Jeu Video - Actualité manga

Le test du jeu video:

Publié le Lundi, 15 Juillet 2013

Ah... le survival horror. Sous-genre du jeu d'action-aventure, il met en place des mécaniques de gameplay faisant en sorte que le joueur ne se sente pas aussi puissant que dans un jeu d'action traditionnel, via, le plus souvent, une limitation de la quantité de munitions ou de la barre de vie. Les sagas Alone in the dark, Resident Evil (jusqu'au quatrième épisode tout du moins) et Silent Hill sont considérés comme les ténors du genre. Mais à la fin des années 1990, l'éditeur Eidos décide de se lancer, ce genre pouvant s'avérer financièrement et artistiquement intéressant : Fear effect sort sur Psone en février 2000 en Europe, et constitue bien plus qu'un ersatz de Resident evil !

Nouvelle pépite exclusive à la Psone (qui n'en manque décidément pas), Fear effect a été extrêmement apprécié à sa sortie car il osait la nouveauté sur bon nombre de points, bien que certaines mécaniques de jeu restent classiques. En terme de technique tout d'abord, avec un procédé graphique inédit, et sur le terrain du gameplay ensuite, en introduisant un système de jeu original. Sur le plan narratif, le jeu s'avère extrêmement violent (l'un des jeux les plus gores de la Playstation), et son ambiance orientale a séduit les passionnés de culture asiatique. Intéressons-nous à tous ces éléments.




Sur le plan technique, Fear effect était une vraie bombe atomique pleine d'inventivité et un gros pari de la part d'Eidos : vous contrôlez votre personnage dans des décors précalculés constitués de cinématiques de quelques secondes se répétant, les caméras étant fixes, le tout dans un style graphique très proche d'un animé. Ce procédé, dit « FMV » (Full Motion Video), déjà aperçu à petites doses dans Final Fantasy VIII, puis plus tard sur Playstation 2 dans Onimusha 1 et 2, donne lieu à des décors extrêmement détaillés, riches et colorés, qui ont peu vieilli (13 ans après, le jeu charme encore), mais dont l'aspect parfois granuleux peut entraîner un léger manque de lisibilité. Ce procédé est gourmand et explique que le jeu s'étale sur 4 CD. De façon étonnante au regard du résultat vraiment impressionnant à l'époque, ce procédé a été très peu utilisé dans l'Histoire du jeu vidéo, les créateurs lui ayant préféré le cel-shading. Concrètement, cela donne quoi, le « FMV » ? Des décors très variés (un Hong Kong hyper-coloré, un village dont les habitants ont été transformés en monstres, une maison de passe...), des personnages au look manga (le chara-design rappelle les deux Ghost in the shell), une multitude de scènes cinématiques que l'on peine parfois à distinguer des décors, et des effets spéciaux faits de superbes animations tournant en boucle (lumières, vapeurs, éclaboussures, incendies) qui resteront inégalés sur la première console de Sony. Cependant, ce procédé comporte une conséquence dommageable : les animations des personnages restent beaucoup trop rigides et manquent de naturel, tant dans les cinématiques que lors des phases de gameplay, ce qui pose des problèmes en terme de maniabilité, mais on y reviendra.

Au niveau du gameplay, Fear effect introduit une autre nouveauté particulièrement appréciable dans le monde du survival horror : un gameplay basé... sur la peur, avec le « fear level » (d'où le titre du jeu, forcément...). Explications. Votre personnage n'a pas de barre de vie à l'écran, mais un électrocardiogramme apparaissant seulement lors des phases de combat et représentant le pouls du personnage : plus celui-ci est élevé (passant de vert à jaune, orange puis rouge), plus votre personnage risque de mourir (et hop, direction le dernier checkpoint, souvent assez éloigné). Mais alors comment stabiliser votre pouls à un niveau non létal ? Pas par un kit de soins, ceux-ci sont inexistants. Non, ici, il faut se calmer en évitant les balles des ennemis, en réussissant à tuer ces derniers, en résolvant des énigmes. Pour vous aider dans cette tâche, le jeu d'Eidos propose un inventaire facilement accessible ainsi qu'un système de visée automatique (parfois un peu lent ou défaillant, ce qui vous fera pester), sachant qu'il est possible de porter deux armes à la fois et viser simultanément deux adversaires, ainsi qu'un nombre important d'énigmes dont les solutions sont présentes... sur ou dans les décors mouvants ! Il vous faudra donc bien observer l'univers dans lequel vous évoluez. Notons que si la solution de certaines énigmes est vraiment jouissive, la plupart sont franchement redondantes et rébarbatives (on ressent ici la volonté de se calquer sur Resident evil... plutôt pour le pire en l'occurrence...).




