Jeu Video - Actualité manga

Le test du jeu video:

Publié le Mercredi, 10 Octobre 2012

Sorti sur Playstation 2 au Japon à la fin de l'année 2001 et en mars 2002 en France, Ico a été plutôt discret à sa sortie, même si la presse spécialisée avait pressenti le choc salvateur qu'il représentait pour le média jeu vidéo, les louanges se succédant. La version originale, disponible dans une jaquette cartonnée, comprenait des cartes postales reprenant des illustrations du jeu. En 2006, lors de la sortie de Shadow of the colossus, second jeu de la Team ICO, Ico est réédité sur PS2. Fin 2011, dix ans après sa sortie initiale, Ico ressort dans une version HD sur Playstation 3, qui comprend également Shadow of the colossus. Le développement d'Ico s'est fait, à l'origine, sur Psone, mais la première console de Sony n'était pas assez puissante pour supporter la richesse du gameplay et des graphismes voulus par l'équipe qui réalisait le jeu. Il a donc été décidé de porter le projet sur Playstation 2.

Ico fait incontestablement partie des jeux vidéo cultes qui ont marqué le média. Et ce pour de multiples raisons. La première, c'est que lorsqu'on veut se hasarder à débattre du statut du jeu vidéo comme art à part entière, Ico s'impose comme un argument péremptoire : Ico est original, inspiré, onirique, poétique, tout en s'inscrivant dans une tradition vidéoludique (il mélange plateforme, énigmes, exploration, une pincée d'action...). Face à Ico, personne ne pourrait contester que le jeu vidéo ne mérite pas son étiquette de dixième art. Une autre raison, c'est qu'Ico, radicalement différent de la production de masse (jeux de guerre, de combat, de foot, de voitures...), s'est illustré comme jeu vidéo d'auteur. Soit le contraire du jeu vidéo commercial, selon la même distinction, qui ne plaît guère à certains, qu'au cinéma (cinéma commercial et cinéma d'auteur/indépendant). Ico est avant tout le jeu de son créateur japonais, Fumito Ueda, qui a une vision bien particulière du jeu vidéo : proposer des expériences envoûtantes. Troisième raison, Ico a été rendu célèbre en étant utilisé à des fins thérapeutiques dans des services psychiatriques, en France par exemple, son gameplay et sa symbolique étant parfaitement adaptés. Ico, en effet, est riche, dans son propos, dans ce qu'il veut montrer, dans ce qu'il veut faire ressentir. Et plus encore, Ico est beau, sensible, extrêmement poignant.

Vous contrôlez un jeune garçon enfermé dans une forteresse. La raison ? Il est doté de cornes, ce qui est inacceptable dans sa tribu. Une fois libéré de votre sarcophage, vous ferez rapidement la rencontre d'une jeune fille emprisonnée dans une cage, à l'apparence blanchâtre et éthérée : son nom est Yorda. Il vous faudra la délivrer. Et l'aventure pourra alors réellement commencer. Le but ? Vous échapper de ce château gigantesque, résoudre les énigmes et les mystères qui entourent le lieu, tout en prenant soin de votre protégée, qui sera attaquée de temps à autre par des ombres surgissant de nulle part.

La base du gameplay est fondée sur les destins liés des deux personnages. Le jeune garçon devra faire progresser Yorda, fragile, incapable, menacée, en résolvant des puzzles, en la protégeant contre les spectres, en l'aidant à franchir des obstacles et des précipices. La maniabilité est simple. Les touches directionnelles permettent de se déplacer, un bouton permet de se défendre face aux spectres grâce à un bâton (quelques objets spéciaux pourront être débloqués pour remplacer le bout de bois par la suite), un autre permet de sauter, le dernier enfin, permet de prendre Yorda par la main ou de l'appeler quand vous êtes séparés. C'est tout. Cette maniabilité minimaliste, procure, pourtant, un plaisir de jeu à nul autre pareil. L'intelligence artificielle de Yorda a fait l'objet du plus grand soin : jamais (et je me base sur la pratique, avec plus de cinq parties terminées) la jeune fille ne se bloque dans les décors, toujours elle obéit à votre voix. Cet aspect permet de donner au duo une sensation de vie magnifique. Chaque séparation de quelques mètres (parfois plus), obligatoire pour pouvoir avancer dans le jeu, est un crève-cœur. Tout cela fait que vous ne lâcherez probablement pas la manette avant de connaître la fin.

L'alternance du gameplay entre des phases de réflexion et des phases de combats pour défendre votre protégée est plus qu'agréable. Les premières proposent une palette de mouvements diversifiés, idéalement utilisée pour résoudre des puzzles différents : pousser des caisses, se suspendre aux pales des moulins, ramasser et déposer des objets, allumer des torches, nager, grimper à des chaînes, se balancer... Lors de celles-ci, vous ne serez jamais gênés par la caméra, souple et bien pensée. Tout juste pourra-t-on reprocher quelques collisions hasardeuses entre le jeune garçon et certains objets de puzzles, qui pourront vous conduire à recommencer l'énigme depuis le début. Les secondes sont volontairement minimalistes, puisque vous ne pourrez que porter des coups de bâtons à des spectres parfois retors selon une seule combinaison (un enchaînement de trois coups maximum).

