Manga Interview - Chie Inudoh (Reine d'Egypte)
Du 24 au 27 mars dernier s'est tenu Livre Paris, plus grand salon du livre français, en parallèle à Paris Manga. C'est cet événement que Ki-oon a choisi pour s'illustrer, l'éditeur ayant marqué sa présence en invitant Chie Inudoh, autrice du leur nouveauté "Reine d’Égypte". La venue de la mangaka fut triomphal, marqué par la foule qui s'accumulait à chacune des séances de dédicace et un grand espace d'exposition mettant l’Égypte ancienne à l'honneur.
Ainsi, Chie Inudoh nous a fait l'honneur d'un entretien, une interview où elle s'est livrée sur sa série et sa vision du la légende de Hatchepsout...
Bonjour Mme Inudoh, merci de nous accorder cette rencontre. Dans un premier temps, pouvez-vous nous dire comment vous en êtes venue au métier de mangaka ? Quel parcourt avez-vous suivi ?
Chie Inudoh : J'ai commencé à dessiner lorsque j'étais toute petite, je devais avoir trois ou quatre ans. Le déclic est venu quand mes parents m'ont offert un manga pour mon anniversaire, je n'ai jamais arrêté depuis, je montrais même mes mangas à mes amis, à l'école. A l'université, je publiais mes œuvres sur internet et je dessinais des doujinshi pour un magazine amateur. Mon éditrice, Mme Morioka, les a vus et m'a proposé une rencontre.
En ce qui concerne la formation, j'ai appris à dessiner du manga toute seule. J'ai néanmoins étudié la peinture à l'huile à partir du lycée.
L'Histoire a connu de nombreux personnages féminins forts. Votre choix s'est pourtant porté sur la reine Hatchepsout. Pourquoi elle plutôt qu'une autre ?
Chie Inudoh : J'avais dans l'idée de faire une série historique dont l'héroïne serait une femme. J'ai découvert Hatchepsout lors de mes recherches, c'était la première reine de l'humanité et le personnage m'a fasciné. C'est pourquoi j'ai voulu faire une série autour d'elle.
Dans les récits historiques, il y a ceux qui inventent de nouveaux personnages et ceux qui s'articulent sur des figures qui ont vraiment existé. Pourquoi avoir privilégié une figure ayant existé plutôt que créer un nouveau personnage au sein d'un contexte historique ?
Chie Inudoh : La série est prépubliée dans le magazine Arta. C'est une revue qui a déjà publié des mangas historiques qui se basent sur des personnages ayant existé, ça m'a donc influencé. Mais le plus important est que j'ai été de plus en plus fascinée par Hatchepsout au fil de mes recherches. A mes yeux, la réalité dépassait la fiction et il paraissait plus intéressant de parler d'une personnalité qui a existé plutôt que d'en créer une de toutes pièces.
Reine d’Égypte est un manga historique très documenté. Quelle part du travail représente la phase de documentation ? Et quelles sont vos références essentielles qui vous permettent de rester fidèle à l'Histoire et de recréer décors et costumes ?
Chie Inudoh : Au Japon, il n'existe pas d'ouvrage de référence sur la reine Hatchepsout. J'ai donc consulté différents ouvrages qui parlaient d'elle et rassemblé les éléments de sources diverses. En ce qui concerne les visuels, plutôt que regarder des photos de vestiges qui auraient été peu instructifs, j'ai consulté des livres qui offraient des représentations 3D de ce que pouvaient être les architectures d'époque. J'ai aussi utilisé de nombreux livres d'illustrations et des livres pour enfants qui parlent de l’Égypte ancienne.
Votre éditrice vous accompagne énormément sur la série, notamment sur la documentation. Quel est son rôle global sur Reine d’Égypte ?
Chie Inudoh : Depuis le début, mon éditrice m'aide et m'a beaucoup épaulé sur la préparation de la série. A chaque numéro du magazine et donc à chaque chapitre, nous devons veiller à ce que l'intérêt du lecteur soit conservé, voire ce qu'il pourrait être intéressant d'inclure dans le récit. Elle m'a aussi beaucoup aidé sur la documentation, elle m'a notamment accompagné durant mes voyages de recherche. C'est un partenaire précieux dans la construction de l'histoire.
En dessinant Reine d’Égypte, est-ce que certains aspects de la reine Hatchepsout ressortent à vos yeux ? Des traits de caractère, par exemple...
