importe quoi grâce à la notion d’incube et à l’importance des fantasmes dans ce premier tome, mais entre les tentacules et la mousse magique, on se demande jusqu’où ira la série pour nous surprendre … mais pas forcément nous plaire. C’est sûr que ce passage est un peu choquant et dérangeant pour ceux qui n’auraient pas au préalable été prévenus. Rei n’a aucune limite, et même pour des lecteurs assidus de yaoi, les tentacules font un peu « too much », et ne parviennent pas à se faire oublier par l’humour et l’avis globalement sympathique qui demeure après la lecture.
Au niveau des graphismes, pas grand-chose si ce n’est rien à redire : des personnages typés, avec un design adapté à leurs rôles et leurs personnalités, des expressions bien marquées et pertinentes, des SD qui allègent quelque peu certaines scènes très détaillées … On apprécie le trait très épuré de la mangaka, qui n’en fait pas trop tout en ajustant bien les émotions qui passent sur les visages de ses personnages. Les décors sont sans doute un peu vides par moments, mais rien de bien méchant … Un bonus tout particulier pour les habits de Rei et le regard de Fujimaru, le tout servi par une traduction fluide, une adaptation un peu légère, tout comme l’impression, mais rien de bien méchant … En quelques mots, si l’on revient sur ce qui dérange ici, l’auteur le justifie habilement grâce au statut d’incube de Rei, mais le public n’était peut être pas forcément prêt à voir débarquer les tentacules pas des plus glamours dans le monde du yaoi. Après, il en fait pour tous les goûts, mais la mention du public averti n’est en aucun cas superflue, voire même indispensable ! Un bon premier tome, drôle, sympathique et original, malgré la douche froide d’une scène ou deux …