Concernant le scénario, le pari est également assez osé. L'univers choisi est bien plus original que celui habituellement choisi pour des jeux d'action à tendance horrifique. Fear effect s'ancre dans le milieu de la mafia hongkongaise, entremêlé aux légendes asiatiques. L'ensemble, cohérent et travaillé, fait acquérir au jeu une véritable identité, mâtinée de série B, puisque l'objectif principal deviendra vite la lutte contre... le Roi des Enfers, décidé à imposer son joug dans notre monde ! Dit comme ça, ça fait plutôt série Z, mais une narration habile saura vous convaincre. Vous dirigez alternativement trois mercenaires, Hana, Glas et Deke, chargés par un riche homme d'affaires chinois de retrouver sa fille disparue dans la ville de Shan Xi, protectorat de la région de Hong Kong au sein duquel il se passe des choses pas très nettes... A partir de là, les choses s'enchaînent : vos héros seront maltraités (les scénaristes n'ont reculé devant rien, vous êtes prévenus), le jeu est d'une rare violence (le plus violent auquel il m'ait été donné de jouer sur Psone), et les thèmes sont matures (érotisme, prostitution, tortures, contamination, violence extrême). L'ambiance est au final absolument géniale, anxiogène et gore à souhait, contrastant avec l'austérité des premiers Resident Evil. L'ambiance ultraviolente est renforcée par des petites idées intelligentes, comme la présence de très nombreuses petites séquences cinématiques (plus d'une cinquantaine) propres à chacune des morts possibles dans le jeu (morts par balles, chutes, et on en passe des plus épouvantables) : en cela, cette générosité dépasse de loin l'uniformité de la saga de Capcom.

La bande-son, entre les bruitages (balles, explosions), les ennemis (râles, cris) et les musiques d'ambiance (qui semblent directement empruntées au répertoire des restos chinois) est de très grande classe. A noter que si les doublages sont en VF et très réussis, la synchronisation labiale n'est pas au point et fait perdre beaucoup de charme à l'ambiance.




Mais alors, Fear effect se rapproche-t-il vraiment du jeu parfait ?! Ah, si seulement cela avait été le cas... Pas mal d'imperfections ou de choix de gameplay empêchent en effet le jeu d'Eidos de convaincre totalement, au premier rang duquel une maniabilité franchement punitive. Il ne sera pas rare que, malgré maintes précautions, vous tombiez quand même dans les pièges, le plus souvent à cause d'un manque de lisibilité de la scène dû aux angles de caméra, ou, dans les autres cas, à cause de la démarche hyper-rigide des personnages. Il m'est très souvent arrivé de faire certaines séquences au moins 10 fois : comprendre le piège, le tester (4 morts en moyenne), faire attention... et mourir quand même à cause d'une exigence qui n'a pas lieu d'être ! Quand tout cela s'inscrit dans une logique de « death and retry », cela se justifie, mais cela n'est pas le cas ici. Outre cette maniabilité franchement préjudiciable au plaisir global, notons également que le jeu s'avère assez difficile, du fait du système de jeu (le « fear level » donc) assez sévère, le pouls augmentant très rapidement, mais aussi avec des énigmes parfois pas évidentes... Pourtant, en dépit de cette difficulté et de 4 CD, la durée de vie reste assez faible (mais l'expérience est intense). Il faut aussi relever un level-design relativement fermé, impliquant une grande linéarité et des allers-retours incessants un peu lourdingues. Enfin, les angles de caméras fixes, totalement cinématographiques (largement plus que dans un Resident evil) constituent à la fois une force et une faiblesse du jeu : ils sont franchement sympas quand tout se passe bien, mais ne le sont plus vraiment avec un pouls très élevé et une multitude d'ennemis sur les talons et des chargeurs qui se vident !




Graphismes :
Le procédé graphique utilisé, dit « FMV », est une vraie réussite tant en termes de performance (superbes effets spéciaux et décors) que d'ambiance générale. Le style « animé » qui ressort des décors et du chara-design est très longtemps resté inédit dans le monde du jeu vidéo.

Jouabilité :
Exploration, énigmes, action, boss... mais aussi munitions limitées et ennemis très belliqueux ! Du survival pur jus ! Le système de jeu, tout nouveau, est franchement intéressant à jouer, bien que parfois sévère. Le système de visée automatique n'est pas pleinement satisfaisant, tandis que l'inventaire libre permet d'éviter tout temps de chargement, point faible d'un Resident evil.

Bande-son :
Extra ! Les musiques collent parfaitement à l'ambiance asiatique, les bruitages sont bien anxiogènes et renforcent la violence du jeu, et les voix françaises sont vraiment bonnes !

Durée de vie :
Plutôt faible malgré la difficulté du jeu. Notez que plusieurs fins sont possibles, et la meilleure ne sera accessible que sous certaines conditions en jouant seulement en mode Difficile. Il aurait été agréable de pouvoir y avoir accès via un mode de jeu plus simple.

Scénario :
L'univers est soigné et tranche avec le reste de la production survival. Le mélange des genres (mafia hongkongaise, thriller, légendes chinoises) et l'extrême violence du jeu (massacres, sang, dialogues) sont vraiment étonnants. De même que les retournements de situation, les scénaristes ayant tout osé (attention aux surprises !).

En résumé :
Triple pari largement gagnant pour Eidos : un procédé graphique révolutionnaire, un gameplay original, une histoire et une ambiance extrêmement matures font de Fear effect un vrai bol de fraîcheur dans le survival horror. Cependant, les quelques mécaniques trop classiques (énigmes, linéarité) ou la maniabilité assez atroce gâchent l'expérience. Sans ça, Fear effect aurait côtoyé les sommets de l'excellence. Il se contente du très haut niveau et mérite que vous vous y intéressiez. Pour 6€99 sur le PSN, tentez l'expérience ! Un coup de coeur pour ma part, qui aurait vraiment pu être excellentissime sans ses quelques défauts.

Rogue Aerith

Note de la rédaction