Chie Inudoh : Hatchepsout est un personnage très fort mais, en même temps, qui a les mêmes faiblesses que n'importe qui. Elle garde aussi une part de douceur. Mais en se rapprochant du trône, et donc du titre de Pharaon, elle doit effacer certaines caractéristiques de sa personne, notamment son côté doux.
Malgré ces faiblesses et cette douceur, la reine Hatchepsout, elle apparaît assez idéale : Elle est belle, déterminée, diplomate et à l'écoute du peuple... Pourtant, historiquement, il existe des éléments qui pourraient ternir son mage comme des traces d'elle qui ont été effacées. Certaines légendes lui prêtent aussi une relation adultère avec Senmout. Ainsi, comptez-vous nuancer davantage le personnage ou rester sur un registre qui "l'idéaliserait" ?
Chie Inudoh : Depuis le début et grâce à mes recherches, je sais que Hatchepsout est un personnage aux différentes facettes. Mon but est de toute montrer à travers son évolution, donc ses facettes plus sombres dans la suite de l'histoire. Je vous encourage donc à la suivre.
Les traces de la reine Hatchepsout sont peut-être délicates à trouver car peu nombreuses, et parfois effacées. Cela vous oblige à inventer beaucoup d'éléments scénaristiques. Ainsi, quelle est la frontière entre réalité et fiction ?
Chie Inudoh : Il faut bien comprendre que Reine d’Égypte est un manga. Ainsi, s'il est historique, 80% de l'intrigue résulte de la fiction. Il y a énormément de part d'ombre dans l'Histoire mais cela donne aussi beaucoup de liberté dans l'écriture du personnage. Il n'y a pas de réponse absolue sur le passé d'un personnage comme Hatchepsout, il faut donc considérer Reine d’Égypte comme ma propre interprétation de cette figure historique.
A l'inverse de Hatchepsout, on distingue des personnages "mauvais". On pense notamment à Sethi qui accumule de nombreuses tares : arrogance, violence, cruauté... Pourquoi avoir choisi d'opposer de façon aussi marquée Hatchepsout et Sethi ?
Chie Inudoh : C'est d'abord pour donner un côté divertissant à ma série que j'ai créé un personnage aussi marqué que Sethi. Il était aussi intéressant de montrer ce qui se passe quand un humain qui a autant de faiblesses que Sethi devient roi. Il est en opposition à Hatchepsout mais il a sa propre histoire et son propre intérêt en tant que personnage.
Même si la période historique dépeinte par Reine d’Égypte est ancienne, son contexte sociétal a beaucoup de points communs avec le notre. La série appuie parle notamment de la Femme dans la société, par rapport à l'Homme. Est-ce un message que vous cherchiez à développer dans la série ?
Chie Inudoh : En effet, le thème de la position sociale de la Femme est très important dans la série mais il n'est pas le seul. Une caractéristique importante de Hatchepsout est d'avoir cherché à tout prix à éviter la guerre comme moyen politique. Elle a privilégié la paix, et c'est un aspect qui me semble aussi important et je vais beaucoup le développer par la suite. Mais elle n'était pas pour autant une pacifiste complète, et elle a aussi utilisé tous les moyens à sa portée pour arriver à ses fins... C'est aussi un aspect de Hatchepsout qui m'intéresse.
Dans le premier tome, les décors sont particulièrement soignés et participent à l'immersion du lecteur. Comment concevez-vous vos décors ? A partir de quels outils de dessin ?
Chie Inudoh : En dehors des ouvrages dont j'ai parlé tout à l'heure, je me base aussi sur les mangas sur l’Égypte ancienne qui existent, mais s'il y en a assez peu. Je regarde aussi les films et dessins-animés qui prennent place à cette époque.
En ce qui concerne le dessin, j'ai des assistants mais ils se chargent plutôt des éléments graphiques comme les trames. Pour le reste, je fais tout toute seule, personnages et décors.
Créer une série historique en ajoutant de nombreux éléments de fiction peut permettre à l’œuvre de se développer sur de nombreux tomes. Avez-vous une idée du déroulement de l’œuvre, ainsi que sa durée ?
Chie Inudoh : Pour l'instant, je dirais que la série fera environ cinq ou six tomes. En ce moment, je m'attaque au début du quatrième volume.
