Lupin III - The First - Actualité anime

Critique de l'anime : Lupin III - The First

Publiée le Dimanche, 04 Octobre 2020

Lupin III est une institution au Japon. Imaginées à partir de 1967 par le regretté mangaka Monkey Punch qui nous a quittés l'année dernière, les aventures de ce cambrioleur de génie, petit-fils d'Arsène Lupin, n'ont eu de cesse, depuis plus d'un demi-siècle, de séduire le public japonais et international (l'oeuvre est notamment très aimée en Italie), que ce soit au gré de son manga et de ses très nombreux dérivés papier, ou via ses adaptations animées passées par 6 séries (en comptant le spin-off Une femme nommée Fujiko Mine) et un florilège de films (dont le plus connu est Le Château de Cagliostro de Hayao Miyazaki), de téléfilms (il y en avait même un par an non-stop de 1989 à 2013) ou autres spéciaux/OAV.

Surtout connue chez nous à partir des années 1980 avec la diffusion télévisée d'une partie de la saison 2 (oui oui, la 2, pas la 1) sous le titre Edgar de la cambriole/Edgar détective cambrioleur (du fait des droits d'auteur par rapport aux romans Arsène Lupin de Maurice Leblanc, Lupin III fut jusqu'à très récemment renommé Edgar dans notre langue), la saga a, depuis, retrouvé une certaine notoriété chez nous. Dans les années 2000, certains éditeurs (surtout IDP et Dybex) ont pris le pari de sortir en DVD une bonne partie des films/téléfilms de la licence ainsi que les saisons 1 et 2 de la série (mais uniquement les 52 premiers épisodes pour la saison 2, à savoir ceux qui furent diffusés en France dans les années 80).

Mais c'est surtout depuis quelques années que le retour en force de Lupin III en France a été entamé. La licence a connu dans les années 2010 trois nouvelles séries: le spin-off Une femme nommée Fujiko Mine (sorti en France en DVD/Blu-ray chez Black Box), la saison 4 L'aventure italienne (diffusée en simulcast sur Wakanim, puis arrivé plus tard sur Netflix et sortie en DVD/Blu-ray chez @Anime), et une saison 5 étonnamment toujours inédite chez nous alors qu'elle se passe justement en France. En plus du spin-off dédié à Fujiko, Black Box a également continué de réhabiliter Lupin III en France en sortant sur support physique les deux premiers volets de la récente trilogie de films de Takeshi Koike (on attend toujours le 3e, Le Mensonge de Fujiko Mine, sorti au Japon en 2019), mais aussi en proposant pour la première fois en Blu-ray la saison 1 via un superbe coffret collector sorti l'année dernière. En décembre 2019, le distributeur Splendor Films a aussi mis son grain de sel en ayant l'excellente idée de ressortir Le Secret de Mamo, le tout premier film de la licence, en version remastérisée dans certaines salles de cinéma. Et à présent, c'est au tour du distributeur Eurozoom d'apporter sa pierre à l'édifice en proposant dans nos salles de cinéma, à partir du 7 octobre, le dernier film en date de la saga !



Sorti dans les salles de cinéma japonaises le 6 décembre 2019, Lupin III The First a pour particularité d'être le tout premier anime de la saga à être conçu en 3DCG. Toujours produit par TMS Entertainment, le studio historique à l'origine de tous les animes de Lupin III, ce long-métrage a été réalisé par Takashi Yamazaki, un nom qui est loin d'être inconnu dans le milieu du cinéma. Aujourd'hui âgé de 56 ans, l'homme a débuté sa carrière dès le milieu des années 1980 en se spécialisant d'abord dans les effets spéciaux, un domaine où il s'est peaufiné au point de devenir l'un des grands noms japonais des effets spéciaux numériques. Côté réalisation, il a débuté en 2000 avec un film nommé Juvenile, et sa carrière de réalisateur passe autant par les films live que par les dessins animés et autres travaux en images de synthèse.

Côté films live, on peut notamment retenir l'un de ses premiers films Returner (avec Takeshi Kaneshiro), Space Battleship (s'inspirant de l'oeuvre culte Space Battleship Yamato) ou encore Kamikaze - Le dernier assaut, des métrages parfois maladroits et qui valaient surtout le coup pour les effets spéciaux où le cinéaste a toujours voulu se perfectionner. Mais sa plus grande réussite côté live fut probablement Always : Crépuscule sur la troisième rue qui, en 2005, lui a permis de rafler un petit paquet de récompenses (meilleur film, meilleur scénario, meilleurs effets spéciaux) dans différents festivals du Japon et d'ailleurs.

