Manga Rencontre avec Christophe Cointault (Tinta Run)
Le très cosy festival Lire en Poche, dédié à la littérature poche et basé à Gradignan près de Bordeaux, a accueilli cette années deux auteurs de manga. Parmi-eux, Christophe Cointault, à qui nous devons le trépidant Tinta Run, édité aux éditions Glénat.
Avec toute sa bonne humeur, Christophe a accepté de se livrer au jeu de l'interview.
(Note : Les propos de l'auteur ayant été recueillis à l'automne dernier, il est possible que certains éléments concernant les prochains tomes aient changé en cours de route.)
En fin de chaque tome de Tinta Run, tu parles de ta rencontre avec Glénat et de la naissance du projet. Mais peux-tu nous parler de ta carrière en général ? Comment es-tu devenu dessinateur ?
Christophe Cointault : Il faut remonter à très loin, car j'adore dessiner depuis que je suis gamin. J'ai toujours voulu être dessinateur, c'était mon but ultime. Je n'ai pas de diplôme spécifique. J'ai fait une année à l’École d'Arts d'Angoulême, à la sortie du lycée, mais ça ne m'a pas servi à grand chose. Je ne suis pas quelqu'un de scolaire et je ne convenais pas à l'école. Mais ça m'a été utile puisque ça m'a permis de sortir de chez moi. Par la suite, j'ai travaillé aux impôts, à Paris, ce qui signifiait métro, boulot, dodo. J'ai tout plaqué parce que ce n'était pas ce que je voulais, ça me pourrissait la vie. Je voulais dessiner et raconter des histoires. Je me suis mis en auto-édition avec Central Universe, en trois tomes, puis j'en suis venu à faire Tinta Run. C'est un parcours de travail personnel, mais comme beaucoup de monde dans ce milieu.
Néanmoins, il y a aussi des écoles de manga, maintenant, en France. As-tu un avis dessus ?
Christophe Cointault : Je n'ai pas vraiment d'avis là-dessus. Certaines personnes y trouvent leur compte, mais je ne trouve pas ça très utile. Mais bon, certaines écoles peuvent sympa, je pense à celle de Toulouse qui aide beaucoup les jeunes, visiblement, et la directrice est assez cool. On peut se demander s'il faut une école pour apprendre à faire du manga, mais que veut dire "faire du manga", si ce n'est raconter une histoire sous un certain format ? En plus, tu as deux courants de pensée dans le "manga à la française". Tu as ceux qui ont une vision traditionnelle et qui veulent faire exactement comme les japonais, et ceux qui sont un peu foufous et qui prennent des risques en mélangeant les codes, quitte à ne pas plaire aux puristes. Je suis plutôt de cette deuxième catégorie. Dans dans l'idée de faire du manga, tellement de variables entrent en compte que je pense qu'une école ne peut pas t'apprendre ça. Tu prends des feuilles et tu les remplies en y mettant ta culture et tes sensibilités... Il n'y a pas qu'une façon de faire. C'est la même chose pour l'utilisation de la plume, c'est en pratiquant qu'on apprend, ce n'est pas un professeur qui va t'enseigner la manière de la tenir. Comment mettre en page les choses, placer les éléments pour que ce soit lisible, s'étaler sur 200 pages... Ce sont des choses qui s'apprennent toutes seules, il faut simplement la sensibilité pour ça.
Tinta Run est une série sacrément endiablée, épique et loufoque. Le rythme est effréné... est-ce que ça te pose soucis ?
Christophe Cointault : Non parce que je me prends à mon propre jeu, et plus j'en fait plus j'ai envie d'en faire. La seule inconnue reste la réception du public, qui permettra ou non d'aller aussi loin que je le voudrais. A part ça, quand je suis tout seul dans mon atelier, je m'éclate tous les jours et de plus en plus.
La question est assez classique, mais as-tu déjà la fin de Tinta Run en tête ? Ou bien les différents axes de la série...
Christophe Cointault : Oui, j'ai établi la fin depuis le début, je sais comment sera la scène finale et pourquoi je dessine cette histoire... Mon éditeur connait aussi la conclusion, on en a discuté, et il est à fond avec moi pour qu'on y parvienne. Maintenant, la question est "quand y arriverai-je ?". On peut toujours rajouter de grands arcs dans un récit, au fur et à mesure. Encore une fois, pour moi, une histoire n'est pas gravée dans le marbre, elle doit évoluer au fil du temps et au fil de ta vie, et selon la réception du public. Je me laisse aussi cette partie improvisation, car j'aime me laisser surprendre. Mais je connais la fin, et je sais où je vais.
De même pour les concepts de la série : tu en présentes pas mal dans les deux premiers tomes. Sais-tu comment déjà comment tu vas les traiter ?
Christophe Cointault : Bien-sûr. Que ce soit la tinta, les tinters, la structure du monde et ce qui en découle, les dangers potentiels, la destinée de chaque personnage... Tout ceci est déjà établi dans mes carnets de croquis. Le côté improvisation, c'est ce qui se passe exactement dans chaque tome. Pour chaque volume, tu as une écriture précise, mais j'aime me laisser surprendre et, par exemple, rajouter une scène explosive non prévue. Mais chacune de ces scènes doit avoir une utilité et ne doit pas entacher l'évolution générale de la série. En ça, mon éditeur est très utile car il me permet de trier les idées, de manière à aller à l'essentiel, avec pour objectif de faire avancer le scénario à chaque volume. Car il n'y a "que" deux tomes par an, donc il faut qu'ils en vaillent la peine.
