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Le test du jeu video:

Publié le Lundi, 09 Septembre 2013

Sorti au Japon durant l'automne 2005 et en France en février 2006 exclusivement sur Playstation 2, Shadow of the colossus a été développé par la Team ICO, une équipe intégrée au studio Sony Japan, qui a surpris tout le monde lorsqu'en 2001 parut une perle absolue du jeu vidéo : ICO. Les deux jeux sont d'ailleurs ressortis dans une compilation HD sur Playstation 3 en 2011.

ICO, c'était un gameplay quasi-minimaliste, des graphismes enchanteurs, et surtout, une quête, celle extrêmement touchante d'un jeune garçon enfermé dans un château qui désirait sauver une princesse à la beauté éthérée. Dire que Shadow of the colossus avait la lourde tâche de succéder à ICO n'est pas forcément vrai, tant les joueurs s'attendaient encore une fois à une surprise de taille. De taille, oui. Colossale pour ainsi dire.

Dans son ambiance générale, Shadow of the colossus est aussi pessimiste qu'ICO. Le prologue en témoigne. On y suit un guerrier, Wanda, chevauchant Agro, superbe cheval noir, traversant un long viaduc menant à des terres interdites. Parvenant à un sanctuaire, Wanda y dépose un corps inerte enveloppé d'un linceul : sa bien-aimée Mono. Malgré l'apparition d'ombres attaquant Wanda, celui-ci s'en défait rapidement. C'est alors qu'une entité du nom de Dormin fait entendre une voix fugace mais grave, s'échappant des murs du temple. Wanda lui demande de sauver son amour perdu. Dormin accepte, mais explique ne pas pouvoir ressusciter la jeune femme tant que 16 idoles de pierres figurant dans le temple n'auront pas été anéanties. Chacune des 16 statues est associée à un colosse vivant dans les terres interdites entourant le temple. C'est ainsi que Wanda se lancera sur la trace des géants, accompagné d'Agro, équipé d'une épée magique et lumineuse lui indiquant l'emplacement de ses ennemis et d'un arc. Pourtant, le guerrier devra payer un lourd tribut : après avoir défait chaque colosse, son apparence et son corps se dégraderont, tandis que Mono retrouvera un peu de vitalité. Ce pacte conclu entre Wanda et Dormin, quel en sera l'aboutissement ?




Si ICO avait tout de l'aventure intimiste et poétique, Shadow of the colossus ramène à une odyssée homérique et fabuleuse. Point commun entre les deux jeux : la solitude du héros. Dans les terres interdites, Agro, votre cheval, sera le seul être vivant sur qui vous puissiez compter. Dans cet univers ouvert et gigantesque, la solitude se ressent de plein fouet, un sentiment que je n'ai connu que quatre fois dans mon expérience de joueur : avec ICO et Shadow of the colossus donc, ainsi que Metroid Prime, et plus récemment, Journey. Imaginez, dans la vraie vie, que vous soyez perdu dans un milieu naturel hostile. Shadow of the colossus retranscrit cette sensation de façon virtuelle : on n'a qu'une hâte, trouver un nouveau colosse pour s'en défaire et regagner le temple pour espérer y voir une étincelle de vie. Le jeu joue sur cette folie des grandeurs : les environnements sont extrêmement étendus, il n'y a rien à y faire si ce n'est les traverser et les contempler. Plus que de solitude, on peut parler d'errance. Beaucoup de joueurs, d'ailleurs, n'ont pas apprécié cet aspect, laissant tomber au bout de quelques temps, dénonçant l'ennui mortel provoqué par cet univers sans vie (bien qu'il y ait quelques petites bestioles), où la nature domine. Cet environnement est d'autant plus inquiétant qu'il y a bien quelques marques apparentes de civilisation disparue, à travers des temples en ruines et des signes gravés dans la pierre. Cette ambiance ne fera pas l'unanimité, mais si l'on adhère à l'idée d'une solitude parfaitement retranscrite à l'échelle virtuelle, Shadow of the colossus vous marquera durablement.

