Manga Interview de Daisuke Hagiwara sur le manga Horimiya

Manga à succès au Japon et ayant grandement été popularisé par sa belle adaptation animée, Horimiya inaugurait, en début d’année 2022, la collection Genki des éditions nobi nobi! en France, et s’est rapidement imposé comme le plus gros lancement de l’histoire de l’éditeur, cette tranche de vie pouvant notamment compter sur son excellente galerie de personnages hauts en couleurs, mais aussi sur ses nombreuses thématiques toujours traitées avec une belle légèreté de ton. Il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que nobi nobi! fête dignement le succès de l’oeuvre en invitant à Japan Expo, en juillet dernier, Daisuke Hagiwara, l’autrice du manga d’après le webcomic d’origine de HERO ! Une venue qui collait également avec la diffusion du nouvel anime Horimiya: The Missing Pieces, et qui fut l’occasion pour la mangaka de s’adonner à des séances de dédicaces, à des conférences publiques et à des interviews. A l’occasion de la parution française du tome 12 du manga cette semaine, nous vous proposons aujourd'hui de découvrir notre interview de l’artiste.

Daisuke Hagiwara, merci d’avoir accepté cette interview. Au tout départ, qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir mangaka ? Y a-t-il des oeuvres ou auteurs en particulier qui ont forgé ce choix ? Et avez-vous suivi une formation particulière pour ça ?

Daisuke Hagiwara : Quand j’étais à l’école primaire, déjà, je recopiais les dessins de mangas comme Pokémon, et mes camarades de classe me faisaient beaucoup de compliments. Je ne sais pas si j’étais vraiment douée, mais j’ai pris ça comme vrai, et c’est comme ça que dès la primaire j’ai eu envie de devenir mangaka. Plus tard, lors de mes études, j’ai rejoint une université où il y avait un département consacré au manga.

Votre carrière professionnelle a débuté en 2010 avec l'histoire Back to the Jack scénarisée par Yuki Shinkiba. Quel souvenir gardez-vous de ces débuts ?

C’était vraiment la toute première fois que je faisais un manga professionnel. Je me souviens avoir beaucoup travaillé, pour rechercher de la documentation et pour m’adapter au scénario. C’était un travail très intense.

On sait qu'un concours a été organisé par Square Enix pour choisir le dessinateur ou la dessinatrice du manga Horimiya, et c'est vous qui avez été choisie. Vous a-t-on expliqué pourquoi, à l'époque ?

Ce que j’ai entendu, c’est que mes dessins des personnages étaient apparemment suffisamment personnels, que je ne cherchais pas à juste copier les personnages tels qu’ils étaient écrits par l’auteur original. On a aussi complimenté mon découpage bien différent de l’oeuvre originale.

On sait qu'au moment de participer au concours, vous ne connaissiez pas encore le webcomic d'origine car vous ne lisiez pas de séries en ligne. Qu'avez-vous ressenti en découvrant alors ce webcomic ?

J’ai vraiment tout de suite accroché. Je pensais lire l’oeuvre tranquillement, petit à petit, vu qu’il y a quand même 300 épisodes. Mais après l’avoir commencée un soir, finalement je n’ai pas pu arrêter ma lecture avant de constater que l’aube arrivait !


Vous vous êtes donc retrouvée à devoir faire une adaptation d'un webcomic manga dans une version encore plus typée manga. Quel challenge cela a-t-il représenté pour vous ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour faire de votre manga une adaptation fidèle au webcomic d'origine tout en ayant sa propre personnalité ?

Déjà, l’oeuvre originale, en tant que webcomic, n’avait pas le besoin de devoir donner envie de tourner les pages. Je devais donc faire bien attention à donner envie au lectorat de tourner les pages, en faisant soignant le rythme et l’agencement des événements dans les cases. Ensuite, il y avait aussi le besoin d’amener efficacement des moments-clés qui étaient vraiment importants dans l’histoire, et pour y parvenir il fallait faire un petit peu de remplissage. Je pense que mes plus grands défis étaient dans ces points-là.


Comment s'est passée la collaboration avec HERO ? On sait qu'au début de la série il insistait pour qu'il n'y ait aucune changement sur les événements initiaux du webcomic, mais qu'en a-t-il été sur la longueur ?

Nous n’avons jamais travaillé directement ensemble. Mon éditrice servait d’intermédiaire, et je décidais avec elle quels épisodes du webcomic nous allions sélectionner. A partir de là, je commençais à faire des storyboards que mon éditrice montrait ensuite à HERO. HERO vérifiait, validait, mais ne participait pas directement à la création de mon manga.

Avez vous-pu ajouter des idées importantes, voire même peut-être des personnages, étant totalement de vous ?

Non. j’ai vraiment voulu rester fidèle à l’oeuvre originale.