Et côté animation, il a travaillé sur un petit paquet de séries (il a notamment été réalisateur assistant sur la très chouette série Heat Guy J dont il a aussi réalisé plusieurs épisodes, ou a plus récemment réalisé des épisodes de la saison 1de Food Wars!), mais a surtout été remarqué ces dernières années pour la réalisation de films en 3DCG, en tête desquels Stand By Me Doraemon en 2014 et Dragon Quest Your Story en 2019.

Bref, le bonhomme a un certain pedigree laissant déjà espérer une animation 3DCG de qualité pour Lupin III, d'autant qu'il signe aussi lui-même le scénario du film et qu'il a évidemment refait appel aux musiques à Yuji Ohno (le compositeur historique de la licence Lupin III depuis ses débuts), ainsi qu'aux sons à Youji Shimizu (qui a tenu ce poste sur quasiment tous les animes de la licence de ces dix dernières années).



Notons tout de même que, contrairement à ce qui est dit sur l'affiche, Lupin III The First n'est concrètement pas tout à fait la première de Lupin III dans les cinémas français: le tout premier film de la saga, Le Secret de Mamo, était paru dans nos salles dès 1981 dans une version complètement charcutée avant, comme déjà dit, de ressortir dans certaines salles fin 2019 en version remasterisée. En revanche, c'est bien la première fois qu'un film de la saga Lupin III aura droit à une distribution plus large en France, et pour cela Eurozoom a tâché de bien faire les choses avec une sélection en compétition officielle au dernier Festival d'Annecy, puis une poignée d'avant-première ces derniers jours. De son côté, c'est dans une salle plutôt bien remplie avec différentes tranches d'âge (enfants, ados, adultes plus ou moins âgés), que votre serviteur a pu voir le film lors de son avant-première à Lille hier après-midi dans le cadre du festival CinéComédies, qui pour l'occasion diffusait pour la toute première fois de son existence un film d'animation, en collaboration avec le Festival d'Annecy.



Lupin The First démarre en France, quelque part dans la banlieue parisienne, au sein du manoir Bresson, en pleine Deuxième guerre mondiale alors que le pays est déjà sous domination nazie. Archéologue vétéran à la grande réputation, le dénommé Bresson a tout juste le temps de dire adieu à la famille de son enfant avant que ceux-ci ne s'enfuient avec leur tout jeune bébé et que des soldats allemands ne débarquent chez lui. Tandis que l'éminent archéologue est froidement abattu par les nazis après avoir refusé de leur donne un mystérieux médaillon qu'ils sont venus chercher, une autre voiture ennemie s'est élancée à la poursuite de la famille fuyarde. Une course-poursuite et un carambolage plus loin, la famille Bresson perd la vie, laissant derrière elle le bébé que sa mère a tâché de protéger du choc, tandis qu'un homme allié aux nazis s'empare enfin du médaillon convoité...

Plusieurs années plus tard, sans doute dans les années 1960, un musée parisien est fier de mettre en avant une pièce de collection essentielle, le journal de Bresson... Mais la situation ne manque pas de s'affoler quand arrive une lettre de Lupin III, affirmant qu'il va voler le jour-même ce précieux journal ! Le journal de Bresson est un des rares objets que même l'illustre grand-père de Lupin III n'a jamais réussi à voler, donc notre héros cambrioleur en fait forcément un larcin de choix. Mais ce qu'il n'avait pas forcément prévu, c'est qu'il retrouverait sur sa route la voleuse de son coeur, Fujiko (Magali, si vous êtes restés à l'ancienne vf)... et, surtout, une policière bien trop perspicace pour être honnête. La jeune Laetitia, puisque c'est son nom, convoite elle aussi le Journal de Bresson pour des raisons bien précises qui ne sont pas forcément de son gré. Et en acceptant, sur sa proposition, de s'allier à cette demoiselle pour récupérer le journal et déchiffrer son impressionnante protection, notre cambrioleur préféré ne sait pas encore qu'il vient de faire le premier pas dans une folle machination nazie menaçant le monde entier...