Ton dessin présente des personnages très variés. On y trouve des humains "normaux" comme Arty, mais aussi des animaux anthropomorphes. Quelles sont tes influences graphiques ?
Christophe Cointault : Elles sont multiples, Tinta Run étant un manga cartoonesque métissé. Toriyama est mon maître pour Dragon Ball, forcément, bien qu'Eiichirô Oda soit aussi devenu une référence à mes yeux. Je suis désolé, je ne suis vraiment pas original. (rires)
Globalement, je pense à tous les grands classiques du shônen par leur folie et leur grandeur, mais aussi par les histoires extraordinaires de leurs personnages qui ont des trajectoires de dingue. Montrer ce genre de choses, c'est ce qui me motive.
J'ai aussi un côté Disney, car j'ai énormément grandi avec Picsou, Donald et tous les petits animaux anthropomorphes. J'ai aussi grandi avec certains classiques du jeu-vidéo comme Mario et Zelda. Ce dernier a une grande importance pour moi, Tinta Run ayant un petit côté Zelda, par exemple avec l'épée de lumière, les objets, la boutique en début de série... (rires)
J'ai aussi évolué avec plein d'autres choses comme les Tortues Ninjas ou le cinéma, comme les gros muscles à la Schwarzenegger et Stallone, mais aussi les gros monstres et les robots... Ça m'a énormément forgé.
Enfin, une grande partie de mes influences graphiques, mais aussi de mes structures d'histoire, vient de l'humanité, tout simplement. Dans Tinta Run, les tinters sont des scribes, et on trouve aussi de vieilles pierres et des civilisations anciennes. Je puise dans l’Égypte ancienne, bon nombre de symboles viennent de là. La construction du monde est calquée sur l'Union Européenne avec ses lois, ses frontières, son passé tumultueux et ses défis à relever... Il y a beaucoup de choses comme ça que j'aimerais pouvoir expliquer par la suite. Mais d'une manière générale, c'est l'ensemble de l'humanité qui m'intéresse. L'Histoire et la Géographie m'ont toujours intéressées.
Mes influences résultent d'un melting-pot de tout ça, ce qui me permet de revenir sur ce que je disais précédemment. Je ne fais pas du manga pour faire exactement comme les japonais. Je ne trouve pas ça irrespectueux de tirer le format vers autre chose, au contraire même. Je prends les codes du manga comme des cadeaux et je me demande si on ne peut pas en faire autre chose plutôt que de rester dans ce qui a été préétabli. C'est une prise de risque, mais c'est mon parti-pris.
Dans les deux premiers tomes de Tinta Run, tu parles énormément du destin, notamment un destin imposé aux personnages et qui entrent en contradiction avec leurs rêves. C'est le cas d'Arty, mais aussi de Dumond. Peux-tu nous parler de ce thème et de son importance dans la série ?
Christophe Cointault : Oui, c'est vrai que Dumond correspond aussi à cette idée. Il rêve de retrouver sa famille et a un passé lourd, ce qui ne l'empêche pas d'être ultra positif. Il est très sage au début mais va un peu laisser cette sagesse de côté, sous l'influence d'Arty, dès le tome trois d'ailleurs. En vérité, les deux personnages s'influencent réciproquement. Dumond, c'est le papa protecteur que tout le monde aimerait avoir, c'est The Rock. (rires)
Concernant l'idée du destin, je vais encore répondre par de gros poncifs. Dans Tinta Run, j'ai envie de montrer qu'on ne subit pas le destin contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. J'ai connu le métro, boulot, dodo, et on peut ne pas le subir. C'est un thème universel de tout envoyer valser et de partir à l'aventure pour réaliser ses rêves. Le destin, il est ce que l'on en fait. C'est une idée très shônen, donc ça se prête bien à mon histoire. On n'a qu'une vie, aussi j'ai envie que chacun prenne son futur en main et en fasse ce qu'il en veut, tant que c'est positif bien entendu. Au départ, Arty n'est pas très optimiste. Il est tête à claque et plus destructeur qu'autre chose, mais c'est aussi le défi de la série de montrer une évolution positive du personnage, dans cette aventure où il apprendra à trouver sa place dans ce monde afin d'être heureux et de faire le bien autour de lui. Il ne faut pas que l'aventure d'Arty soit du surplace. Pour ça, il fallait le faire partir de loin et de bas. C'est un peu bête à dire mais j'ai l'impression que c'est une prise de risque, car ça n'a pas forcément plu à tous que le protagoniste soit un petit con qui n'a pas directement le tempérament d'un héros.
On peut retrouver une dimension similaire dans certains titres comme dans les débuts de Naruto, mais ce côté "petit con" est contrebalancé par le background tragique du personnage...
