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Manga Nouvelle rencontre avec Reno Lemaire autour de Dreamland et de son artbook

Mardi, 13 Octobre 2020 à 17h00 - Source :Rubrique interviews

Reno Lemaire, l'auteur du manga français Dreamland, est un artiste que l'on aime retrouver de temps à autres, afin de parler de l'évolution de son œuvre et sur ce qui se fait autour.

Avec le dix-neuvième tome de la série, paru fin 2019, la conclusion de la première grande partie de Dreamland a été atteinte. Peu de temps après, l'auteur officialisait en grande pompe l'artbook de la série, projet qui lui tient à cœur depuis longtemps.

Il n'y avait donc pas plus belle occasion que l'édition 2020 du Festival International de la Bande-Dessinée d'Angoulême pour retrouver Reno Lemaire, et le questionner sur le développement de son œuvre et l'ensemble des nouveaux projets ! A l'occasion de la sortie de l'artbook dans nos librairies demain, nous vous proposons un retour sur notre entrevue.



Avec le tome 19 de Dreamland, tu as achevé la première grande partie de ton manga. Quel bilan tires-tu de plus d'une décennie de parution ? As-tu pu inclure tout ce que tu souhaitais dans ce premier cycle ? Ou, au contraire, as-tu pu aller encore plus loin que ce que tu envisageais ?

Reno Lemaire : La première partie, telle que je l'avais écrite, devait faire 12 tomes. Mais cette réflexion fut aussi un problème. J'ai la fin de ma série en tête, et je sais où je vais. Mais connaître le nombre exact de tome est impossible, car ça impliquerait de tout storyboarder d'un seul coup. Certaines scènes méritent plus de place, tandis que j'en écourte d'autres... Il était bien prévu que l'arc Céleste achève la première partie, mais si je devais initialement la situer au tome 18. Je dis souvent que je raconte l'histoire de Dreamland pour moi, et c'est vrai. Si les gens aiment, tant mieux. L'arc Céleste a commencé au tome 10, c'est donc un gros arc qui dure longtemps. Je ne voulais pas bâcler la fin. En tant que lecteur, si ça fait des années que tu suis le même arc narratif, il faut que le finish soit à la hauteur de tes attentes. Aussi, arrivé au dix-huitième tome, j'ai vu que mes héros n'avaient pas encore eu leur "grand moment". Alors, plutôt que faire un gros tome 18 tel que je l'avais écrit, j'ai choisi d'écrire un autre volume pour le lecteur. Le tome 19 donne du temps et de l'espace aux scènes. A l'origine, le combat des Lucky Stars n'était pas écrit ainsi : Ils entraient dans le corps, et ressortaient pas les fesses. L'ennemi à l'intérieur du corps a été inventé pour l'occasion. Et c'est tout à fait ce qu'il fallait, car le climax manquait d'une scène épique pour les personnages principaux.

C'est ma façon d'écrire. Je prévois ma trame, mais il faut aussi laisser l'improvisation, laisser les personnages respirer.

Je sais comment ma série est écrite, et le nombre de parties qu'elle comprendra. Mais pour ces raisons, le nombre de tomes est indéfinissable.

C'est vrai que le tome 19, le climax de l'arc, est une véritable ode aux Lucky Stars...


Reno Lemaire : Exactement. C'est ce qui ressort du retour des lecteurs, et c'est ce que je ressens aussi à la lecture. Ça ne pouvait pas être autrement : Comment faire tenir tout cet ensemble dans un gros tome 18 ? C'est vers la moitié de son écriture que j'ai accepté de dessiner un tome de plus pour l'arc. Ça m'a décoincé plein de scènes.

Mais ça demande un autre type d'exercice. Je pars en live tous les cinq tomes, et le tome 20 sera spécial. Dans ma tête, le volume 18 devait clore l'arc, et le vingtième devait être un spécial deux tomes après la fin de la partie Céleste. Ça va être un autre micmac narratif à mettre en place.


L'arc Céleste était une grosse ambition. Tu as introduit énormément de personnages, nombre d'entre eux ont leurs propres arcs narratifs à développer. N'était-ce pas trop complexe de jouer avec tous ces Voyageurs ? Avais-tu des plans ou des fiches de préparées pour ne pas trop te perdre ?

