Ciné-Asie Critique - Crying Fist
Voici la chronique de Rogue Aerith portant sur le film Crying Fist de Ryoo Seung-Wan !
Tae-Shik (Choi Min-Sik), quadragénaire, ancien grand boxeur ayant remporté une médaille d'argent aux Jeux asiatiques de 1990, gagne sa vie en se faisant boxer dans la rue par les passants moyennant 10.000 wons. Il est coupé de sa famille, accablé par ses créanciers. Sang-Hwan (Ryu Seung-Beom) est un jeune ultraviolent. Suite à un vol aggravé, il se retrouve en prison. Il est repéré par le coach du club de boxe. Tae-Shik et Sang-Hwan vont tous deux se lancer dans un nouveau défi : le concours de la nouvelle étoile de la boxe amateur.
Sorti en 2005, « Crying fist » est réalisé par Ryoo Seung-Wan, à l'origine de City of violence et du récent The Unjust. Verdict pour ce film (up)percutant ? KO debout ? Dans les filets ? Je reste aux vestiaires ? Soyons direct, comme les coups portés : « Crying fist » est très réussi.
La première chose qui frappe, c'est évidemment la noirceur sociale et la violence sans concessions dont le cinéma sud-coréen semble s'être fait le spécialiste. Après tant de films vus, je ne suis pourtant toujours pas rassasié, car j'ai trouvé ce « Crying fist » tout aussi réaliste et travaillé que tous les vigilante et thrillers passés devant mes yeux. La particularité du film de Ryoo Seung-Wan, c'est qu'il ajoute à cela la boxe, avec des séquences très bien filmées, qui n'ont rien à envier aux ténors du genre, en grande majorité américains. Et ça, ça fait du bien : des scènes de boxe ne demandent pas beaucoup de moyens financiers, pas d'effets spéciaux, si bien que les réalisateurs du monde entier se retrouvent finalement à égalité. « Crying fist » fait donc aussi bien que Hollywood d'un point de vue technique. Le réalisateur ne s'égare jamais dans des effets de mise en scène ou dans des retournements de situation improbables : il se contente de filmer des combats de façon très réaliste, sans fioritures. Hors séquences de boxe, le reste de la mise en scène est propre et efficace, avec néanmoins quelques surprises, telle une bagarre générale jouissive dans le self de la prison et un accident impressionnant sur un chantier.
Le scénario demeure classique, le traitement l'est beaucoup moins. Le plus gros pari de Ryoo Seung-Wan, c'est d'avoir fait tenir son film sur plus de deux heures. Et la plus grande réussite du film, c'est incontestablement son rythme, avec une montée en puissance permanente. L'une des particularités de la mise en scène et de la narration, c'est que le réalisateur s'intéresse tour-à-tour à Tae-Shik et Sang-Hwan. On suit donc en parallèle les deux personnages (…jusqu'à ce qu'ils se rencontrent, peut-être ? On ne vous dira rien là-dessus). Ryoo Seung-Wan ose prendre son temps en installant ses personnages dans leur quotidien. Puis l'un finit en prison, tandis que l'autre s'enfonce dans ses travers. Mais c'est un parcours de vie qui amène Tae-Shik et Sang-Hwan à se (re)lancer dans la boxe, à la manière du premier Rocky, le seul qui soit vraiment réussi. Il n'y a pas de réel élément déclencheur, téléphoné et niais, hormis un événement tragique pour Sang-Hwan qui le confortera dans son désir de persévérer.
Si les personnages et les situations sont relativement bateaux, notamment pour du cinéma sud-coréen (un jeune rebelle ultraviolent, un quadra loser décadent, une petite frappe usurier, un ami arnaqueur, une grand-mère bienveillante, une rivalité entre deux prisonniers, deux personnages qui prennent leur revanche sur la vie), « Crying fist » demeure franchement agréable, car tout cela est bien amené. On n'échappe pas d'ailleurs à un certain classicisme dans la morale du film, en ce que la boxe permet à des personnes socialement, économiquement, émotionnellement au plus bas de se retrouver, de se connaître, voire de se purifier. Classique, classique, mais tellement vrai. Ce sport est beau. Il est certainement celui qui illustre au mieux le dépassement de soi et la détermination, et le réalisateur a su exploiter cet état de fait pour en tirer le meilleur.
