Vous connaissez Frédéric Chopin ? Pour ma part, je répondrais bien oui, évidemment, mais si je veux être honnête, à part la Marche Funèbre, il ne m'évoque pas grand-chose. Quoi qu'il en soit, un jour, une équipe de développement japonaise a eu l'idée un peu farfelue de s'inspirer de sa vie et son œuvre pour en faire un RPG. Enfin, quand je dis s'inspirer, ce n'est pas à la façon d'un biopic, La vie de Chopin - le jeu vidéo. Non, c'est plutôt développer un univers fantaisiste qui correspondrait aux rêves du pianiste à l'approche de sa mort, et y développer une histoire dont les chapitres renvoient à certaines de ses compositions. Ce qui permet de développer un univers vidéoludique assez classique, dans les faits ; mais au fond, l'idée reste intrigante.
Polka est une jeune fille vivant avec sa mère dans le village fleuri de Tenuto. Elle est aussi capable d'utiliser la magie - ce qui dans ce monde, signifie qu'elle est atteinte d'une maladie incurable, et que les gens qui l'apprennent la fuient par crainte (infondée) de la contagion. Afin de ramener un peu d'argent au foyer, elle vend de la poudre florale, un remède traditionnel, dans la ville voisine. Mais depuis l'apparition sur le marché d'une mystérieuse poudre minérale, un prétendu remède miracle soutenu par le gouvernement et exonéré de taxes, les ventes se sont effondrées. Un jour, Polka rencontre Frédéric Chopin, qui déclare que ce monde et ses habitants ne sont rien d'autre que le fruit de ses rêves. En sa compagnie, elle décide de profiter du peu de temps qu'il lui reste à vivre pour parcourir le monde, à commencer par une petite visite au comte Valse, le seigneur de cette région, dans l'espoir qu'il rééquilibrera le marché plutôt que de laisser dépérir le commerce de poudre florale et le village qui la produit. Par ailleurs, Allegretto et Piccolo sont des enfants des rues, qui volent du pain pour nourrir les orphelins. Eux aussi comptent rendre visite au comte Valse afin d'améliorer la vie de leurs protégés. Sur la route, ils rencontreront Polka et Chopin, ainsi que d'autres personnages. Mais ce qu'ils ignorent tous, c'est que le comte Valse est un gamin capricieux et même franchement malfaisant, qu'étrangement personne dans son entourage n'a eu la bonne idée de tuer. Pour lui, le développement de la poudre minérale n'est qu'une étape ; son objectif est d'asseoir sa domination sur la contrée voisine puis, pourquoi pas, sur le monde entier...
...Mais au fait, à la base, il n'était pas question d'un certain compositeur d'origine polonaise ? Si l'histoire se déroule dans un monde de fantasy quelconque (enfin, il est très joli, mais c'est bien sa seule particularité), qu'à part Chopin tous les personnages sont fictifs, et qu'en plus l'intrigue ne tourne pas autour de la musique... au final, qu'est-ce que le pianiste vient faire là-dedans ? Eh bien pour commencer, on a tout de même droit à quelques cinématiques se déroulant dans une chambre à Paris en 1849, où Chopin est alité, terrassé par la maladie, proche de la mort. C'est là qu'il fait ces rêves d'un autre monde. Mais surtout, chaque chapitre du jeu est en lien avec une de ses compositions et comporte une séquence où, en plus de l'écouter (et éventuellement réaliser qu'on connaissait la musique sans savoir qu'il s'agissait de Chopin), on nous expose son contexte, la situation du pianiste au moment où il l'a écrite. Alors ça donne un peu l'impression d'avoir pioché des extraits de sa biographie au hasard, et même pas dans l'ordre, donc si on ne connait rien à sa vie on ne s'y retrouve qu'à moitié, mais quand on considère le jeu Eternal Sonata, c'est surtout l'occasion de voir que certains éléments du scénario ont été inspirés de faits réels, de même pour certains personnages (essentiellement Polka, qui correspond à sa sœur Emilia, décédée à l'âge de 14 ans). On pourrait aussi noter que les noms des lieux comme des personnages proviennent tous du domaine musical, si ce n'est qu'ils n'ont pas forcément de rapport avec le musicien qui nous intéresse : Jazz ? Rock ? Chopin aurait anticipé ces courants musicaux sur son lit de mort ?