Christophe Cointault : Oui, sachant qu'il est aussi intégré à l'académie des ninjas d'entrée de jeu. Il se trouve déjà dans une optique d'avoir son maître pour poursuivre son apprentissage. A l'opposé, Arty est totalement paumé, et ce type d'apprentissage viendra plus tard. Dans Tinta Run, l'arc de départ est celui de la "cavale". C'est une partie autour de l'émancipation. Par la suite, j'espère pouvoir développer un arc plus structuré dans lequel Arty trouvera sa place dans le monde des tinters. Il part donc de bas, et justement parce qu'on le met sur des rails qu'il refuse de suivre, comme des millions de gens dans le monde. On entend souvent nos proches dire "si je le pouvais, je plaquerai tout". C'est exactement ce point de départ pour Arty.
C'est la lutte contre un destin imposé. Et vu que Tinta Run est un shônen, Arty a forcément ce quelque chose en lui qui l'empêche de suivre la voie qu'on lui dicte. Il refuse de se soumettre aux lois car il a quelque chose d'ancré en lui... Mais ça, je l'expliquerai plus tard. Tout est structuré, j'ai les scènes précises dans ma tête.
Pour faire un bon héros, il faut qu'il ait des difficultés à surmonter. Il lui faut un mal en lui et des frustrations. C'est les blessures intérieures qui font un bon protagoniste.
Dans les sketchs de fin de tome, tu parles des débuts de ta collaboration avec les éditions Glénat. Peux-tu nous parler plus en détails de tes interactions avec ton éditeur, et notamment de la liberté dont tu disposes sur Tinta Run ?
Christophe Cointault : Je suis très libre, mais tout ce que je fais est soumis à mon éditeur, sachant qu'on a désormais trouvé un bon équilibre. J'ai besoin de son soutien, et j'adore ça. Ça me permet de mieux structurer les choses. J'en reviens alors au fait que l'écriture de l'histoire est une matière vivante, il y a un véritable échange, un ping-pong, entre mon éditeur et moi. On organise une réunion avant l'écriture du tome, et j'arrive avec mes idées sur lesquelles on débriefe. En rentrant chez moi, je fais mon storyboard et mon écriture, ce qui me prend à peu près un mois. Je soumets ensuite le storyboard à mon éditeur qui me donne ses impressions. J'imprime ses remarques, et je fais mes planches en en tenant compte. Je vais où je veux, mais l'éditeur me redirige légèrement quand je déborde. Ça m'aide à rebondir pour faire quelque chose de mailleur.
C'est très intéressant car durant la conférence des auteurs français Glénat à Japan Expo, il a été dit que chacun a sa propre méthode de travail avec l'éditeur. Dans ton cas, comment Glénat te recadre ?
Christophe Cointault :Ils me recadrent dans le sens où il faut trier les idées, car j'en ai beaucoup. L'important est de faire en sorte que l'histoire avance. J'aime ces échanges et ça m'aide car ça me permet de synthétiser au mieux afin d'être plus efficace. C'est parfois dur à encaisser, mais c'est un mal pour un bien, car c'est pour l'efficacité de tous, tant du bouquin que du public qui aura un tome plus percutant à lire.
As-tu un exemple de changement fait suite aux conseils de ton éditeur ?
Christophe Cointault : J'en ai plein. Mais par exemple, il aurait dû se passer beaucoup plus de choses dans le premier tome. Je vais peut-être spoiler un peu mais la scène marquante du tome deux aurait dû avoir lieu dans le premier opus. Tout était énormément condensé, mon éditeur m'a donc appris à m'étaler davantage. Le volume comporte aussi beaucoup de scènes d'action non prévues, c'est notamment le cas dans le tome trois, ce qui me permet de développer les personnages et les pouvoirs. Le volume quatre est très rempli en moments forts, il est beaucoup plus intense que le deuxième tome. Sachant que ça constituera aussi une fin d'arc, il sera beaucoup plus épais, c'est à dire 230 et quelques pages contre 192. Les lecteurs en auront pour leur argent. (rires)
Tu vois, c'est typiquement le genre de choses qu'un auteur ne peut pas prévoir à l'avance. J'aurais énormément d'anecdotes sur les scènes prévues et non prévues, sur les personnages aussi... Tiens, par exemple, concernant Oto, le scientifique qui a la tête des Bogdanov, il était prévu qu'il suive Arty par la suite, afin de former un trio avec Dumond. Mon éditeur le voyait plutôt comme un simple personnage rigolo dont l'utilité est de donner à Arty la carte, mais pas de le suivre dans l'aventure. Ça m'a fait changer tout le storyboard, il y a donc eu beaucoup de modifications de l'histoire derrière. Ce qui est sûr, c'est que Prune doit vraiment intégrer l'équipe, mais les lecteurs découvriront ça dans le tome trois. Je suis content que Glénat ne m'ait pas demandé de le changer car c'était prévu dès le début de l'histoire. C'est le trio classique de shônen : deux garçons et une fille.
Combien de temps travailles-tu par jour ?
Christophe Cointault : C'est une question qu'on me pose souvent, et à laquelle il est difficile de répondre. Je ne travaille pas un nombre d'heure par jour mais par nombre de pages. Je termine ma journée uniquement quand j'ai terminé mes pages.