En dépit de son manque d'originalité, le traitement des personnages et du scénario contourne des défauts qui lui auraient été préjudiciables. Pas de répliques « cucultes ». La fin sait éviter trop de sentimentalisme et de naïveté. Et lorsqu'on passe évidemment par des étapes-clefs comme des remises à niveaux ou des entraînements, celles-ci évitent des fonds sonores héroïques et remplis de détermination. L'ensemble s'avère donc vraiment réussi. Quelques éléments viennent même conforter la véritable identité du film, avec notamment un personnage de restaurateur intrigant, et surtout le quotidien de Tae-Shik. La scène d'ouverture du film où il tente d'attirer le « client » est remarquable, de même que toutes les scènes durant lesquelles il joue le punching ball humain, qui sont les métaphores de son choix pour être le martyr d'une société. Ancienne gloire, que certains passants reconnaissent, obligé d'en arriver là pour vivre, ce personnage produit un effet vraiment particulier. Il y a aussi cette scène où Sang-Hwan perd un match contre celui qu'il a initialement agressé, où l'on peut voir dans son regard qu'il est pour la première fois confronté à une véritable impasse, la boxe étant à la fois le problème ET la solution.
A la manière de deux boxeurs, les deux acteurs Choi Min-Sik et Ryu Seung-Beom se donnent le change. La performance de Ryu Seung-Beom (quasi-muet pendant tout le film, tout passe par les yeux et par le corps) est sans nul doute un des points les plus remarquables de ce « Crying fist », tandis que Choi Min-Sik est comme d'habitude excellent (dans tous les films distribués en Occident, je n'en ai pas encore vu un seul où il soit moyen). A noter que Ryu Seung-Beom est le frère cadet du réalisateur Ryoo Seung-Wan. On aurait aimé voir si cette complicité pouvait être à l'origine de l'excellente performance du premier.
Hélas ce n'est pas l'édition DVD de Kubik qui nous en donnera l'occasion. La traduction et l'adaptation sont bonnes certes, mais il n'y a strictement aucun bonus hormis les bande-annonces de l'éditeur. Où sont le making-of pour voir la préparation physique des acteurs (ou savoir s'ils avaient des doublures), les interviews même courtes des acteurs et du réalisateur ?!
Classique mais bénéficiant d'un traitement efficace et augmenté de quelques éléments surprenants et très bien filmés, « Crying fist » n'a pas à rougir et peut rentrer sans aucun problème dans le panthéon des grands films de boxe, derrière les indétrônables Raging bull, Rocky, Million dollar baby, Ali, Homeboy, Hurricane Carter ou encore le récent The Fighter. Selon vos goûts, il pourra même en mettre plus d'un KO.
Tae-Shik (Choi Min-Sik), quadragénaire, ancien grand boxeur ayant remporté une médaille d'argent aux Jeux asiatiques de 1990, gagne sa vie en se faisant boxer dans la rue par les passants moyennant 10.000 wons. Il est coupé de sa famille, accablé par ses créanciers. Sang-Hwan (Ryu Seung-Beom) est un jeune ultraviolent. Suite à un vol aggravé, il se retrouve en prison. Il est repéré par le coach du club de boxe. Tae-Shik et Sang-Hwan vont tous deux se lancer dans un nouveau défi : le concours de la nouvelle étoile de la boxe amateur.
Sorti en 2005, « Crying fist » est réalisé par Ryoo Seung-Wan, à l'origine de City of violence et du récent The Unjust. Verdict pour ce film (up)percutant ? KO debout ? Dans les filets ? Je reste aux vestiaires ? Soyons direct, comme les coups portés : « Crying fist » est très réussi.
La première chose qui frappe, c'est évidemment la noirceur sociale et la violence sans concessions dont le cinéma sud-coréen semble s'être fait le spécialiste. Après tant de films vus, je ne suis pourtant toujours pas rassasié, car j'ai trouvé ce « Crying fist » tout aussi réaliste et travaillé que tous les vigilante et thrillers passés devant mes yeux. La particularité du film de Ryoo Seung-Wan, c'est qu'il ajoute à cela la boxe, avec des séquences très bien filmées, qui n'ont rien à envier aux ténors du genre, en grande majorité américains. Et ça, ça fait du bien : des scènes de boxe ne demandent pas beaucoup de moyens financiers, pas d'effets spéciaux, si bien que les réalisateurs du monde entier se retrouvent finalement à égalité. « Crying fist » fait donc aussi bien que Hollywood d'un point de vue technique. Le réalisateur ne s'égare jamais dans des effets de mise en scène ou dans des retournements de situation improbables : il se contente de filmer des combats de façon très réaliste, sans fioritures. Hors séquences de boxe, le reste de la mise en scène est propre et efficace, avec néanmoins quelques surprises, telle une bagarre générale jouissive dans le self de la prison et un accident impressionnant sur un chantier.