Enfin, on ne va pas pinailler sur les noms, mais même alors, ces quelques éléments ne suffisent pas à donner de la consistance au propos. Chopin apparaît surtout comme un personnage secondaire dans une histoire qui tourne davantage autour de Polka, l'héroïne au destin tragique, et Allegretto, le voleur au grand cœur qui va évidemment en tomber amoureux. Et c'est un peu dommage, parce que tous ces personnages (douze jouables au total)... eh bien ils sont bien gentils, mais ils paraissent un peu fades. Leurs personnalités sont LOIN d'être suffisamment creusées pour les rendre vraiment attachants ou mémorables, et on ne peut pas compter sur les dialogues, bateau et souvent longuets, pour relever le niveau. On pourrait noter un chouïa plus d'application dans le chara-design, malheureusement les proportions sont trop déformées pour paraître harmonieuses (certains ont tellement une grosse tête ronde sur un cou tout fin qu'on croirait voir un bilboquet), et pas suffisamment pour donner carrément dans le chibi SD. Et du côté de l'histoire, ça passe mais ça ne casse pas non plus trois pattes à un canard. En plus d'avoir un fond ultra classique (le méchant seigneur fait souffrir son peuple et ambitionne d'asservir son voisin, bouh le vilain !), c'est très gentillet, c'est très linéaire, et surtout c'est maigre, très maigre (et apparemment la version PS3 est plus complète que celle sur 360 !). Même moi qui ai l'habitude de prendre toooouuuut mon temps pour finir les RPG, j'ai à peine atteint les 40h de jeu, dont plus de la moitié m'a donné l'impression de rallonger la sauce pour atteindre une durée de vie correcte : les déjà mentionnés dialogues longuets, mais surtout des donjons truffés de monstres, inutilement longs et/ou alambiqués, qui s'enchaînent sans grand-chose pour rompre la monotonie, et n'oublions pas non plus des éléments de quête imposés alors qu'ils n'auraient pas dû dépasser le stade de la quête annexe.
Pour donner un exemple parmi d'autres de détour superflu : Afin de rendre visite au comte Valse, on voyage jusqu'à sa ville. Quand on arrive après une longue route, il est déjà tard. Ne pouvant pas décemment se rendre au château à cette heure, on va plutôt passer la nuit à l'auberge. Mais les aubergistes ne sont pas là : en dignes adultes responsables, ils ont laissé l'établissement entre les mains de leurs enfants, la fille au ménage et le garçon à la réception. Manque de bol, le garçon n'est pas à son poste, et avant de nous laisser prendre une chambre, la fille nous impose d'aller le chercher, parce que sinon Maman va être furax (et puis de parfaits étrangers sont les plus qualifiés pour ça). Ce n'est donc même pas « Il a disparu, aidez-moi ! », mais « Il est sorti s'amuser au lieu de travailler, allez le chercher » : dans ces conditions, ça donne surtout envie de l'envoyer paître. Mais puisqu'on n'a pas le choix, on sort mener l'enquête. On interroge les gens, une étape laborieuse qui nous apprend que le gamin est parti vers la falaise, et puisqu'on ne l'y voit pas, c'est sûrement qu'il en est tombé, bon débarras, on va pouvoir aller dormir. Je plaisante, évidemment : il faut d'abord aller vérifier qu'il s'est bien écrasé en bas. C'est donc parti pour la descente par un chemin infesté de monstres (je suppose que c'est toujours mieux que de sauter), et une fois arrivé au pied de la falaise, on découvre avec déception que le gamin est encore en vie et en parfaite santé, il a été rattrapé par une branche à deux mètres du sol. Et puis voilà, on nous offre la nuit à l'auberge pour récompenser nos efforts, et on passe à la suite sans plus s'attarder parce que tout cet épisode n'a servi à RIEN. Et ce ne n'est pas le seul cas de ce genre, loin de là : traverser un cimetière hanté juste pour aller chercher de l'eau pour les plantes, aller explorer la tour au milieu de la forêt pour passer le temps en attendant qu'une décision soit prise... Alors oui, ça entraîne nos personnages et ça fait récolter des objets. N'empêche, c'est de la pure quête annexe, ça n'a rien à faire dans le scénario principal !