Pour revenir sur la conférence à laquelle tu as participé à Japan Expo, sur le manga de création française, on remarque que c'est un axe éditorial de plus en plus présent chez Glénat. Personnellement, ressens-tu cet engouement pour le manga d'origine française ?
Christophe Cointault : Oui oui, je le ressens bien. Après, je reste la plupart du temps chez moi à dessiner et je suis tout nouveau. Je vois aussi des festivals où le public vit véritablement cet engouement, et moins sur d'autres événements, donc ça dépend un peu. C'est assez balbutiant, mais certains succès font avancer tout ça. Je suis un éternel optimiste, et recevoir tant de message au quotidien me motive beaucoup. Je ne sais pas comment ça se répercute en terme de ventes, je ne suis pas encore dans la confidence des chiffres. Mais j'ose espérer que nos petits délires plaisent de plus en plus.
J'avais une certaine file d'attente à Japan Expo, mais tout va dépendre du festival finalement. Il faut se trouver au bon endroit, donc ça reste un ciblage très spécifique. Dans mon cas, Tinta Run a pour thème le dépassement des frontières. Conformément à ça, je veux que ce soit un manga pour tout le monde, vraiment. J'essaie d'apporter un côté familial passe-partout, afin qu'on puisse transmettre le titre à nos enfants. C'est mon grand rêve de dessiner une telle œuvre.
Tu réalises tes illustrations couleur à la peinture. Globalement, quels outils utilises-tu pour le travail ?
Christophe Cointault : Pour les illustrations couleur, c'est effectivement à la peinture que je les travaille, et ça sera toujours le cas. Mes planches, elles, sont faites classiquement sur papier. Vient ensuite le crayonné, puis l'encrage à la plume G et à l'encre de Chine. J'utilise aussi quelques plumes plus fines, ainsi que des feutres pour certaines lignes dans les décors. Par contre, je réalise mes speedline à la plume aussi, c'est très important pour l'effet. Je dois avoir une dizaine de plumes et de feutres de tailles différentes.
Pour les peintures, j'utilise des encres pigmentées type Colorex ou Sennelier. Daler Rowney est aussi une très bonne marque. J'aime utiliser beaucoup de matériel différent. Pour le reste, c'est Glénat qui se charge de numériser et de mettre en page, de rajouter les trames et les textes.
Tinta Run est un manga en sens de lecture français. Quelle est la réflexion derrière ce choix ?
Christophe Cointault : D'aller au plus simple pour moi. Il fallait que j'aille au plus naturel pour dessiner quelque chose qui me ressemble. J'écris de gauche à droite et je pense de gauche à droite. Glénat a accepté tout de suite, il n'y a donc pas eu plus de réflexion que ça.. J'en reviens au métissage de Tinta Run. C'est un bien grand mot, mais je voudrais lutter contre cette idée du manga qui doit impérativement être de de droite à gauche. Pour moi, c'est n'importe quoi, mais chacun pense ce qu'il veut. A mes yeux, le manga c'est un format et des thématiques, le sens de lecture est un détail. Tant que tu portes des thématiques, que tu es dans le format et que tu utilises le noir et blanc... Je pourrais dire "tant que tu utilises la plume" mais finalement non car il y a la démocratisation des tablettes numériques. C'est très compliqué, il y a énormément de manières de faire du manga.
Quelque chose d'incroyable, c'est l'une des premières phrases qui revient en dédicace, quand les plus jeunes sont en présence des parents. "Tiens, ça se lit dans le bon sens". J'explique toujours qu'il n'existe pas de bon sens, il s'agit juste du sens occidental. Les gens sont souvent agréablement surpris tandis que sur internet, certains puristes cracheront sur le choix de sens de lecture. Dans les deux cas, je ne comprends pas pourquoi le sens de lecture est si important, ça ne change rien à l'histoire du manga. Ce ne sont que des détails.
Tinta Run n'en n'est qu'à ses débuts. A l'avenir, y a-t-il d'autres sujets que tu aimerais aborder dans d'autres mangas ? Plus simplement, as-tu déjà de futures œuvres en tête ?
Christophe Cointault : Si j'ai d'autres sujets à aborder, je le ferai dans Tinta Run. J'ai créé un monde qui me permet d'explorer tout ce que je veux. C'est un monde cours de récré dans lequel je peux mettre mes humeurs et tout ce dont j'ai envie. Ça prend tellement d'énergie de créer un univers que c'est difficile d'en recréer un completèment. C'est un peu comme Akira Toriyama avec The World, il en revient toujours au même univers. Je sais que je ne peux rien faire d'autre que de l'action-aventure en mode baston positive. Si les gens adhèrent à Tinta Run, je pourrai aller encore plus loin dans la série et mettre tout ce que j'aime, et développer toutes les thématiques qui me tiennent à cœur dans ce monde-là. Donc, pour l'instant, il n'y a pas d'autre titre de prévu.
Avec toute sa bonne humeur, Christophe a accepté de se livrer au jeu de l'interview.
(Note : Les propos de l'auteur ayant été recueillis à l'automne dernier, il est possible que certains éléments concernant les prochains tomes aient changé en cours de route.)