Reno Lemaire : Non, j'ai tout dans ma tête, et c'est chaud ! Quand tu inventes tes personnages, ils existent par eux-même. C'est comme tes potes, tu te souviens de tous tes amis, et tu sais qui ils sont. Mes personnages, c'est mes potes. Ils sont dans ma tête et quand j'ai besoin d'eux, je sais qui ils sont et ce qu'ils ont à faire.

Mais tu as raison sur l'arc Céleste. Il est très couillu, et ce n'est pas une chose à faire. J'étais un jeune auteur qui, dès son dixième volume, a mis ses personnages principaux sur la touche pour en introduire énormément d'autres, et sur une narration particulière... J'ai relu cette partie, et je me suis rendu compte que c'est vraiment délicat. Je remercie vraiment le lectorat ainsi que mon éditeur pour m'avoir suivi dans ce délire, car le pari n'était pas gagné d'avance. Pika m'aurait dit que les ventes de Dreamland auraient commencé à chuter à partir du tome 10, j'aurais trouvé ça normal. Au contraire, elles n'ont fait qu'augmenter. C'est là que j'ai compris que le lectorat me faisait confiance.

Dans la première partie du manga, les héros sont plus spectateurs qu'acteurs. Dreamland peut être appelé « shônen », même si on ne pourra plus tellement le catégoriser ainsi à la fin. Mais dans un récit d'aventure avec des héros et des pouvoirs, ne plus les voir dès le 9e tome pour avoir droit à une introduction complexe d'une multitude de personnages, c'est particulier. J'ai relu ma série, donc je m'en suis rendu compte récemment. Je dis surtout chapeau au lecteur. Quand je dessine les tomes, l'histoire est claire dans ma tête. Mais c'est lors des relectures que je vois bien que je donne parfois beaucoup d'informations. Si on n'est pas concentré à un certain moment de l'histoire, on risque de passer à côté d'une scène qui a lieu quatre tomes après. C'est une véritable gymnastique. Je n'ai pas de fiche, mais je laisse les personnages me surprendre, ce même si j'ai créé Dreamland et que je suis censé avoir contrôle sur tout ça. Parfois, les personnages écrivent l'histoire à ma place. Je ne sais pas où ils m'embarquent. Il n'y a jamais de panne d'inspiration, tout défile.

Il y a une scène particulière à la fin de l'arc : celle de l'ouverture de la porte d'Edenia. C'est une séquence mature au cours de laquelle Terrence tourne le dos à son rêve, pour le destin de Dreamland. Était-ce un moment fort à dessiner ? Quelles symboliques as-tu voulu inclure dans ce moment ?

Reno Lemaire : On peut trouver cette maturité avec un œil de lecteur et de critique, c'est vrai. Dans ma tête, l'écriture était très spontanée. Il faut savoir qu'il n'y a aucune scène qui me fait galérer. Je dessine avec plaisir, et c'est pour ça qu'après toutes ces années, je fais des volumes de plus en plus épais. Je ne plafonne pas sur mon art. Même après quatre mois de nuits blanches, je n'ai qu'une hâte : attaquer le prochain tome, sans prendre de vacances. S'il y a une séquence qui doit me poser des difficultés, alors je ne la fait pas. Ça ne veut pas dire que je ne fais que des choses simples. Mais si je galère vraiment sur une planche, c'est que je vais aimer cette difficulté, et que ça m'apportera beaucoup.

Il n'y a donc pas de réelle réflexion sur le travail des émotions, je pense surtout à l'impact des personnages. Terrence, c'est au départ l'archétype du héros de shônen qui a son rêve. Je trouve les protagonistes de shônen d'aventure très égoïstes. Dans mes inspirations, Griffith n'est d'ailleurs pas un héros similaire de par son égoïsme, il est franc avec ceux qui le suivent. Les potes de Terrence, Sabba et Savane, lui font comprendre cet égoïsme. Ce sont des ados qui ont des discussions ensemble, et on voit que Terrence se fait clasher à ce sujet par tous ceux qui l'entourent. Avoir ce type de dialogues est super intéressant, mais ils viennent tout seul.


Le climax de l'arc Céleste s'est intéressé exclusivement à la Celestiafest. En tant qu'auteur de Dreamland, n'y a-t-il pas eu un manque de la partie « tranche de vie » de la série ?