Entre ce genre de péripéties et le level-design conçu pour nous retenir le plus longtemps possible (mention spéciale au bateau pirate et son agencement débile), les parties deviennent très vite lassantes, et à force d'écourter mes sessions de jeu, j'ai mis un mois et demi à le finir alors qu'en temps normal, quand je suis happé par un JRPG, il m'arrive de jouer plus que ça dans une seule semaine. Sur tout le jeu, je ne crois pas avoir réussi à terminer plus d'un donjon d'une seule traite (et encore, parce que j'approchais de la fin et que j'étais pressé d'en finir pour passer à autre chose), et s'il y avait eu des quêtes annexes, je n'aurais probablement pas eu le courage de les faire. Mais bon, vu que tout ce qui aurait pu/dû faire office de quêtes annexes s'est retrouvé intégré à l'aventure principale, la question ne s'est pas posée. En guise d'activité annexe, on peut toutefois noter des partitions à dénicher et collectionner ; on croisera divers mélomanes à travers le monde, et choisir la bonne partition pour être en harmonie avec la leur permettra de gagner divers objets parfois utiles. Au début, c'est amusant, mais vu qu'il n'y a pas moyen de savoir laquelle est la bonne sans les essayer une par une (et encore, sous réserve qu'on l'ait trouvée !), avec les trois boîtes de dialogue et les quelques secondes de chargement de la liste avant chaque essai, quand on en a accumulé dix, puis quinze, puis vingt, ça devient franchement rébarbatif.
Après, si on veut prolonger l'expérience (merci mais non merci), il existe un mode Encore (autrement dit new game +), la boîte du jeu nous propose d'ailleurs de « jouer encore et encore pour voir les fins aussi somptueuses que multiples ». Alors multiples, je ne sais pas (je n'ai même aucune idée de ce qui pourrait influer sur la fin !), mais somptueuses, j'ai quelques doutes. Pour ma part, j'ai commencé par une mauvaise fin, et j'ai cru que c'était terminé, mais après un faux départ de générique, surprise ! On nous rajoute des scènes. Et encore. Et encore, tellement que ça en devient long et ennuyeux. Et finalement la mauvaise fin était une feinte, parce que j'ai eu droit à une bonne fin (qu'absolument rien ne justifiait... mais bon, à la base rien non plus ne justifiait la mauvaise fin). Enfin, je parle de bonne fin, mais pas pour Chopin dans son appartement parisien, on se rappelle tout de même qu'il était sur son lit de mort, le jeu ne va pas jusqu'à revisiter ça !
*
Maintenant que j'ai bien râlé, on pourrait peut-être se pencher un peu sur les aspects positifs, parce qu'il y en a aussi.
Plus tôt, j'ai parlé du monde qui était très joli (à défaut d'autres caractéristiques remarquables), et c'est vrai que s'y promener a un certain charme. En contraste total avec les dernières heures de Chopin à Paris, on joue dans un univers coloré et mignon, qui pour le coup colle mieux avec le traitement léger de l'histoire qu'avec les thèmes plus sombres qui auraient pu être approfondis. En fait, plus que sur son déroulement, le jeu mise avant tout sur ses ambiances, tant visuelles que sonores ; de ce point de vue, c'est une réussite, et c'est très certainement ça qui lui a permis de conquérir une partie du public.