En fin de chaque tome de Tinta Run, tu parles de ta rencontre avec Glénat et de la naissance du projet. Mais peux-tu nous parler de ta carrière en général ? Comment es-tu devenu dessinateur ?
Christophe Cointault : Il faut remonter à très loin, car j'adore dessiner depuis que je suis gamin. J'ai toujours voulu être dessinateur, c'était mon but ultime. Je n'ai pas de diplôme spécifique. J'ai fait une année à l’École d'Arts d'Angoulême, à la sortie du lycée, mais ça ne m'a pas servi à grand chose. Je ne suis pas quelqu'un de scolaire et je ne convenais pas à l'école. Mais ça m'a été utile puisque ça m'a permis de sortir de chez moi. Par la suite, j'ai travaillé aux impôts, à Paris, ce qui signifiait métro, boulot, dodo. J'ai tout plaqué parce que ce n'était pas ce que je voulais, ça me pourrissait la vie. Je voulais dessiner et raconter des histoires. Je me suis mis en auto-édition avec Central Universe, en trois tomes, puis j'en suis venu à faire Tinta Run. C'est un parcours de travail personnel, mais comme beaucoup de monde dans ce milieu.
Néanmoins, il y a aussi des écoles de manga, maintenant, en France. As-tu un avis dessus ?
Christophe Cointault : Je n'ai pas vraiment d'avis là-dessus. Certaines personnes y trouvent leur compte, mais je ne trouve pas ça très utile. Mais bon, certaines écoles peuvent sympa, je pense à celle de Toulouse qui aide beaucoup les jeunes, visiblement, et la directrice est assez cool. On peut se demander s'il faut une école pour apprendre à faire du manga, mais que veut dire "faire du manga", si ce n'est raconter une histoire sous un certain format ? En plus, tu as deux courants de pensée dans le "manga à la française". Tu as ceux qui ont une vision traditionnelle et qui veulent faire exactement comme les japonais, et ceux qui sont un peu foufous et qui prennent des risques en mélangeant les codes, quitte à ne pas plaire aux puristes. Je suis plutôt de cette deuxième catégorie. Dans dans l'idée de faire du manga, tellement de variables entrent en compte que je pense qu'une école ne peut pas t'apprendre ça. Tu prends des feuilles et tu les remplies en y mettant ta culture et tes sensibilités... Il n'y a pas qu'une façon de faire. C'est la même chose pour l'utilisation de la plume, c'est en pratiquant qu'on apprend, ce n'est pas un professeur qui va t'enseigner la manière de la tenir. Comment mettre en page les choses, placer les éléments pour que ce soit lisible, s'étaler sur 200 pages... Ce sont des choses qui s'apprennent toutes seules, il faut simplement la sensibilité pour ça.
Tinta Run est une série sacrément endiablée, épique et loufoque. Le rythme est effréné... est-ce que ça te pose soucis ?
Christophe Cointault : Non parce que je me prends à mon propre jeu, et plus j'en fait plus j'ai envie d'en faire. La seule inconnue reste la réception du public, qui permettra ou non d'aller aussi loin que je le voudrais. A part ça, quand je suis tout seul dans mon atelier, je m'éclate tous les jours et de plus en plus.
La question est assez classique, mais as-tu déjà la fin de Tinta Run en tête ? Ou bien les différents axes de la série...
Christophe Cointault : Oui, j'ai établi la fin depuis le début, je sais comment sera la scène finale et pourquoi je dessine cette histoire... Mon éditeur connait aussi la conclusion, on en a discuté, et il est à fond avec moi pour qu'on y parvienne. Maintenant, la question est "quand y arriverai-je ?". On peut toujours rajouter de grands arcs dans un récit, au fur et à mesure. Encore une fois, pour moi, une histoire n'est pas gravée dans le marbre, elle doit évoluer au fil du temps et au fil de ta vie, et selon la réception du public. Je me laisse aussi cette partie improvisation, car j'aime me laisser surprendre. Mais je connais la fin, et je sais où je vais.
De même pour les concepts de la série : tu en présentes pas mal dans les deux premiers tomes. Sais-tu comment déjà comment tu vas les traiter ?
Christophe Cointault : Bien-sûr. Que ce soit la tinta, les tinters, la structure du monde et ce qui en découle, les dangers potentiels, la destinée de chaque personnage... Tout ceci est déjà établi dans mes carnets de croquis. Le côté improvisation, c'est ce qui se passe exactement dans chaque tome. Pour chaque volume, tu as une écriture précise, mais j'aime me laisser surprendre et, par exemple, rajouter une scène explosive non prévue. Mais chacune de ces scènes doit avoir une utilité et ne doit pas entacher l'évolution générale de la série. En ça, mon éditeur est très utile car il me permet de trier les idées, de manière à aller à l'essentiel, avec pour objectif de faire avancer le scénario à chaque volume. Car il n'y a "que" deux tomes par an, donc il faut qu'ils en vaillent la peine.
Ton dessin présente des personnages très variés. On y trouve des humains "normaux" comme Arty, mais aussi des animaux anthropomorphes. Quelles sont tes influences graphiques ?