Reno Lemaire : C'est une question des lecteurs qui revient souvent. Le déroulement de l'arc est logique, vu que la Celestiafest dure trois nuits. La vie réelle fera toujours partie de l'ADN de Dreamland, mais elle ne me manque pas car je sais d'avance ce qui va arriver. Néanmoins, je comprends la frustration du lecteur qui réfléchit en terme de tomes. Mais dans l'arc, il ne s'est écoulé que trois nuits, c'est un peu comme dans des hits comme Dragon Ball où plusieurs volumes ne développeront qu'une heure d'intrigue. Les choses les plus intéressantes étaient à développer dans la Celestiafest. Montrer la vie réelle pour juste montrer Terrence qui va acheter son kebab... ça ne m'intéresse pas, ce n'est pas ma démarche. L'arc est aussi différent des précédents sur le plan temporel, puisqu'il s'écoulait parfois plusieurs mois entre deux chapitres, ce qui me permettait de mieux aborder la vie réelle.

Tu l'évoquais depuis un moment, mais c'est maintenant annoncé : l'artbook Dreamland va sortir. On se doute que tu ne peux pas trop en dire à ce stade, mais peux-tu tout de même nous parler des surprises contenues dans ce futur ouvrage ?


Reno Lemaire : Je peux dire que vous n'êtes pas prêts. (rires)

Je suis un fan d'artbooks. J'en ai énormément chez moi, mais pas que des artbooks de séries. J'ai les ouvrages d'auteurs et illustrateurs comme Morimoto, Terada, Kim Joong-Ji... Ce sont des bouquins aux formats parfois très différents qui proposent tout un tas d'illustrations. Je me suis toujours dit que lorsque je serai grand, j'aurai mon artbook. J'en parle depuis longtemps, puisque je savais quel livre je voulais avec Dreamland. Mais il fallait savoir quand le faire, car je ne pouvais pas mettre la série en pause au tome 18, sur un cliffhanger, pour aller travailler l'ouvrage. Avec le volume dix-neuf, la première partie de la série se terminait, le timing était donc propice. Aussi, la fin de la première partie m'a permis de tout relire, donc de faire une rétrospective de la série pour ce recueil.

Ce que je peux en dire... C'est que l'artbook sera à l'image du travail que nous effectuons sur Dreamland, depuis le début, avec mon éditeur. On ne se limite pas en pagination ni en coût de fabrication et en qualité de papier. C'est toute une énergie, comme lorsque Pika m'a dit banco pour un épais tome 15 vendu à moins de 10€. Ça me motive énormément, et j'ai envie de donner encore plus quand on accepte mes propositions. Dans l'édition du manga, personne ne fait ça. Le livre s'appellera juste « L'artbook ». C'est un nom simple, car on ne voulait pas de titre anglais ou trop stylisé. Ça sera le bilan de 19 tomes, avec bon nombre de dessins inédits. Je peux le dire : il faudra que chacun sache quelle est sa définition de l'inédit. Pour celui dont il s'agit d'une illustration totalement originale, alors ça composera 40% de l'artbook. Pour celui qui considèrent qu'un dessin retravaillé est de l'ordre de l'inédit, et que ce n'est pas que d'un copier/coller dans un bouquin, alors ça sera du 100%. Il n'y a pas une seule image que je n'ai pas retouchée. Il y aura aussi du texte, car je ne suis pas dans la contemplation avec Dreamland. Je reste modeste avec mon petit talent, mais un artbook est un beau bouquin à mes yeux. Les artistes que j'ai cités ont un niveau que je n'ai pas, et il est hors de question de me mettre à leurs échelles. Mais je me suis servi de ces grands maîtres sur les formats proposés, et la diversité de leurs ouvrages. Ça ne sera donc pas un livre sur lequel on d’extase simplement, et il y aura du texte à lire. Ce n'est pas un artbook qu'on mettra une heure à parcourir, certains y mettront peut-être la semaine. Il y a eu un gros travail sur la composition du bouquin, notamment une réflexion sur la chronologie : devait-elle suivre celle des tomes ? J'ai pensé l'ouvrage pour celui qui kiffe Dreamland, mais aussi pour les autres. Dreamland peut rebuter pour le format manga, mais a une histoire qui peut plaire. Avec l'artbook, qui sera presque une encyclopédie, même les darons pourront être curieux.

Pour ces raisons, nous avons hâte. On ne sait pas du tout ce que ça va donner, y compris niveau ventes. Je fais l'artbook pour moi, pour mes lecteurs et pour d'autres. Je prends l'exemple de mon beau-père qui connait la série parce que je vie avec sa fille. Je sais qu'il attend l'artbook sans lire la série, car c'est le genre de beaux objets qu'il aime acheter. L'artbook pourra donc être mis entre toutes les mains.