Le système de combat fonctionne plutôt bien aussi, mêlant action et tour par tour. Alors dit comme ça, ça paraît probablement étrange, mais en fait c'est plutôt simple : chacun à son tour, les combattants disposent d'un temps limité (d'abord 5 secondes, pour passer ensuite à 4) pour se déplacer et agir librement, enchaîner des attaques simples et faire monter la jauge de combo ou déclencher des actions spéciales qui n'utilisent pas de MP mais simplement du temps (par exemple, une magie de guérison nécessitera un peu plus de deux secondes) ; par chance, on peut les lancer à la fin du temps imparti et donc déborder un peu sur les courtes secondes qui nous sont octroyées. À ce titre, en plus des niveaux individuels des personnages, on dispose d'un niveau de groupe, qui augmente à certains moments de l'histoire en nous laissant moins de temps mais en compensant par certains avantages, comme la « chaîne d'harmonie », un moyen d'enchaîner des attaques spéciales quand la jauge de combo est suffisamment élevée. En plus de tout ça, les arènes de combat disposent de zones d'ombre et de lumière, tantôt fixes tantôt mouvantes, où les personnages ne pourront pas utiliser les mêmes compétences (par exemple, Polka ne peut utiliser les soins que dans la lumière ; dans l'ombre, elle n'a que des compétences d'attaque). De même, certains monstres changeront de forme selon les zones, changeant alors radicalement de caractéristiques (force, résistance, rapidité...). Par ailleurs, certains objets, accessoires ou ennemis ont la particularité d'influer sur la lumière. Bref, sans être hyper techniques, les affrontements s'enrichissent au fur et à mesure, et avec les douze personnages jouables (selon disponibilités), on a de quoi éviter une trop grande répétitivité malgré des donjons généralement trop chargés en monstres. Quelques points de détails pourront toutefois faire tiquer : une caméra parfois mal placée ; des monstres positionnés à l'autre bout de l'arène quand on les attaque de dos (nous faisant perdre tout notre temps quand on aurait dû avoir l'avantage) mais qui sont collés à nous si on a le malheur de les laisser nous surprendre de dos ; certains combats de boss qui imposent sans prévenir un personnage dans l'équipe alors qu'il était dans la réserve, et donc pas équipé en conséquence (avec un peu de malchance, il remplace le soigneur du groupe) ; un système de contre-attaque quasi-inutilisable (déjà pour les parades il faut parfois des réflexes de ninja, alors si en plus il faut ajouter le temps de réaction à l'icône pour savoir sur quelle touche appuyer...) ; une difficulté en dents de scie, côté boss notamment (d'une manière générale, les gros monstres sont beaucoup plus faciles à battre que les humains) ; un déséquilibre entre les performances des différents personnages (une fois qu'on a compris comment s'en servir, Harpe, l'archère, est de très loin la plus puissante ; avec en prime des compétences de soin, on a tendance à la mettre dans l'équipe active dès que possible). Mais dans l'ensemble, rien de trop méchant ; ce système de combat plutôt original reste un atout pour le jeu.
Au final, Eternal Sonata n'est pas un mauvais jeu. Avec son point de départ intrigant, son ambiance et son gameplay, il partait même sur de bonnes bases. C'est juste dommage qu'il traîne en longueur pour cacher sa pauvreté, alors qu'il aurait fallu approfondir son intrigue et ses personnages... ainsi que son rapport à Chopin, parce que dans les faits, on pourrait retirer le pianiste de l'équation sans que ça fasse une grande différence. D'un autre côté, je dois aussi remettre ma partie dans son contexte. Si je ne lui tiens pas rigueur du coup de vieux qu'il a pu prendre, pour ma part, cela fait quelques années que j'enchaîne les JRPG, avec dans le lot d'énormes coups de cœur, et fatalement, il souffre de la comparaison. J'ai choisi d'y jouer parce que je m'attendais à une proposition originale, alors découvrir une histoire qui se limite pour l'essentiel aux clichés du genre, c'est une grosse déception. J'aurais probablement été bien plus indulgent si je l'avais découvert il y a dix ans, à l'époque où je me lançais tout juste dans les Tales Of et où je ne connaissais pas grand-chose au genre en dehors des Final Fantasy.
De Voq [735 Pts], le 07 Juin 2022 à 12h30
Vous connaissez Frédéric Chopin ? Pour ma part, je répondrais bien oui, évidemment, mais si je veux être honnête, à part la Marche Funèbre, il ne m'évoque pas grand-chose.