Vous, joueur, contrôlerez Wanda. Le plus souvent, cela se fera à dos de cheval, explorant les terres interdites jusqu'à trouver un nouveau colosse désigné par Dormin à l'aide d'une curieuse énigme. Une fois le colosse trouvé, vous devrez mettre pied à terre... pour quelques instants après, vous retrouver plus haut dans les airs ! Effectivement, pour détruire les colosses, il faudra trouver le moyen de s'y agripper pour ensuite trouver leur point faible sur leur corps. L'essentiel du gameplay repose donc sur les combats contre les 16 colosses, chacun faisant office de mini-niveau à lui tout seul tant leur taille en impose. Si les premiers sont relativement peu impressionnants, les développeurs ont eu la bonne idée de la jouer crescendo, avec des monstres toujours plus dangereux, toujours plus rapides, toujours plus grands. Les derniers colosses vous donneront des frissons. Mais du premier au dernier, rien que les aborder est en soi un challenge. Passer par les pieds, trouver une corniche pour leur sauter dessus quand ils passent devant vous, les piéger. Cela constituera votre premier objectif. Une fois cela réalisé, il faudra ensuite trouver leurs « points de vitalité », placés à différents endroits sur leur corps (et certains sont bien cachés !), pour y enfoncer durement votre épée. Mais ne croyez pas que les géants se laisseront abattre sans se manifester. Ils chercheront à vous écraser, vous envoyer dans le décor en vous attrapant, se gratouilleront, se cogneront, feront des loopings, joueront des éléments naturels à leur portée. Il faudra vous accrocher, au sens propre du terme ! Cette façon d'appréhender son ennemi, en jouant sur ses attitudes, en mémorisant ses actions routinières, demande patience et maîtrise de soi. Lors des combats contre les colosses, Shadow of the colossus prend d'ailleurs les contours d'un jeu de plate-formes au gameplay inédit. Pour ce faire, vous pourrez compter sur une maniabilité intuitive et rapidement accessible, presqu'aussi minimaliste que celle d'ICO. Sur les colosses, vous disposerez d'une touche pour vous accrocher et une autre pour tirer votre épée et les blesser à mort, demandant un laps de temps pour « charger » votre coup (attention à ne pas se faire surprendre lors de ces moments-là, durant lesquels vous serez à découvert !). L'interface et les indications à l'écran sont extrêmement réduites, une sphère en bas à droite de l'écran se contentant d'indiquer votre niveau d'endurance (et faisant également office de jauge d'oxygène). Cette sphère vide, le héros lâche prise. Il faut donc se résoudre à faire intelligemment de petits arrêts sur le corps des colosses pour espérer mieux poursuivre l'ascension ou la recherche des points faibles. Deux barres de vie apparaissent également lors des combats : la vôtre et celle du colosse. A terre, la maniabilité est tout aussi simpliste : vous pourrez tirer à l'arc, appeler votre cheval, utiliser votre épée, courir ou nager, c'est à peu près tout. A cheval, l'essentiel consistera à vous orienter à l'aide de votre épée lumineuse tout en galopant, ou à décocher des flèches. Un sans-faute donc ? Malheureusement non, puisqu'un des seuls défauts du jeu réside dans le placement pas toujours opportun des angles de caméra lors des combats contre les colosses, vous demandant de la recadrer vous-même en cas de besoin à l'aide d'un des deux sticks analogiques. Pourtant, on ne peut se résoudre à dénoncer avec véhémence ce petit problème, car, dans l'absolu, le choix d'une caméra fuyante vous envoyant parfois au bord de l'écran de jeu renforce aussi l'impression de gigantisme ! La logique est implacable : le gameplay n'est ici pas seulement fait pour jouer mais pour faire ressentir. La maniabilité minimaliste vous fera ressentir, parfois, votre impuissance. Vous n'êtes rien à l'échelle des colosses, il vous faut donc redoubler de virtuosité, surtout vers la fin, même si globalement, le jeu n'est pas difficile.