Christophe Cointault : Elles sont multiples, Tinta Run étant un manga cartoonesque métissé. Toriyama est mon maître pour Dragon Ball, forcément, bien qu'Eiichirô Oda soit aussi devenu une référence à mes yeux. Je suis désolé, je ne suis vraiment pas original. (rires)
Globalement, je pense à tous les grands classiques du shônen par leur folie et leur grandeur, mais aussi par les histoires extraordinaires de leurs personnages qui ont des trajectoires de dingue. Montrer ce genre de choses, c'est ce qui me motive.
J'ai aussi un côté Disney, car j'ai énormément grandi avec Picsou, Donald et tous les petits animaux anthropomorphes. J'ai aussi grandi avec certains classiques du jeu-vidéo comme Mario et Zelda. Ce dernier a une grande importance pour moi, Tinta Run ayant un petit côté Zelda, par exemple avec l'épée de lumière, les objets, la boutique en début de série... (rires)
J'ai aussi évolué avec plein d'autres choses comme les Tortues Ninjas ou le cinéma, comme les gros muscles à la Schwarzenegger et Stallone, mais aussi les gros monstres et les robots... Ça m'a énormément forgé.
Enfin, une grande partie de mes influences graphiques, mais aussi de mes structures d'histoire, vient de l'humanité, tout simplement. Dans Tinta Run, les tinters sont des scribes, et on trouve aussi de vieilles pierres et des civilisations anciennes. Je puise dans l’Égypte ancienne, bon nombre de symboles viennent de là. La construction du monde est calquée sur l'Union Européenne avec ses lois, ses frontières, son passé tumultueux et ses défis à relever... Il y a beaucoup de choses comme ça que j'aimerais pouvoir expliquer par la suite. Mais d'une manière générale, c'est l'ensemble de l'humanité qui m'intéresse. L'Histoire et la Géographie m'ont toujours intéressées.
Mes influences résultent d'un melting-pot de tout ça, ce qui me permet de revenir sur ce que je disais précédemment. Je ne fais pas du manga pour faire exactement comme les japonais. Je ne trouve pas ça irrespectueux de tirer le format vers autre chose, au contraire même. Je prends les codes du manga comme des cadeaux et je me demande si on ne peut pas en faire autre chose plutôt que de rester dans ce qui a été préétabli. C'est une prise de risque, mais c'est mon parti-pris.
Dans les deux premiers tomes de Tinta Run, tu parles énormément du destin, notamment un destin imposé aux personnages et qui entrent en contradiction avec leurs rêves. C'est le cas d'Arty, mais aussi de Dumond. Peux-tu nous parler de ce thème et de son importance dans la série ?
Christophe Cointault : Oui, c'est vrai que Dumond correspond aussi à cette idée. Il rêve de retrouver sa famille et a un passé lourd, ce qui ne l'empêche pas d'être ultra positif. Il est très sage au début mais va un peu laisser cette sagesse de côté, sous l'influence d'Arty, dès le tome trois d'ailleurs. En vérité, les deux personnages s'influencent réciproquement. Dumond, c'est le papa protecteur que tout le monde aimerait avoir, c'est The Rock. (rires)
Concernant l'idée du destin, je vais encore répondre par de gros poncifs. Dans Tinta Run, j'ai envie de montrer qu'on ne subit pas le destin contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. J'ai connu le métro, boulot, dodo, et on peut ne pas le subir. C'est un thème universel de tout envoyer valser et de partir à l'aventure pour réaliser ses rêves. Le destin, il est ce que l'on en fait. C'est une idée très shônen, donc ça se prête bien à mon histoire. On n'a qu'une vie, aussi j'ai envie que chacun prenne son futur en main et en fasse ce qu'il en veut, tant que c'est positif bien entendu. Au départ, Arty n'est pas très optimiste. Il est tête à claque et plus destructeur qu'autre chose, mais c'est aussi le défi de la série de montrer une évolution positive du personnage, dans cette aventure où il apprendra à trouver sa place dans ce monde afin d'être heureux et de faire le bien autour de lui. Il ne faut pas que l'aventure d'Arty soit du surplace. Pour ça, il fallait le faire partir de loin et de bas. C'est un peu bête à dire mais j'ai l'impression que c'est une prise de risque, car ça n'a pas forcément plu à tous que le protagoniste soit un petit con qui n'a pas directement le tempérament d'un héros.
On peut retrouver une dimension similaire dans certains titres comme dans les débuts de Naruto, mais ce côté "petit con" est contrebalancé par le background tragique du personnage...
Christophe Cointault : Oui, sachant qu'il est aussi intégré à l'académie des ninjas d'entrée de jeu. Il se trouve déjà dans une optique d'avoir son maître pour poursuivre son apprentissage. A l'opposé, Arty est totalement paumé, et ce type d'apprentissage viendra plus tard. Dans Tinta Run, l'arc de départ est celui de la "cavale". C'est une partie autour de l'émancipation. Par la suite, j'espère pouvoir développer un arc plus structuré dans lequel Arty trouvera sa place dans le monde des tinters. Il part donc de bas, et justement parce qu'on le met sur des rails qu'il refuse de suivre, comme des millions de gens dans le monde. On entend souvent nos proches dire "si je le pouvais, je plaquerai tout". C'est exactement ce point de départ pour Arty.