Quoi qu'il en soit, un jour, une équipe de développement japonaise a eu l'idée un peu farfelue de s'inspirer de sa vie et son œuvre pour en faire un RPG. Enfin, quand je dis s'inspirer, ce n'est pas à la façon d'un biopic, La vie de Chopin - le jeu vidéo. Non, c'est plutôt développer un univers fantaisiste qui correspondrait aux rêves du pianiste à l'approche de sa mort, et y développer une histoire dont les chapitres renvoient à certaines de ses compositions.
Ce qui permet de développer un univers vidéoludique assez classique, dans les faits ; mais au fond, l'idée reste intrigante.
Polka est une jeune fille vivant avec sa mère dans le village fleuri de Tenuto. Elle est aussi capable d'utiliser la magie - ce qui dans ce monde, signifie qu'elle est atteinte d'une maladie incurable, et que les gens qui l'apprennent la fuient par crainte (infondée) de la contagion. Afin de ramener un peu d'argent au foyer, elle vend de la poudre florale, un remède traditionnel, dans la ville voisine. Mais depuis l'apparition sur le marché d'une mystérieuse poudre minérale, un prétendu remède miracle soutenu par le gouvernement et exonéré de taxes, les ventes se sont effondrées.
Un jour, Polka rencontre Frédéric Chopin, qui déclare que ce monde et ses habitants ne sont rien d'autre que le fruit de ses rêves. En sa compagnie, elle décide de profiter du peu de temps qu'il lui reste à vivre pour parcourir le monde, à commencer par une petite visite au comte Valse, le seigneur de cette région, dans l'espoir qu'il rééquilibrera le marché plutôt que de laisser dépérir le commerce de poudre florale et le village qui la produit.
Par ailleurs, Allegretto et Piccolo sont des enfants des rues, qui volent du pain pour nourrir les orphelins. Eux aussi comptent rendre visite au comte Valse afin d'améliorer la vie de leurs protégés. Sur la route, ils rencontreront Polka et Chopin, ainsi que d'autres personnages.
Mais ce qu'ils ignorent tous, c'est que le comte Valse est un gamin capricieux et même franchement malfaisant, qu'étrangement personne dans son entourage n'a eu la bonne idée de tuer. Pour lui, le développement de la poudre minérale n'est qu'une étape ; son objectif est d'asseoir sa domination sur la contrée voisine puis, pourquoi pas, sur le monde entier...
...Mais au fait, à la base, il n'était pas question d'un certain compositeur d'origine polonaise ? Si l'histoire se déroule dans un monde de fantasy quelconque (enfin, il est très joli, mais c'est bien sa seule particularité), qu'à part Chopin tous les personnages sont fictifs, et qu'en plus l'intrigue ne tourne pas autour de la musique... au final, qu'est-ce que le pianiste vient faire là-dedans ?
Eh bien pour commencer, on a tout de même droit à quelques cinématiques se déroulant dans une chambre à Paris en 1849, où Chopin est alité, terrassé par la maladie, proche de la mort. C'est là qu'il fait ces rêves d'un autre monde.
Mais surtout, chaque chapitre du jeu est en lien avec une de ses compositions et comporte une séquence où, en plus de l'écouter (et éventuellement réaliser qu'on connaissait la musique sans savoir qu'il s'agissait de Chopin), on nous expose son contexte, la situation du pianiste au moment où il l'a écrite. Alors ça donne un peu l'impression d'avoir pioché des extraits de sa biographie au hasard, et même pas dans l'ordre, donc si on ne connait rien à sa vie on ne s'y retrouve qu'à moitié, mais quand on considère le jeu Eternal Sonata, c'est surtout l'occasion de voir que certains éléments du scénario ont été inspirés de faits réels, de même pour certains personnages (essentiellement Polka, qui correspond à sa sœur Emilia, décédée à l'âge de 14 ans).
On pourrait aussi noter que les noms des lieux comme des personnages proviennent tous du domaine musical, si ce n'est qu'ils n'ont pas forcément de rapport avec le musicien qui nous intéresse : Jazz ? Rock ? Chopin aurait anticipé ces courants musicaux sur son lit de mort ?