Ainsi donc, le gameplay sert l'ambiance. Que dire alors de l'esthétique du jeu, phénoménale. Avec un terrain de jeu gigantesque et varié, composé de plaines s'étendant à perte de vue, des déserts, des grottes, des gouffres, des forêts (et pas des petites !), Shadow of the colossus jouit d'une cohérence très impressionnante, témoignant d'un souci du détail à chaque instant. La plupart des décors cités plus haut sont pour la plupart accessibles après avoir franchi une colline, après s'être aventuré dans une grotte ou des gorges : ces microcosmes qui se dévoilent au fur et à mesure démontrent là encore la volonté de faire une véritable oeuvre d'art ludique. La palette de couleurs, portée vers le gris pierre, les ocres, le vert d'eau, sont autant d'hommages à de vrais décors situés au Moyen-Orient, en Europe de l'Est, en Mongolie. Les effets de lumière, une des très grandes forces d'ICO, sont de nouveau présents. Filant à travers les arbres ou les collines, ou venant de derrière les colosses, les rayons du soleil créent de superbes contre-jours. Strictement aucune faute de goût n'est à déplorer. Les paysages, enclins au photoréalisme, sont proches de faire succomber la Playstation 2. Et pour cause. Il a souvent été dit que Shadow of the colossus était trop ambitieux pour la deuxième console de Sony, et cela n'est pas faux. Des ralentissements lors des combats contre les plus grands colosses (ceux de fin) apparaissent (mais ne nuisent pas au plaisir de jeu, soyez rassurés !), et la luminosité extrême de certains décors (on pense notamment au combat contre le colosse du désert) rend l'image quasi-illisible. Depuis, les joueurs, testeurs et spécialistes du jeu vidéo ont trouvé l'origine de ce mal : Shadow of the colossus tournait mieux sur les Playstation 2 de dernière fabrication, et dont la lentille optique était préservée. Le jeu de la Team ICO faisait donc bel et bien souffrir la console de Sony, mais n'en demeurait pas moins impressionnant graphiquement. La distance d'affichage, elle, demeurait par exemple d'une constance irréprochable.

Enfin, si l'esthétique est irréprochable (mais pas la technique), la symbolique épique qui se dégage du jeu ne pouvant que renvoyer à la mythologie. Vous en verrez de toutes les couleurs, avec un colosse aux allures de sanglier fou (de quoi se prendre pour Hercule face au sanglier d'Érymanthe), un autre à l'apparence de squelette d'anaconda géant serpentant dans le ciel, un combat à moitié sous-marin, un autre totalement aérien, ou encore des brutes à gourdin. Mais si les symboles forts et les métaphores macabres battent leur plein, on ne peut pas en dire autant du scénario, trop plat, pas assez généreux. Le principal défaut de Shadow of the colossus n'est pas dans ses quelques errements techniques ou de maniabilité qui n'ont que très peu d'incidences sur le ressenti. Non, le vrai inconvénient se situe dans un scénario certes intense et poignant au début et à la fin, mais pas du début à la fin, la nuance est d'importance. Il manque de vrais événements intermédiaires, comme ICO avait su si bien le faire avec la fuite avortée de Yorda. Et, surtout, le jeu entretient un lien avec ICO trop ténu pour que le final convainque entièrement ! On ne vous spoilera pas la fin, mais celle-ci pose bel et bien Shadow of the colossus en préquelle d'ICO, mais nous laisse sur notre faim. Et puisque The Last guardian, le troisième jeu de la Team ICO, qui devrait renforcer le lien entre les trois jeux, se fait attendre, c'est carrément la famine depuis 7 ans ! Touchante, belle, magique, la fin l'est, oui. Mais décevante aussi. Car en soi, déconnecté d'ICO, le scénario de Shadow of the colossus s'avère trop mince pour être véritablement passionnant, quand bien même il en appelle aux sentiments des joueurs et émeut jusqu'aux larmes. On aurait apprécié que l'univers soit plus exploité, puisque face à la dernière scène, on a la désagréable sensation que l'histoire ne commence qu'à peine.