Peut-on dire que l'artbook sera une autre manière de voir Dreamland ?

Reno Lemaire : Oui un peu. Sachant que ce que je fais n'est pas à faire. Mon exemple d'artbooks, c'est des animateurs, des illustrateurs... Mes inspirations ne sont pas les artbooks de mangaka. Les ouvrages autours de mangas sont des délires éditoriaux : les auteurs ne font qu'une nouvelle illustration pour la couverture, ils n'ont pas le temps pour autre chose car ils sont sur leurs séries. De mon côté, je met totalement en pause la narration et la trame de Dreamland pour me consacrer à l'artbook. Il y a une différence entre recueil d'illustrations et artbook. Ma démarche est un peu atypique, parce que je suis un amoureux de ces bouquins.

C'est particulier. J'ai hâte de voir le produit fini car je travaille dessus depuis août, mais je suis aussi impatient de retrouver ma série et les personnages. Ils sont en train de toquer à la porte, ils veulent la suite. (rires)

Depuis quelques temps, tu vis aussi une aventure familiale puisque Romain Lemaire, ton cousin, a lancé sa propre série chez Pika : Everdark. Avant ça, il t'assistait déjà sur Dreamland... Vous participez à de nombreux salons, ensemble. Est-ce un ressenti particulier cette épopée éditoriale familiale ?


Reno Lemaire : Non car, quand on nous connait, on sait qu'on est un clan, et pas qu'avec mon cousin. Ben, qui se charge de filmer mes pérégrinations, est mon beau-frère, donc le copain de ma sœur. Ce n'est pas ma faute si les gens qui m'entourent sont les meilleurs dans leur domaine. On a la chance d'avoir une famille, non pas artistique, mais issue de milieux variés. Avec Romain, on a le même rapport depuis qu'on est tout petits. Ça me paraissait donc logique qu'il finisse par signer sa propre série. Lui comme moi vivons un rêve, mais on sait que ce n'est pas la normalité, car de nombreux jeunes auteurs galèrent à être publiés.

Roro, c'est mon cousin, sachant que notre relation est presque comme celle de deux frères. Nous sommes très unis entre cousins, dans la famille. C'est vrai qu'en festoche, on est toujours collés ensemble. Je suis content qu'il vive son aventure avec Everdark, je l'observe de loin. Quand il était assistant sur Dreamland, il était dans l'énergie de ma série. Mais j'adore le voir avec son lectorat et son discours. Everdark est un manga différent, avec une sensibilité propre, qui connait donc son propre public. Mais à nos yeux, tout ce rapport est naturel, c'est davantage les autres qui nous renvoient sur cette filiation.

A savoir aussi qu'on parle de toute, et qu'on partage énormément de choses avec Romain. Il m'a mis sur le jeu mobile Saint Seiya... et c'est une véritable drogue. Tout ça pour dire qu'on a les mêmes délires.


Un autre projet en rapport avec Dreamland est en train de naître : la résine Asmodeus par Taka Corp. Peux-tu nous parler de la naissance de cette statuette ? Pourquoi ce personnage plus qu'un autre ?


Reno Lemaire : C'est Taka Corp qui a choisi le personnage. A l'époque, sur le Dreamland Shop, nous vendions les figurines fabriquées par Tsume, mais sur lesquelles nous avions avancé beaucoup de moyens. Après six ans d'existence, avec ma femme, on a tiré que du positif de cette expérience, mais ça demande un investissement dingue. Si aucun auteur ne se charge lui-même du marchandising, du contact fournisseur, de la commercialisation... c'est qu'il y a une raison : le temps passé sur cet aspect. Nous voulions le faire, on l'a fait, mais nous sommes arrivés à un moment où moi comme le lecteur souhaitions plutôt la suite de Dreamland plutôt que des dérivés. C'est pourquoi le Dreamland Shop a été délaissé.