Enfin, on ne va pas pinailler sur les noms, mais même alors, ces quelques éléments ne suffisent pas à donner de la consistance au propos.
Chopin apparaît surtout comme un personnage secondaire dans une histoire qui tourne davantage autour de Polka, l'héroïne au destin tragique, et Allegretto, le voleur au grand cœur qui va évidemment en tomber amoureux. Et c'est un peu dommage, parce que tous ces personnages (douze jouables au total)... eh bien ils sont bien gentils, mais ils paraissent un peu fades. Leurs personnalités sont LOIN d'être suffisamment creusées pour les rendre vraiment attachants ou mémorables, et on ne peut pas compter sur les dialogues, bateau et souvent longuets, pour relever le niveau. On pourrait noter un chouïa plus d'application dans le chara-design, malheureusement les proportions sont trop déformées pour paraître harmonieuses (certains ont tellement une grosse tête ronde sur un cou tout fin qu'on croirait voir un bilboquet), et pas suffisamment pour donner carrément dans le chibi SD.
Et du côté de l'histoire, ça passe mais ça ne casse pas non plus trois pattes à un canard. En plus d'avoir un fond ultra classique (le méchant seigneur fait souffrir son peuple et ambitionne d'asservir son voisin, bouh le vilain !), c'est très gentillet, c'est très linéaire, et surtout c'est maigre, très maigre (et apparemment la version PS3 est plus complète que celle sur 360 !). Même moi qui ai l'habitude de prendre toooouuuut mon temps pour finir les RPG, j'ai à peine atteint les 40h de jeu, dont plus de la moitié m'a donné l'impression de rallonger la sauce pour atteindre une durée de vie correcte : les déjà mentionnés dialogues longuets, mais surtout des donjons truffés de monstres, inutilement longs et/ou alambiqués, qui s'enchaînent sans grand-chose pour rompre la monotonie, et n'oublions pas non plus des éléments de quête imposés alors qu'ils n'auraient pas dû dépasser le stade de la quête annexe.
Pour donner un exemple parmi d'autres de détour superflu :
Afin de rendre visite au comte Valse, on voyage jusqu'à sa ville. Quand on arrive après une longue route, il est déjà tard. Ne pouvant pas décemment se rendre au château à cette heure, on va plutôt passer la nuit à l'auberge. Mais les aubergistes ne sont pas là : en dignes adultes responsables, ils ont laissé l'établissement entre les mains de leurs enfants, la fille au ménage et le garçon à la réception. Manque de bol, le garçon n'est pas à son poste, et avant de nous laisser prendre une chambre, la fille nous impose d'aller le chercher, parce que sinon Maman va être furax (et puis de parfaits étrangers sont les plus qualifiés pour ça).
Ce n'est donc même pas « Il a disparu, aidez-moi ! », mais « Il est sorti s'amuser au lieu de travailler, allez le chercher » : dans ces conditions, ça donne surtout envie de l'envoyer paître. Mais puisqu'on n'a pas le choix, on sort mener l'enquête. On interroge les gens, une étape laborieuse qui nous apprend que le gamin est parti vers la falaise, et puisqu'on ne l'y voit pas, c'est sûrement qu'il en est tombé, bon débarras, on va pouvoir aller dormir. Je plaisante, évidemment : il faut d'abord aller vérifier qu'il s'est bien écrasé en bas. C'est donc parti pour la descente par un chemin infesté de monstres (je suppose que c'est toujours mieux que de sauter), et une fois arrivé au pied de la falaise, on découvre avec déception que le gamin est encore en vie et en parfaite santé, il a été rattrapé par une branche à deux mètres du sol.
Et puis voilà, on nous offre la nuit à l'auberge pour récompenser nos efforts, et on passe à la suite sans plus s'attarder parce que tout cet épisode n'a servi à RIEN.