L'histoire de la saga Lupin III en animation peut, grosso modo, se diviser en deux catégories. D'un côté, le Lupin plus adulte, mature et sombre, qui est celui du manga d'origine de Monkey Punch, des premiers épisodes de la saison 1, puis plus récemment du spin-off Une femme nommée Fujiko Mine et de la trilogie de films de Takeshi Koike. De l'autre, le Lupin le plus connu (en tout cas en France), celui initié par des certains Hayao Miyazaki et Isao Takahata à l'écran sur la 2e partie de la saison 1 (dont ils ont réalisé les épisodes) puis sur le film Le Château de Cagliostro, qui s'est poursuivi sur la majeure partie des animes de la licence, et où les aventures du détective cambrioleur se veulent plus grand public, Lupin y montrant bien souvent un certain grand coeur et une personnalité bien plus truculente et drôle. Sans grande surprise, Lupin III The First s'ancre essentiellement dans la deuxième catégorie... mais le fait à sa manière, dans la mesure où, bien loin de nous conter une simple histoire de vol, le récit finit assez vite par s'engager dans quelque chose de plus riche en rebondissements, où le voleur s'improvise notamment archéologue aux côtés de Laetitia, en quête de déchiffrage d'écrits anciens, d'exploration de dangereux lieux bâtis par une civilisation antique très avancée, et de confrontation à des technologies insoupçonnées... le tout en vue de contrer une sombre machination orchestrée par ce qui reste du nazisme, qui emmènera nos héros de Paris à l'Amérique du Sud en passant par le Mexique !



De l'archéologie, des écrits anciens à décrypter et aboutissant à la découverte de technologies anciennes et pourtant très avancées mais oubliées depuis, un complot nazi à affronter pour empêcher le monde de sombrer dans le chaos... Cela ne vous rappelle rien ? Ce ne serait pas étonnant, car au fil de l'aventure, difficile de ne pas se remémorer les films d'Indiana Jones (et plus encore le film Indiana Jones et La Dernière Croisade, tant le schéma des épreuves au Mexique rappelle à plusieurs égards la dernière ligne droite de ce film, sans oublier la lutte contre les nazis). Celles et ceux connaissant un peu la carrière de Takashi Yamazaki savent peut-être que le cinéaste apprécie pas mal le cinéma de Spielberg et plus particulièrement ses films d'aventures, et il n'est donc pas forcément étonnant de retrouver ce genre d'influence ici. Mais plus que ça, Yamazaki est un fan de cinéma de longue date, et ça se ressent à différentes reprises, même brièvement. Ainsi, que ce soit volontaire de la part du réalisateur ou alors complètement inconscient, difficile de ne pas ressentir aussi une influence de Mission Impossible pour certaines scènes (d'autant que Mission Impossible avait déjà inspiré Yamazaki pour Returner), de La Mort aux Trousses d'Hitchcock via une scène de chasse à l'homme en avion dans un paysage désert, de la scène de mort de Hans Gruber dans le premier Die Hard en voyant la petite chute au ralenti à la fin du film... ou bien sûr, au Château de Cagliostro de Miyazaki à différents petits moments, comme les instants où Zenigata et ses troupes policières coursent Lupin.



Tout ceci traduit peut-être surtout une chose: le réalisateur se réapproprie consciemment ou inconsciemment des éléments cultes d'autres films pour chercher à offrir ici un long-métrage généreux, et c'est bien ce que Lupin III The First est. Concrètement, le film offre un scénario assez convenu mais bien campé. Impossible, quand on est spectateur adulte, de ne pas deviner à l'avance la vraie identité de Laetitia ou même le mot de passe déverrouillant le livre: le film ne cherche pas à faire de gros mystère là-dessus, et tout au plus cela pourra-t-il surtout stimuler le plus jeune public, ce long-métrage ayant précisément le don de pouvoir satisfaire autant les enfants que les adultes. Mais tout ceci répond très bien à une logique du scénario, épaulant les personnages dans leur évolution. Dans cette optique, difficile de ne pas s'attacher à la jeune Laetitia, en grande partie héroïne de ce métrage, au fur et à mesure qu'elle démontre ses talents d'archéologue, sa passion pour ce domaine, sa compréhension de qui elle est réellement, sa réaction en comprenant qu'elle a longtemps été dupée par un "grand-père" bien campé dans son genre... Et autour d'elle, les héros emblématiques de Lupin III s'agitent à merveille pour la porter en avant. Que ce soit bien sûr notre cher Lupin, toujours aussi guilleret, propice à l'action, et ayant toujours un coup d'avance même quand on le croit fichu. Ce brave inspecteur Zenigata qui sait aussi faire la part des choses et s'associer à son meilleur ennemi quand il faut faire face à une menace plus grande (sans oublier pour autant de repartir à l'assaut de notre éros dès que la situation l'exige !). Jigen et Goemon qui sont toujours là pour tirer avec une précision folle ou tout trancher. Ou Fujiko, qui régale autant pour ses élans de séduction ou sa cupidité que pour ses instants les plus badass rappelant bien qu'elle peut être fatale sur tous les points.