Interview réalisée par Takato et Koiwai. Remerciements à Chie Inudoh, à son éditrice Natsuyo Morioka, et à Ki-oon pour l'organisation de la rencontre.
Ainsi, Chie Inudoh nous a fait l'honneur d'un entretien, une interview où elle s'est livrée sur sa série et sa vision du la légende de Hatchepsout...
Bonjour Mme Inudoh, merci de nous accorder cette rencontre. Dans un premier temps, pouvez-vous nous dire comment vous en êtes venue au métier de mangaka ? Quel parcourt avez-vous suivi ?
Chie Inudoh : J'ai commencé à dessiner lorsque j'étais toute petite, je devais avoir trois ou quatre ans. Le déclic est venu quand mes parents m'ont offert un manga pour mon anniversaire, je n'ai jamais arrêté depuis, je montrais même mes mangas à mes amis, à l'école. A l'université, je publiais mes œuvres sur internet et je dessinais des doujinshi pour un magazine amateur. Mon éditrice, Mme Morioka, les a vus et m'a proposé une rencontre.
En ce qui concerne la formation, j'ai appris à dessiner du manga toute seule. J'ai néanmoins étudié la peinture à l'huile à partir du lycée.
L'Histoire a connu de nombreux personnages féminins forts. Votre choix s'est pourtant porté sur la reine Hatchepsout. Pourquoi elle plutôt qu'une autre ?
Chie Inudoh : J'avais dans l'idée de faire une série historique dont l'héroïne serait une femme. J'ai découvert Hatchepsout lors de mes recherches, c'était la première reine de l'humanité et le personnage m'a fasciné. C'est pourquoi j'ai voulu faire une série autour d'elle.
Dans les récits historiques, il y a ceux qui inventent de nouveaux personnages et ceux qui s'articulent sur des figures qui ont vraiment existé. Pourquoi avoir privilégié une figure ayant existé plutôt que créer un nouveau personnage au sein d'un contexte historique ?
Chie Inudoh : La série est prépubliée dans le magazine Arta. C'est une revue qui a déjà publié des mangas historiques qui se basent sur des personnages ayant existé, ça m'a donc influencé. Mais le plus important est que j'ai été de plus en plus fascinée par Hatchepsout au fil de mes recherches. A mes yeux, la réalité dépassait la fiction et il paraissait plus intéressant de parler d'une personnalité qui a existé plutôt que d'en créer une de toutes pièces.
Reine d’Égypte est un manga historique très documenté. Quelle part du travail représente la phase de documentation ? Et quelles sont vos références essentielles qui vous permettent de rester fidèle à l'Histoire et de recréer décors et costumes ?
Chie Inudoh : Au Japon, il n'existe pas d'ouvrage de référence sur la reine Hatchepsout. J'ai donc consulté différents ouvrages qui parlaient d'elle et rassemblé les éléments de sources diverses. En ce qui concerne les visuels, plutôt que regarder des photos de vestiges qui auraient été peu instructifs, j'ai consulté des livres qui offraient des représentations 3D de ce que pouvaient être les architectures d'époque. J'ai aussi utilisé de nombreux livres d'illustrations et des livres pour enfants qui parlent de l’Égypte ancienne.
Votre éditrice vous accompagne énormément sur la série, notamment sur la documentation. Quel est son rôle global sur Reine d’Égypte ?
Chie Inudoh : Depuis le début, mon éditrice m'aide et m'a beaucoup épaulé sur la préparation de la série. A chaque numéro du magazine et donc à chaque chapitre, nous devons veiller à ce que l'intérêt du lecteur soit conservé, voire ce qu'il pourrait être intéressant d'inclure dans le récit. Elle m'a aussi beaucoup aidé sur la documentation, elle m'a notamment accompagné durant mes voyages de recherche. C'est un partenaire précieux dans la construction de l'histoire.
En dessinant Reine d’Égypte, est-ce que certains aspects de la reine Hatchepsout ressortent à vos yeux ? Des traits de caractère, par exemple...
Chie Inudoh : Hatchepsout est un personnage très fort mais, en même temps, qui a les mêmes faiblesses que n'importe qui. Elle garde aussi une part de douceur. Mais en se rapprochant du trône, et donc du titre de Pharaon, elle doit effacer certaines caractéristiques de sa personne, notamment son côté doux.