Et ce ne n'est pas le seul cas de ce genre, loin de là : traverser un cimetière hanté juste pour aller chercher de l'eau pour les plantes, aller explorer la tour au milieu de la forêt pour passer le temps en attendant qu'une décision soit prise... Alors oui, ça entraîne nos personnages et ça fait récolter des objets. N'empêche, c'est de la pure quête annexe, ça n'a rien à faire dans le scénario principal !
Entre ce genre de péripéties et le level-design conçu pour nous retenir le plus longtemps possible (mention spéciale au bateau pirate et son agencement débile), les parties deviennent très vite lassantes, et à force d'écourter mes sessions de jeu, j'ai mis un mois et demi à le finir alors qu'en temps normal, quand je suis happé par un JRPG, il m'arrive de jouer plus que ça dans une seule semaine.
Sur tout le jeu, je ne crois pas avoir réussi à terminer plus d'un donjon d'une seule traite (et encore, parce que j'approchais de la fin et que j'étais pressé d'en finir pour passer à autre chose), et s'il y avait eu des quêtes annexes, je n'aurais probablement pas eu le courage de les faire. Mais bon, vu que tout ce qui aurait pu/dû faire office de quêtes annexes s'est retrouvé intégré à l'aventure principale, la question ne s'est pas posée.
En guise d'activité annexe, on peut toutefois noter des partitions à dénicher et collectionner ; on croisera divers mélomanes à travers le monde, et choisir la bonne partition pour être en harmonie avec la leur permettra de gagner divers objets parfois utiles. Au début, c'est amusant, mais vu qu'il n'y a pas moyen de savoir laquelle est la bonne sans les essayer une par une (et encore, sous réserve qu'on l'ait trouvée !), avec les trois boîtes de dialogue et les quelques secondes de chargement de la liste avant chaque essai, quand on en a accumulé dix, puis quinze, puis vingt, ça devient franchement rébarbatif.
Après, si on veut prolonger l'expérience (merci mais non merci), il existe un mode Encore (autrement dit new game +), la boîte du jeu nous propose d'ailleurs de « jouer encore et encore pour voir les fins aussi somptueuses que multiples ». Alors multiples, je ne sais pas (je n'ai même aucune idée de ce qui pourrait influer sur la fin !), mais somptueuses, j'ai quelques doutes.
Pour ma part, j'ai commencé par une mauvaise fin, et j'ai cru que c'était terminé, mais après un faux départ de générique, surprise ! On nous rajoute des scènes. Et encore. Et encore, tellement que ça en devient long et ennuyeux. Et finalement la mauvaise fin était une feinte, parce que j'ai eu droit à une bonne fin (qu'absolument rien ne justifiait... mais bon, à la base rien non plus ne justifiait la mauvaise fin).
Enfin, je parle de bonne fin, mais pas pour Chopin dans son appartement parisien, on se rappelle tout de même qu'il était sur son lit de mort, le jeu ne va pas jusqu'à revisiter ça !
*
Maintenant que j'ai bien râlé, on pourrait peut-être se pencher un peu sur les aspects positifs, parce qu'il y en a aussi.
Plus tôt, j'ai parlé du monde qui était très joli (à défaut d'autres caractéristiques remarquables), et c'est vrai que s'y promener a un certain charme. En contraste total avec les dernières heures de Chopin à Paris, on joue dans un univers coloré et mignon, qui pour le coup colle mieux avec le traitement léger de l'histoire qu'avec les thèmes plus sombres qui auraient pu être approfondis.
En fait, plus que sur son déroulement, le jeu mise avant tout sur ses ambiances, tant visuelles que sonores ; de ce point de vue, c'est une réussite, et c'est très certainement ça qui lui a permis de conquérir une partie du public.
Le système de combat fonctionne plutôt bien aussi, mêlant action et tour par tour. Alors dit comme ça, ça paraît probablement étrange, mais en fait c'est plutôt simple : chacun à son tour, les combattants disposent d'un temps limité (d'abord 5 secondes, pour passer ensuite à 4) pour se déplacer et agir librement, enchaîner des attaques simples et faire monter la jauge de combo ou déclencher des actions spéciales qui n'utilisent pas de MP mais simplement du temps (par exemple, une magie de guérison nécessitera un peu plus de deux secondes) ; par chance, on peut les lancer à la fin du temps imparti et donc déborder un peu sur les courtes secondes qui nous sont octroyées.