Il faut enfin s'attarder ce qui constitue l'essentiel d'Ico : son ambiance. Et à ce titre, il faut mentionner les graphismes, excellents, et la bande-sonore, qui compte parmi les plus belles jamais conçues pour un jeu vidéo. Mais avant cela, comment ne pas parler de ces petits détails qui font la différence, et procure à Ico cette incroyable sensation de vie déjà visée précédemment. Les développeurs ont eu l'idée de glisser une multitude de petits mouvements rendant l'expérience toujours plus agréable. Des exemples ? Impossible de tomber d'une falaise sans y sauter délibérément, car une animation spécifique vous fait raccrocher au bord en cas de glissade. Lorsque Yorda vous voit frapper quelque chose, elle sursaute. Lorsqu'elle attend, elle a l'air perdue, cherche en l'air, ou piétine, ou s'assied. D'ailleurs, le système de sauvegarde à lui seul témoigne de la poésie du jeu : s'asseoir sur un banc magique (il faut être deux, car seule Yorda peut les activer) permet de sauvegarder la partie. Toujours plus loin, les développeurs ont créé des effets de maniabilité, soulignés par les animations, qui sont captivants. Yorda réticente lorsqu'on lui prend la main, le retour de poids de la jeune fille en cas de chute dans le vide si on la tient par le bras, l'aspiration dans le portail des ombres par les spectres : tout cela se ressent manette en main. W-A-O-U-W !

Au-delà de ces détails géniaux, les graphismes sont magnifiques (et ont très peu vieilli aujourd'hui), avec des décors très variés malgré l'unité spatiale imposée par votre séquestration dans la forteresse : jardins, cavernes, donjons, greniers, des multitudes de salles au game design toujours plus inspiré. La modélisation de l'eau, la gestion de la lumière, les animations dues au souffle du vent faisaient d'Ico un des plus beaux jeux de la Playstation 2, alors même qu'il était l'un des premiers. L'architecture de la forteresse est vertigineuse, et la profondeur de certains décors est saisissante (depuis certains points de vue du château, on peut apercevoir l'extérieur). Il n'est pas exagéré d'avoir parlé à l'époque pour une majorité de décors de véritables tableaux interactifs, où la nature et la pierre se côtoient.

La bande-son vient parachever l'ambiance, pour la rendre... parfaite. Ico ose le silence, les bruits sourds des caisses qui tombent, et les bruitages naturels : le souffle du vent, les cascades, les moulins et autres mécanismes qui grincent, l'écho dans les grandes salles lorsque le jeune garçon appelle Yorda (quel souci du détail, quel degré de finition exemplaire !). La musique quant à elle, est extrêmement discrète, n'intervenant que dans des moments clefs. A ce titre, notons que le thème principal chanté (« You Were There », soit « Tu étais là », délicieuse traduction correspondant parfaitement à la symbolique du jeu) était interprété par un jeune britannique issu d'une célèbre chorale. La fin d'Ico, accompagnée par cette musique, est l'une des plus belles vue dans un jeu vidéo, tout simplement.

Notons enfin que l'ambiance passe aussi à travers les émotions. Yorda et le jeune garçon ne peuvent pas se comprendre par le langage, la première parlant un dialecte incompréhensible, qui se traduit à l'écran par des sortes de hiéroglyphes lors de la première partie. Ainsi, comme le jeune garçon à cornes, vous devrez comprendre Yorda par les gestes et les regards : une idée fabuleuse. Pour comprendre ce que vous dit Yorda, il faudra recommencer une partie (les glyphes étant désormais traduits), comme dit dans les lignes qui suivent.

Le seul point faible du jeu est en fait une durée de vie un peu courte. Hormis des objets spéciaux que l'on peut acquérir en finissant l'aventure dans un temps limité, le seul à-côté digne d'intérêt est de pouvoir refaire l'aventure avec le langage de Yorda traduit. La plupart des joueurs se lanceront de nouveau dans l'aventure pour cela, mais aussi, et surtout, pour ressentir une nouvelle fois tout ce qui ressort de l'ambiance du jeu, de la relation entre les personnages, observer les fabuleux décors...

Graphismes :
Des environnements gigantesques et majestueux succèdent à d'autres plus restreints et sombres. Les tons monochromes de la pierre et de la végétation sont très travaillés, les effets de lumières et l'animation des éléments naturels magnifiques. Bref, tout est excellent, et a très peu vieilli.

Sons :
Là encore, le silence ne peut être brisé que par les bruits des éléments naturels. Les ingénieurs du son ont réalisé un travail formidable : jouer Ico au casque, c'est être pris dans la forteresse ! Et quel thème principal magnifique ! Quelle sensibilité, quel final grandiose !!!

Maniabilité :
Un plaisir de tous les instants. Simple mais conduisant à des situations variées, et à peine gâchée par quelques collisions avec des objets et des combats qui peuvent devenir redondants par leur minimalisme assumé.

Durée de vie :
6 heures en allant vite, 8 heures en prenant son temps (et il faut prendre son temps dans Ico pour profiter de l'ambiance), c'est peu, et c'est le seul vrai défaut. Mais l'expérience de jeu a un goût de reviens-y indéniable, en dépit de bonus insuffisants, sauf un (la traduction du langage de Yorda). A noter qu'une option, très anecdotique, vous permet de contrôler Yorda avec une seconde manette.

Scénario :
On en apprend davantage, tout au long du jeu, sur le destin funeste de Yorda. Mais le mystère reste entier à la fin du jeu. L'intérêt principal de l'aventure, c'est bien la relation instaurée entre les deux personnages.


En résumé :
Tout dans Ico, apparaît exceptionnel : décors, animation, bande-sonore, ambiance, gameplay simple et original. Tout dans Ico, ramène à l'art vidéoludique, trop peu reconnu : il n'y a qu'à voir la jaquette et le nom du jeu, référence avouée au peintre Giorgio De Chirico, apprécié du créateur du jeu, Fumito Ueda, qui a fait les Beaux-Arts. Non seulement Ico a des qualités intrinsèques incontestables, mais il a fait avancer le média jeu vidéo vers d'autres sphères. Il est l'un des jeux les plus marquants de la décennie 2000-2010.

Rogue Aerith

Note de la rédaction