Malgré ces faiblesses et cette douceur, la reine Hatchepsout, elle apparaît assez idéale : Elle est belle, déterminée, diplomate et à l'écoute du peuple... Pourtant, historiquement, il existe des éléments qui pourraient ternir son mage comme des traces d'elle qui ont été effacées. Certaines légendes lui prêtent aussi une relation adultère avec Senmout. Ainsi, comptez-vous nuancer davantage le personnage ou rester sur un registre qui "l'idéaliserait" ?
Chie Inudoh : Depuis le début et grâce à mes recherches, je sais que Hatchepsout est un personnage aux différentes facettes. Mon but est de toute montrer à travers son évolution, donc ses facettes plus sombres dans la suite de l'histoire. Je vous encourage donc à la suivre.
Les traces de la reine Hatchepsout sont peut-être délicates à trouver car peu nombreuses, et parfois effacées. Cela vous oblige à inventer beaucoup d'éléments scénaristiques. Ainsi, quelle est la frontière entre réalité et fiction ?
Chie Inudoh : Il faut bien comprendre que Reine d’Égypte est un manga. Ainsi, s'il est historique, 80% de l'intrigue résulte de la fiction. Il y a énormément de part d'ombre dans l'Histoire mais cela donne aussi beaucoup de liberté dans l'écriture du personnage. Il n'y a pas de réponse absolue sur le passé d'un personnage comme Hatchepsout, il faut donc considérer Reine d’Égypte comme ma propre interprétation de cette figure historique.
A l'inverse de Hatchepsout, on distingue des personnages "mauvais". On pense notamment à Sethi qui accumule de nombreuses tares : arrogance, violence, cruauté... Pourquoi avoir choisi d'opposer de façon aussi marquée Hatchepsout et Sethi ?
Chie Inudoh : C'est d'abord pour donner un côté divertissant à ma série que j'ai créé un personnage aussi marqué que Sethi. Il était aussi intéressant de montrer ce qui se passe quand un humain qui a autant de faiblesses que Sethi devient roi. Il est en opposition à Hatchepsout mais il a sa propre histoire et son propre intérêt en tant que personnage.
Même si la période historique dépeinte par Reine d’Égypte est ancienne, son contexte sociétal a beaucoup de points communs avec le notre. La série appuie parle notamment de la Femme dans la société, par rapport à l'Homme. Est-ce un message que vous cherchiez à développer dans la série ?
Chie Inudoh : En effet, le thème de la position sociale de la Femme est très important dans la série mais il n'est pas le seul. Une caractéristique importante de Hatchepsout est d'avoir cherché à tout prix à éviter la guerre comme moyen politique. Elle a privilégié la paix, et c'est un aspect qui me semble aussi important et je vais beaucoup le développer par la suite. Mais elle n'était pas pour autant une pacifiste complète, et elle a aussi utilisé tous les moyens à sa portée pour arriver à ses fins... C'est aussi un aspect de Hatchepsout qui m'intéresse.
Dans le premier tome, les décors sont particulièrement soignés et participent à l'immersion du lecteur. Comment concevez-vous vos décors ? A partir de quels outils de dessin ?
Chie Inudoh : En dehors des ouvrages dont j'ai parlé tout à l'heure, je me base aussi sur les mangas sur l’Égypte ancienne qui existent, mais s'il y en a assez peu. Je regarde aussi les films et dessins-animés qui prennent place à cette époque.
En ce qui concerne le dessin, j'ai des assistants mais ils se chargent plutôt des éléments graphiques comme les trames. Pour le reste, je fais tout toute seule, personnages et décors.
Créer une série historique en ajoutant de nombreux éléments de fiction peut permettre à l’œuvre de se développer sur de nombreux tomes. Avez-vous une idée du déroulement de l’œuvre, ainsi que sa durée ?
Chie Inudoh : Pour l'instant, je dirais que la série fera environ cinq ou six tomes. En ce moment, je m'attaque au début du quatrième volume.
Interview réalisée par Takato et Koiwai. Remerciements à Chie Inudoh, à son éditrice Natsuyo Morioka, et à Ki-oon pour l'organisation de la rencontre.
De Hitsuji [5896 Pts], le 09 Juin 2017 à 22h25
Interview intéressante mais... Seulement 5-6 tomes ? Pour narrer l'histoire d'une reine qui aurait vécu près de 50 ans ? Du coup, je me demande si on la verra vraiment Reine d'Egypte, ou si le manga se terminera justement lors de son accession au trône ?...