À ce titre, en plus des niveaux individuels des personnages, on dispose d'un niveau de groupe, qui augmente à certains moments de l'histoire en nous laissant moins de temps mais en compensant par certains avantages, comme la « chaîne d'harmonie », un moyen d'enchaîner des attaques spéciales quand la jauge de combo est suffisamment élevée.
En plus de tout ça, les arènes de combat disposent de zones d'ombre et de lumière, tantôt fixes tantôt mouvantes, où les personnages ne pourront pas utiliser les mêmes compétences (par exemple, Polka ne peut utiliser les soins que dans la lumière ; dans l'ombre, elle n'a que des compétences d'attaque). De même, certains monstres changeront de forme selon les zones, changeant alors radicalement de caractéristiques (force, résistance, rapidité...). Par ailleurs, certains objets, accessoires ou ennemis ont la particularité d'influer sur la lumière.
Bref, sans être hyper techniques, les affrontements s'enrichissent au fur et à mesure, et avec les douze personnages jouables (selon disponibilités), on a de quoi éviter une trop grande répétitivité malgré des donjons généralement trop chargés en monstres.
Quelques points de détails pourront toutefois faire tiquer : une caméra parfois mal placée ; des monstres positionnés à l'autre bout de l'arène quand on les attaque de dos (nous faisant perdre tout notre temps quand on aurait dû avoir l'avantage) mais qui sont collés à nous si on a le malheur de les laisser nous surprendre de dos ; certains combats de boss qui imposent sans prévenir un personnage dans l'équipe alors qu'il était dans la réserve, et donc pas équipé en conséquence (avec un peu de malchance, il remplace le soigneur du groupe) ; un système de contre-attaque quasi-inutilisable (déjà pour les parades il faut parfois des réflexes de ninja, alors si en plus il faut ajouter le temps de réaction à l'icône pour savoir sur quelle touche appuyer...) ; une difficulté en dents de scie, côté boss notamment (d'une manière générale, les gros monstres sont beaucoup plus faciles à battre que les humains) ; un déséquilibre entre les performances des différents personnages (une fois qu'on a compris comment s'en servir, Harpe, l'archère, est de très loin la plus puissante ; avec en prime des compétences de soin, on a tendance à la mettre dans l'équipe active dès que possible).
Mais dans l'ensemble, rien de trop méchant ; ce système de combat plutôt original reste un atout pour le jeu.
Au final, Eternal Sonata n'est pas un mauvais jeu. Avec son point de départ intrigant, son ambiance et son gameplay, il partait même sur de bonnes bases. C'est juste dommage qu'il traîne en longueur pour cacher sa pauvreté, alors qu'il aurait fallu approfondir son intrigue et ses personnages... ainsi que son rapport à Chopin, parce que dans les faits, on pourrait retirer le pianiste de l'équation sans que ça fasse une grande différence.
D'un autre côté, je dois aussi remettre ma partie dans son contexte. Si je ne lui tiens pas rigueur du coup de vieux qu'il a pu prendre, pour ma part, cela fait quelques années que j'enchaîne les JRPG, avec dans le lot d'énormes coups de cœur, et fatalement, il souffre de la comparaison. J'ai choisi d'y jouer parce que je m'attendais à une proposition originale, alors découvrir une histoire qui se limite pour l'essentiel aux clichés du genre, c'est une grosse déception. J'aurais probablement été bien plus indulgent si je l'avais découvert il y a dix ans, à l'époque où je me lançais tout juste dans les Tales Of et où je ne connaissais pas grand-chose au genre en dehors des Final Fantasy.
De erotaku, le 26 Juillet 2013 à 08h24
que dire magnifiquement coloré
De Mimoza [2012 Pts], le 11 Juin 2012 à 07h54
Jeu trés beau et trés beau et trés poétique !
Les personnages sont mignons et trés attachants, les graphismes sont magnifiques dans un décor magique...