Et c'est en prenant soin de toute ce développement que le film file tambour battant, en laissant rarement le temps de respirer, puisque même dans les rares moments un peu plus posés Lupin est là pour effectuer quelques-unes de ses facéties. Au gré d'évasions abracadabrantes ou de courses-poursuites effrénées bien aidées par l'indispensable Fiat 500 de nos héros, d'envolées aériennes, d'explorations de lieux anciens piégés, d'explosions de technologies avancées et inconnues... Lupin III The First enchaîne les moments d'aventure à bon rythme, tout en restant fidèle à l'esprit Lupin III via des moments casse-cou joyeusement too much, ne serait-ce que la chute depuis l'engin aérien de Lupin et Laetitia et leur récupération insolite par l'avion de Fujiko. L'esprit bon enfant est là, et le métrage livre une succession de rebondissements rocambolesques enlevés, jusqu'à sa dernière ligne droite se payant avec une malice délectable le Führer lui-même.



Le film est donc d'une grande générosité... y compris dans son rendu visuel, comme espéré. Car quasiment chaque moment de Lupin III The First témoigne d'une réalisation très soignée.
Cela passe par des moments d'action fluides et toujours rythmés, mais aussi par des "effets de caméra" constants témoignant bien des héritages acquis par Yamazaki via ses réalisations live.

Surtout, le goût du cinéaste pour les effets techniques se ressent bien souvent, et le long-métrage est ainsi traversé d'un bout à l'autre d'un soin méticuleux sur tous les détails: l'effet cuir de la reste de Lupin, les mouvements des cheveux, l'aspect translucide des yeux, le côté métallique des carrosseries, les jeux de lumière, les nuages, les mécanismes, les vues (notamment du Paris de l'époque) reproduites avec soin... sans oublier, bien sûr, le passage très réussi des designs typiques de nos héros de la 2D à la 3D. Tout respire le travail bien fait, ainsi que l'expérience de Yamazaki pour les effets numériques. Qui plus est, l'ensemble est bien appuyé par des musique toujours aussi soignées de Yuji Ohno, dont certains morceaux à commencer par le mythique générique/thème principal ont été habilement modernisés sans être trahis. De quoi créer quelques bonnes sensations aux fans de longue date !



Pour finir, étant donné que l'avant-première lilloise était en vf, ça me donne une bonne occasion d'évoquer la qualité tout à fait honorable du doublage français, où les intonations sont quasiment toujours bonnes et ne nous sortent jamais du film. Il ne faut malheureusement pas compter retrouver les comédiens de doublage historiques de Lupin III en France, notamment parce que le regretté comédien incontournable Philippe Ogouz, qui incarnait Lupin/Edgar, s'est éteint en juillet 2019. Mais la relève semble assurée, chacun étant bien dans son rôle (on regrettera juste quelques rires trop forcés pour le personnage de Lambert, mais rien de méchant). Maxime Donnay campe un Lupin facétieux à souhait tout en essayant de s'approcher du timbre de voix typique du personnage en vf. Quant à Adeline Chetail, bien connue pour ses rôles de Kiki dans Kiki la petite sorcière, d'Amalia dans Wakfu ou encore de Zia dans les nouvelles saisons des Mystérieuses Cités d'Or (parmi de nombreux autres), elle campe une Laetitia impeccable. Et puis, étant donné que les droits d'auteurs des romans initiaux d'Arsène Lupin sont retombé dans le domaine public ces dernières années, quel plaisir de voir Lupin bel et bien appelé Lupin au cinéma !



Au bout du compte, difficile voire impossible de ressortir déçu du film, tant il se veut généreux, beau et efficace. Capable de plaire autant aux fans de la première heure qu'à un jeune (ou moins jeune) public qui découvrirait Lupin III pour l'occasion, Lupin III the First livre une aventure rythmée, enlevée, bien conçue dans son histoire classique mais aboutie, tout en ne trahissant jamais l'esprit-même de Lupin III. Un excellent film qui, par sa maîtrise technique et les efforts effectués par ses distributeurs français, vaut d'autant plus le coup à voir sur grand écran. Alors n'hésitez donc pas à aller le soutenir dans les cinémas dès sa sortie officielle le 7 octobre, car il le vaut. Pour ma part, le rendez-vous est déjà pris: j'irai avec plaisir le revoir, cette fois-ci en vostf dans la mesure du possible.
  
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17 20

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