C'est la lutte contre un destin imposé. Et vu que Tinta Run est un shônen, Arty a forcément ce quelque chose en lui qui l'empêche de suivre la voie qu'on lui dicte. Il refuse de se soumettre aux lois car il a quelque chose d'ancré en lui... Mais ça, je l'expliquerai plus tard. Tout est structuré, j'ai les scènes précises dans ma tête.
Pour faire un bon héros, il faut qu'il ait des difficultés à surmonter. Il lui faut un mal en lui et des frustrations. C'est les blessures intérieures qui font un bon protagoniste.
Dans les sketchs de fin de tome, tu parles des débuts de ta collaboration avec les éditions Glénat. Peux-tu nous parler plus en détails de tes interactions avec ton éditeur, et notamment de la liberté dont tu disposes sur Tinta Run ?
Christophe Cointault : Je suis très libre, mais tout ce que je fais est soumis à mon éditeur, sachant qu'on a désormais trouvé un bon équilibre. J'ai besoin de son soutien, et j'adore ça. Ça me permet de mieux structurer les choses. J'en reviens alors au fait que l'écriture de l'histoire est une matière vivante, il y a un véritable échange, un ping-pong, entre mon éditeur et moi. On organise une réunion avant l'écriture du tome, et j'arrive avec mes idées sur lesquelles on débriefe. En rentrant chez moi, je fais mon storyboard et mon écriture, ce qui me prend à peu près un mois. Je soumets ensuite le storyboard à mon éditeur qui me donne ses impressions. J'imprime ses remarques, et je fais mes planches en en tenant compte. Je vais où je veux, mais l'éditeur me redirige légèrement quand je déborde. Ça m'aide à rebondir pour faire quelque chose de mailleur.
C'est très intéressant car durant la conférence des auteurs français Glénat à Japan Expo, il a été dit que chacun a sa propre méthode de travail avec l'éditeur. Dans ton cas, comment Glénat te recadre ?
Christophe Cointault :Ils me recadrent dans le sens où il faut trier les idées, car j'en ai beaucoup. L'important est de faire en sorte que l'histoire avance. J'aime ces échanges et ça m'aide car ça me permet de synthétiser au mieux afin d'être plus efficace. C'est parfois dur à encaisser, mais c'est un mal pour un bien, car c'est pour l'efficacité de tous, tant du bouquin que du public qui aura un tome plus percutant à lire.
As-tu un exemple de changement fait suite aux conseils de ton éditeur ?
Christophe Cointault : J'en ai plein. Mais par exemple, il aurait dû se passer beaucoup plus de choses dans le premier tome. Je vais peut-être spoiler un peu mais la scène marquante du tome deux aurait dû avoir lieu dans le premier opus. Tout était énormément condensé, mon éditeur m'a donc appris à m'étaler davantage. Le volume comporte aussi beaucoup de scènes d'action non prévues, c'est notamment le cas dans le tome trois, ce qui me permet de développer les personnages et les pouvoirs. Le volume quatre est très rempli en moments forts, il est beaucoup plus intense que le deuxième tome. Sachant que ça constituera aussi une fin d'arc, il sera beaucoup plus épais, c'est à dire 230 et quelques pages contre 192. Les lecteurs en auront pour leur argent. (rires)
Tu vois, c'est typiquement le genre de choses qu'un auteur ne peut pas prévoir à l'avance. J'aurais énormément d'anecdotes sur les scènes prévues et non prévues, sur les personnages aussi... Tiens, par exemple, concernant Oto, le scientifique qui a la tête des Bogdanov, il était prévu qu'il suive Arty par la suite, afin de former un trio avec Dumond. Mon éditeur le voyait plutôt comme un simple personnage rigolo dont l'utilité est de donner à Arty la carte, mais pas de le suivre dans l'aventure. Ça m'a fait changer tout le storyboard, il y a donc eu beaucoup de modifications de l'histoire derrière. Ce qui est sûr, c'est que Prune doit vraiment intégrer l'équipe, mais les lecteurs découvriront ça dans le tome trois. Je suis content que Glénat ne m'ait pas demandé de le changer car c'était prévu dès le début de l'histoire. C'est le trio classique de shônen : deux garçons et une fille.
Combien de temps travailles-tu par jour ?
Christophe Cointault : C'est une question qu'on me pose souvent, et à laquelle il est difficile de répondre. Je ne travaille pas un nombre d'heure par jour mais par nombre de pages. Je termine ma journée uniquement quand j'ai terminé mes pages.
Pour revenir sur la conférence à laquelle tu as participé à Japan Expo, sur le manga de création française, on remarque que c'est un axe éditorial de plus en plus présent chez Glénat. Personnellement, ressens-tu cet engouement pour le manga d'origine française ?
Christophe Cointault : Oui oui, je le ressens bien. Après, je reste la plupart du temps chez moi à dessiner et je suis tout nouveau. Je vois aussi des festivals où le public vit véritablement cet engouement, et moins sur d'autres événements, donc ça dépend un peu. C'est assez balbutiant, mais certains succès font avancer tout ça. Je suis un éternel optimiste, et recevoir tant de message au quotidien me motive beaucoup. Je ne sais pas comment ça se répercute en terme de ventes, je ne suis pas encore dans la confidence des chiffres. Mais j'ose espérer que nos petits délires plaisent de plus en plus.