Le scénario demeure classique, le traitement l'est beaucoup moins. Le plus gros pari de Ryoo Seung-Wan, c'est d'avoir fait tenir son film sur plus de deux heures. Et la plus grande réussite du film, c'est incontestablement son rythme, avec une montée en puissance permanente. L'une des particularités de la mise en scène et de la narration, c'est que le réalisateur s'intéresse tour-à-tour à Tae-Shik et Sang-Hwan. On suit donc en parallèle les deux personnages (…jusqu'à ce qu'ils se rencontrent, peut-être ? On ne vous dira rien là-dessus). Ryoo Seung-Wan ose prendre son temps en installant ses personnages dans leur quotidien. Puis l'un finit en prison, tandis que l'autre s'enfonce dans ses travers. Mais c'est un parcours de vie qui amène Tae-Shik et Sang-Hwan à se (re)lancer dans la boxe, à la manière du premier Rocky, le seul qui soit vraiment réussi. Il n'y a pas de réel élément déclencheur, téléphoné et niais, hormis un événement tragique pour Sang-Hwan qui le confortera dans son désir de persévérer.
Si les personnages et les situations sont relativement bateaux, notamment pour du cinéma sud-coréen (un jeune rebelle ultraviolent, un quadra loser décadent, une petite frappe usurier, un ami arnaqueur, une grand-mère bienveillante, une rivalité entre deux prisonniers, deux personnages qui prennent leur revanche sur la vie), « Crying fist » demeure franchement agréable, car tout cela est bien amené. On n'échappe pas d'ailleurs à un certain classicisme dans la morale du film, en ce que la boxe permet à des personnes socialement, économiquement, émotionnellement au plus bas de se retrouver, de se connaître, voire de se purifier. Classique, classique, mais tellement vrai. Ce sport est beau. Il est certainement celui qui illustre au mieux le dépassement de soi et la détermination, et le réalisateur a su exploiter cet état de fait pour en tirer le meilleur.
En dépit de son manque d'originalité, le traitement des personnages et du scénario contourne des défauts qui lui auraient été préjudiciables. Pas de répliques « cucultes ». La fin sait éviter trop de sentimentalisme et de naïveté. Et lorsqu'on passe évidemment par des étapes-clefs comme des remises à niveaux ou des entraînements, celles-ci évitent des fonds sonores héroïques et remplis de détermination. L'ensemble s'avère donc vraiment réussi. Quelques éléments viennent même conforter la véritable identité du film, avec notamment un personnage de restaurateur intrigant, et surtout le quotidien de Tae-Shik. La scène d'ouverture du film où il tente d'attirer le « client » est remarquable, de même que toutes les scènes durant lesquelles il joue le punching ball humain, qui sont les métaphores de son choix pour être le martyr d'une société. Ancienne gloire, que certains passants reconnaissent, obligé d'en arriver là pour vivre, ce personnage produit un effet vraiment particulier. Il y a aussi cette scène où Sang-Hwan perd un match contre celui qu'il a initialement agressé, où l'on peut voir dans son regard qu'il est pour la première fois confronté à une véritable impasse, la boxe étant à la fois le problème ET la solution.
A la manière de deux boxeurs, les deux acteurs Choi Min-Sik et Ryu Seung-Beom se donnent le change. La performance de Ryu Seung-Beom (quasi-muet pendant tout le film, tout passe par les yeux et par le corps) est sans nul doute un des points les plus remarquables de ce « Crying fist », tandis que Choi Min-Sik est comme d'habitude excellent (dans tous les films distribués en Occident, je n'en ai pas encore vu un seul où il soit moyen). A noter que Ryu Seung-Beom est le frère cadet du réalisateur Ryoo Seung-Wan. On aurait aimé voir si cette complicité pouvait être à l'origine de l'excellente performance du premier.
Hélas ce n'est pas l'édition DVD de Kubik qui nous en donnera l'occasion. La traduction et l'adaptation sont bonnes certes, mais il n'y a strictement aucun bonus hormis les bande-annonces de l'éditeur. Où sont le making-of pour voir la préparation physique des acteurs (ou savoir s'ils avaient des doublures), les interviews même courtes des acteurs et du réalisateur ?!
Classique mais bénéficiant d'un traitement efficace et augmenté de quelques éléments surprenants et très bien filmés, « Crying fist » n'a pas à rougir et peut rentrer sans aucun problème dans le panthéon des grands films de boxe, derrière les indétrônables Raging bull, Rocky, Million dollar baby, Ali, Homeboy, Hurricane Carter ou encore le récent The Fighter. Selon vos goûts, il pourra même en mettre plus d'un KO.