Et ce n'est pas la rejouabilité, assez faible, qui aidera à compenser. Les secrets et à-côtés du jeu sont assez anecdotiques. En cours de partie, vous découvrirez par exemple qu'il est possible de combattre de nouveau un colosse déjà abattu via un « Mode Réminiscence ». Il suffit de s'approcher du cadavre (car oui, les colosses ne disparaissent pas, mais se transforment en pierre) et d'engager une prière via le bouton d'action. Cela permet de s'entraîner, ou de refaire un colosse dont on avait apprécié le combat. On peut également relever, une fois le jeu terminé une première fois, un « Mode Time attack » (tuer les colosses en temps limité) à l'intérêt faible, ainsi qu'un « Mode Difficile » dans lequel les colosses ont plus de points vitaux sur le corps. Vous découvrirez également que manger des fruits et acquérir des queues de lézards au cours de la partie peut augmenter la barre de vie et la sphère d'endurance. Là encore, l'intérêt paraît assez faible, sauf pour les fans absolus qui découvriront qu'avec une sphère d'endurance suffisamment améliorée, il est possible d'escalader la paroi du sanctuaire permettant d'accéder au jardin secret vu lors de la scène finale. Sympa, mais là encore, presque sadique de la part des développeurs, tant cette possibilité ne permet pas d'en savoir plus... Une dernière petite référence a également été insérée : si une sauvegarde d'ICO est détectée sur la Memory card, la tache blanche sur la tête d'Agro prend la forme d'un « I » calligraphié comme dans ICO.

Shadow of the colossus est donc réservé à un public de joueurs sensibles à son message, comme le fut ICO ou le très récent Journey. Mais les amateurs d'ICO ne pourront qu'être déçus par l'exploitation insuffisante de l'univers, et la séquence finale abrupte bien que magnifique.




Graphismes :
Si le game design est excellent pour produire des combats épiques contre les colosses, et que les décors sont absolument magnifiques, la Playstation 2 est cependant soumise à rude épreuve. Selon l'âge de sa console, le joueur était donc soumis à des soubresauts techniques, sans gravité sur l'expérience de jeu ou presque. Je ne fus pour ma part que très peu concerné par les ralentissements (voire pas du tout), mais fortement touché par les problèmes de luminosité lors du combat contre le colosse dans le désert. L'ambiance reste dantesque, la fluidité et l'animation des colosses impressionnante. Le personnage se fait balloter dans tous les sens : un vrai rodéo mythologique.

Maniabilité :
Même si les angles de caméra ne sont pas toujours idéaux, cela ne nuit guère à la progression, soyez-en certain. Au contraire, ils renforcent la fureur et le dynamisme des combats. Dans un autre genre, on est très très loin des angles de vue de Mario Sunshine sur GameCube, ratés à s'en arracher les cheveux. Notons que certaines séquences à dos de cheval pouvaient être un peu laborieuses (Agro s'arrêtant devant un mur invisible, ne contournant pas un obstacle à sa portée, difficile à manier sur les petits chemins), mais pas davantage que sur des jeux sortis sur la génération de consoles suivante (on pense aux phases à cheval dans Assassin's creed, même le III, pas franchement mieux calibrées !).

Durée de vie :
16 colosses pour moins de 12 heures de jeu en prenant le temps de contempler les décors et de se promener un peu. La rejouabilité est trop faible, la faute à une histoire trop peu généreuse.

Sons :
Chaque combat contre un colosse est accompagné d'un thème épique différent. Violons, timbales, cors : des instruments puissants pour des affrontements redoutables ! Parallèlement, hors bataille, le silence des environnements renforce l'impression de grandeur et de solitude. Un sans-faute absolu de ce côté-là.

Scénario :
Le vrai point faible du jeu, n'en déplaise à beaucoup. L'histoire est classique de prime abord (un guerrier passe un pacte avec une entité démoniaque pour sauver sa dulcinée), mais le studio nippon en a pourtant tiré une avalanche d'émotions, pour en faire l'une des plus belles du jeu vidéo. Pourtant, comment ne pas être déçu face à toutes les questions restant en suspens en fin de jeu ?! Espérons que « The Last Guardian », qui devrait sortir d'ici un ou deux ans (espérons-le), saura tisser les liens entre ICO et Shadow of the colossus, pour qu'enfin l'univers posé fasse pleinement sens.

En résumé :
Affronter des créatures géantes sur des terres hostiles s'étendant à perte de vue, accompagné d'un cheval, et simplement muni d'un arc et d'une épée, voilà un concept intéressant. Shadow of the colossus en a tiré la quintessence. Même si la fin ne répond pas à toutes les interrogations du joueur, et que l'univers n'est pas suffisamment exploité, vous savez ce qu'on dit : « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage ».

RogueAerith

Note de la rédaction
Note des lecteurs