Grâce au fanbook 10,5 sorti en France en juillet ile pour Japan Expo, on sait qu'un élément en particulier vous a posé souci: les sentiments de Yuki envers Tôru, que vous peiniez à cerner. En quoi exactement la relation entre ces deux personnages vous a posé ces soucis de compréhension ?

En fait, Yuki ne sait pas elle-même si elle est amoureuse ou non. Il y a plusieurs types d’affection et d’amour, et donc l’émotion qu’elle éprouve envers Tôru reste floue dans son esprit. Du coup, moi-même je ne devais pas me tromper dans mon interprétation, et j’ai préféré poser des questions à HERO là-dessus pour mieux cerner cette relation.


Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour vous réapproprier les designs du webcomic d'origine ? HERO vous a-t-il fait des demandes particulières pour certains de ces designs ? On sait par exemple, via le fanbook 10,5, qu'il vous a demandé de faire une Sakura un peu plus ronde, mais y a-t-il d'autres personnages ayant connu ce genre de petite demande de la part de HERO ?

Je n’ai pas beaucoup changé les personnages. La seule chose que j’ai ajoutée, c’est un cheveu sur la tête de Shindô.

Quel passage du manga avez-vous préféré mettre en images, et pourquoi ?

La scène que j’aime le plus et qui m’a vraiment marquée est celle de la demande en mariage. J’ai voulu utiliser la double-page pour bien cristalliser ce moment, chose rare chez moi.


Quel est votre personnage préféré ? Celui ou celle en qui vous vous identifiez le plus ? Et celui que vous auriez aimé être ?

Mon personnage préféré est Miyamura, et je ne m’identifie à aucun personnage en particulier car je trouve qu’aucun ne me ressemble spécialement. En revanche, il y a un personnage que j’ai vraiment envie d’encourager, et c’est Sakura. Enfin, le personnage que j’adorerais devenir est Tôru, car il est vraiment gentil, il fait vraiment tout pour ses amis, et il est riche (rires).


Quel fut le personnage le plus complexe à dessiner et pourquoi ?

Ce sont les personnages adultes. Je suis habituée à dessiner des personnages adolescents, mais dès qu’ils deviennent un peu plus adultes c’est plus difficile pour moi.

Derrière ses allures de simple tranche de vie scolaire, Horimiya brille par plusieurs belles idées: ses relations très sincères (les personnages sont souvent francs, ils se vannent, sont très complices...), sa belle mise en valeur rafraîchissante de la jeunesse, le fait que beaucoup de personnages "secondaires" ont autant d'importance que Hori et Miyamura, l'idée qu'il ne faut jamais se fier aux apparences car tout le monde à des facettes cachées qu'il faut découvrir, voire certains sujets plus graves qui sont esquissés (comme les brimades que subit Honoka)... A votre avis, qu'est-ce qui a vraiment fait le succès de la série parmi tous ces points positifs ?

Tous ces thèmes à la fois font l’essence de Horimiya, mais je pense que ce qui fait leur qualité, c’est le fait qu’ils sont abordés de manière très équilibrée. Si je traitais de certains de ces sujets avec plus de sérieux et beaucoup de profondeur, ça deviendrait peut-être un manga trop lourd à lire, et ce n’était pas du tout l’objectif. C’est pour ça que tout est traité de façon assez légère. Ca permet aux éléments plus sérieux d’être évoqués sans lourdeur, et je pense que c’est grâce à ça que le public a beaucoup aimé la série.


Horimiya a connu des adaptations en anime et en drama. Avez-vous eu un quelconque rôle dessus ? Et qu'en avez-vous pensé en les voyant ?

Pour ces adaptations, j’ai répondu présente pour tout ce qui concernait les validations, mais je n’ai rien proposé. J’ai participé de manière indirecte, en somme. Sinon, j’ai beaucoup aimé ces adaptation, c’était un plaisir de voir les personnages prendre vie.


Non seulement Horimiya fut votre première série, mais en plus elle fut une série longue, avec  initialement 16 tomes et presque 10 ans de publication. Quelles difficultés avez vous eues pour tenir le rythme, et qu'avez-vous ressenti une fois la série finie ?

Même si ça a été long, je n’ai jamais trouvé que c’était difficile et pénible. Pour moi, c’est très vite passé. Et une fois la fin arrivée, j’avoue que j’ai ressenti de la tristesse. Forcément, en travaillant si longtemps sur une série de ce genre, on s’attache beaucoup aux personnages et on s’impose un rythme, alors quand j’ai achevé le manga j’ai ressenti un certain vide.

La série a fait son retour au Japon en juillet dernier pour un tome 17. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le contenu et la conception de ce volume ?

C’est un tome qui rejoint le contenu du nouvel anime. J’y raconte des souvenirs de différents personnages.


Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Daisuke Hagiwara, à son éditeur japonais, à son interprète, aux éditions Pika et à Japan Expo.

© by HAGIWARA Daisuke / Square Enix