Maintenant, ma série est une licence comme une autre. Et si une boîte veut l'exploiter, comme Abystyle, il n'y a aucun soucis. Je souhaite simplement vérifier la qualité, ce que les contrats me permettent en générale. Les fabricants me mettent eux-même dans le processus de création, et ce fut le cas avec Taka. C'est un jeune fabricant, qui peut connaître des difficultés dans l'acquisition de grosses licences, dans un milieu très concurrentiel. Avec Dreamland, qui a une bonne communauté derrière, c'était l'assurance d'écouler les stocks selon le tirage. Je marche toujours au feeling, et j'ai adoré le travail avec Taka Corp. Concernant le choix du personnage, je n'aurai pas trouvé logique qu'une autre boîte veuille faire Terrence. C'est aussi pour ne pas être en concurrence avec Tsume que le choix s'est porté sur Asmodeus. Autre argument, le fait que Taka fasse de la grosse résine, il fallait donc taper dans les créatures de rêve pour quelque chose d'imposant.

Romain a travaillé à 60% sur le modèle présenté à Angoulême. Il est le potentiel acheteur de ce type de statuette : chez lui, il n'a que des figurines à plus de 500€, en tirage limité. Vu que c'est le cas d'Asmodeus, je voulais que Roro pense une figurine que lui aimerait acheter. Il y a ensuite eu une rencontre entre nous tous, et Romain a passer des heures à parler avec Taka Corp tant il s'y connait dans ce domaine. Si j'ai designé la pose et le personnage, c'est lui qui s'est chargé du reste. Sur une statuette pareille, il fallait des détails fous, donc Romain a fait un Asmodeus portant une armure de sa création. Il s'est montré pointilleux, et faisait changer un élément toutes les semaines. Mais Taka était toujours d'accord. Alors, un gros bravo à la team Taka Corp qui s'est montrée totalement conciliante. Une nouvelle fois, c'est une aventure encore différente autour de Dreamland.


Dans Dreamland, tout peut arriver. Pour la seconde partie de la série, peut-on s'attendre à des aventures toujours plus folle ? A une volonté de surprendre ?

Reno Lemaire : Je n'ai pas la volonté de surprendre. Je suis fan de gros shônen, mais je souhaite procurer un plaisir différent. Je suis très content de pouvoir surprendre, surtout à l'ère d'internet et des théories, mais ce n'est pas mon but. Mais ça sera normal de trouver des lecteurs qui arriveront à anticiper ma fin, car il suffit d'avoir les mêmes sensibilités que moi, ou avoir les mêmes références. Mais ce ne sera pas grave. La première partie était déjà écrite. C'était un gros what the fuck, risqué, mais Pika ne me demandait pas quelle serait la finalité de l'arc. Sur cette première partie, je souhaitais que le lecteur soit comme Terrence et se prenne l'univers dans la figure. J'ai quasiment incorporé tous les personnages de la série dans les 19 premiers tomes. Beaucoup trouvent que j'ai introduit énormément de personnages, mais c'est parce que j'ai mis en place tous mes pions. Maintenant qu'ils sont placés sur l'échiquier, la seconde partie risque d'être un régal. Même les passages purement shônen seront assez fous. Car maintenant que les personnages sont définis, ils vont pouvoir interagir entre eux, et il en découlera bien d'autres actions. Mais je me suis laissé beaucoup de parts d'inconnue, car j'ai envie de me surprendre et que mes personnages me surprennent. Les arcs sont néanmoins définis, tout comme les aventures et les royaumes sont calés.

Un exemple pour montrer mon degré d'improvisation : la mort de Midas. Je ne l'avais pas écrit au préalable. Il devait faire beaucoup de choses pour le futur, mais j'étais arrivé à un point où il fallait des antagonistes pour les héros. Terrence devait avoir envie de casser la gueule à quelqu'un. Mais pour que ça arrive, il faut que les adversaires aient fait quelque chose de terrible. Lors du dessin, j'en était au passage où le corps de Midas est étendu, et où se trouvent les Lucky Stars et la team de Gaïa, un personnage que j'aime bien. Il avait le profil type pour être un antagoniste, mais ça n'était pas prévu. C'est en ce sens que je dis que les personnages me surprennent par moment. La mort de Midas a débloqué beaucoup de choses. Le personnage est plus intéressant mort, que par rapport à ce que j'avais écrit au préalable. J'avais développé tout un plan autour du royaume de l'or, scindé en plusieurs villes comme Casinopolis. Dans son background, Midas les avait tous unifiés. Et désormais, tous ces petits royaumes vont se bouffer entre eux. Ce sont des possibilités plus intéressantes que si Midas avait survécu. Des exemples comme ça, j'en aurais des dizaines à raconter. (rires)


Interview réalisée par Takato. Remerciements à Reno Lemaire, ainsi qu'aux éditions Pika pour l'organisation de la rencontre.

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