J'avais une certaine file d'attente à Japan Expo, mais tout va dépendre du festival finalement. Il faut se trouver au bon endroit, donc ça reste un ciblage très spécifique. Dans mon cas, Tinta Run a pour thème le dépassement des frontières. Conformément à ça, je veux que ce soit un manga pour tout le monde, vraiment. J'essaie d'apporter un côté familial passe-partout, afin qu'on puisse transmettre le titre à nos enfants. C'est mon grand rêve de dessiner une telle œuvre.
Tu réalises tes illustrations couleur à la peinture. Globalement, quels outils utilises-tu pour le travail ?
Christophe Cointault : Pour les illustrations couleur, c'est effectivement à la peinture que je les travaille, et ça sera toujours le cas. Mes planches, elles, sont faites classiquement sur papier. Vient ensuite le crayonné, puis l'encrage à la plume G et à l'encre de Chine. J'utilise aussi quelques plumes plus fines, ainsi que des feutres pour certaines lignes dans les décors. Par contre, je réalise mes speedline à la plume aussi, c'est très important pour l'effet. Je dois avoir une dizaine de plumes et de feutres de tailles différentes.
Pour les peintures, j'utilise des encres pigmentées type Colorex ou Sennelier. Daler Rowney est aussi une très bonne marque. J'aime utiliser beaucoup de matériel différent. Pour le reste, c'est Glénat qui se charge de numériser et de mettre en page, de rajouter les trames et les textes.
Tinta Run est un manga en sens de lecture français. Quelle est la réflexion derrière ce choix ?
Christophe Cointault : D'aller au plus simple pour moi. Il fallait que j'aille au plus naturel pour dessiner quelque chose qui me ressemble. J'écris de gauche à droite et je pense de gauche à droite. Glénat a accepté tout de suite, il n'y a donc pas eu plus de réflexion que ça.. J'en reviens au métissage de Tinta Run. C'est un bien grand mot, mais je voudrais lutter contre cette idée du manga qui doit impérativement être de de droite à gauche. Pour moi, c'est n'importe quoi, mais chacun pense ce qu'il veut. A mes yeux, le manga c'est un format et des thématiques, le sens de lecture est un détail. Tant que tu portes des thématiques, que tu es dans le format et que tu utilises le noir et blanc... Je pourrais dire "tant que tu utilises la plume" mais finalement non car il y a la démocratisation des tablettes numériques. C'est très compliqué, il y a énormément de manières de faire du manga.
Quelque chose d'incroyable, c'est l'une des premières phrases qui revient en dédicace, quand les plus jeunes sont en présence des parents. "Tiens, ça se lit dans le bon sens". J'explique toujours qu'il n'existe pas de bon sens, il s'agit juste du sens occidental. Les gens sont souvent agréablement surpris tandis que sur internet, certains puristes cracheront sur le choix de sens de lecture. Dans les deux cas, je ne comprends pas pourquoi le sens de lecture est si important, ça ne change rien à l'histoire du manga. Ce ne sont que des détails.
Tinta Run n'en n'est qu'à ses débuts. A l'avenir, y a-t-il d'autres sujets que tu aimerais aborder dans d'autres mangas ? Plus simplement, as-tu déjà de futures œuvres en tête ?
Christophe Cointault : Si j'ai d'autres sujets à aborder, je le ferai dans Tinta Run. J'ai créé un monde qui me permet d'explorer tout ce que je veux. C'est un monde cours de récré dans lequel je peux mettre mes humeurs et tout ce dont j'ai envie. Ça prend tellement d'énergie de créer un univers que c'est difficile d'en recréer un completèment. C'est un peu comme Akira Toriyama avec The World, il en revient toujours au même univers. Je sais que je ne peux rien faire d'autre que de l'action-aventure en mode baston positive. Si les gens adhèrent à Tinta Run, je pourrai aller encore plus loin dans la série et mettre tout ce que j'aime, et développer toutes les thématiques qui me tiennent à cœur dans ce monde-là. Donc, pour l'instant, il n'y a pas d'autre titre de prévu.
Interview réalisée par Takato. Remerciements à Christophe Cointault pour sa sympathie et sa disponibilité.
De Chipsteur [267 Pts], le 17 Février 2019 à 21h45
Super intéressant comme interview. J'ai entendu dire que Tinta Run finalement se terminerait en 4 tomes seulement :'(. Est-ce que Manga News a des infos là dessus svp ?
Et sinon pour revenir à la derniere question du sens de lecture, je suis totalement d'accord avec l'auteur, un manga peut se faire du sens qu'il veut ce n'est pas ça qui fait un manga. Mais je pense que les gens qui se sont plaint de ça, ils avaient une bonne raison. À une époque où les manga japonais étaient édité dans le sens de lecture français (gauche droite), les éditeurs étaient obligé de faire de terrible modifications par rapport aux planches originales, saccageant en partie le travail de l'auteur. Donc je pense qu'un manga doit respecter son sens de lecture original décidé par l'auteur.