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Ciné-Asie Chronique - L'île nue

Lundi, 07 Novembre 2011 à 11h02

Avec L'île nue, Kaneto Shindô nous parle avec beaucoup de lyrisme du quotidien d'une famille de pêcheurs vivant sur une île nippone.

Un film envoûtant, que nous vous proposons de découvrir via la chronique de Rogue Aerith !
 

 
 
Au Japon, sur une minuscule île de l'archipel Setonaikai, un couple de paysans (Taiji Tonoyama et Nobuko Otowa) vit avec ses deux jeunes garçons. La terre est aride et il n'y a pas d'eau douce sur l'île. Pour cultiver la terre et survivre, les deux paysans sont contraints de faire de continuels voyages en barque entre l'île et une autre terre moins ingrate. Il s'agit de ramener de l'eau, pour arroser avec attention et justesse les quelques plants cultivés. Ces gestes monotones et ces allers-retours rythment le quotidien. Malgré de possibles moments de révolte contre cette vie ritualisée, les paysans acceptent leur sort et continuent de subir.

L'île nue (Hadaka no shima) est un film japonais en noir et blanc sonorisé, mais sans dialogues, réalisé par Kaneto Shindô, sorti le 23 novembre 1960. Médaille d'or du Festival de Moscou 1961, ruban bleu du film japonais, l'histoire de ce film n'est pas anodine. Kaneto Shindo a d'abord travaillé comme scénariste, et a été assisté pour Mizoguchi. En 1950, il co-fonde une compagnie de films indépendants qui lui permet de réaliser des films non commerciaux. L’île nue est une révélation lors du festival de Moscou. Son interprétation politique était étrangère à la volonté de son cinéaste, car la presse soviétique y a vu une illustration de la valeur du travail, renvoyant à la pensée communiste.

Tout est filmé de façon monotone, comme la vie des paysans : les mêmes images, les mêmes gestes et la même mélodie, inlassablement. La répétition est pesante. L'île nue est un film véritablement crevant. Le rythme, les situations, les personnages, fatiguent. Mais dans le bon sens du terme. Shindo a su retranscrire la souffrance du travail pour faire ressentir au spectateur une oppression de tous les instants. Mais cette oppression a les défauts de ses qualités, comme on dit. Pourquoi continuer à vivre sur l'île ? Pourquoi ne pas opter pour la pêche ? Ces questions sont étrangères à la réflexion du cinéaste et c'est bien dommage, car le film s'enferme dans un fatalisme qui pour le coup, fatigue trop, cette fois-ci dans le mauvais sens du terme.

Le choix de faire un film aussi dénudé que l'île et l'existence de ces paysans est marquant. Pas de dialogue, ce qui renforce la métaphore de la nudité. Mais du son néanmoins avec les bruits de la nature et une musique lancinante signée Hikaru Hayashi. L'emploi de cette musique à tendance occidentale produit un sentiment bizarre chez le spectateur au début, puis on finit par accepter. Une utilisation savante des techniques du film muet est faite, avec un soin particulier apporté à la photographie, le cadrage et le montage. Le choix du noir et blanc est efficace quand bien même on pourrait se dire qu'il est risqué, incompatible avec le parti pris contemplatif. L'approche quasi-documentaire est tout aussi étonnante. L'esthétique somptueuse contraste avec le sujet, dur. L'économie de moyens utilisés pour le film est encore une jolie métaphore du sujet. Au final, on est clairement convaincus que la nudité de l'île ne peut se filmer en-dehors de toute simplicité.

A travers la beauté et la pureté qui ressortent avec sensibilité de ce qui est filmé (la nature, le labeur, la mort), à travers le choix d'une oeuvre épurée plutôt que sentimentaliste ou mélo, l'île nue préfigure les oeuvres de Ozu et de Kurosawa. Rien d'étonnant lorsqu'on sait que Shindo, on le rappelle, était un disciple de Mizoguchi. Hélas, 3 fois hélas, mais rien n'est encore perdu dans les années qui viennent, Shindo a vu très peu de ses films connaître une sortie en France.

La poésie austère se mêle à une violence psychologique qui éclate après certains événements. Taiji Tonoyama, qui joue le père, a un jeu proprement déstabilisant de justesse. Nobuko Otawa quant à elle semble suivre, mais éclate littéralement à un moment donné. A noter qu'elle fait office d'actrice fétiche pour Kaneto Shindo, qui la fait apparaître dans la plupart de ses films, à l'image de Tanaka Kinuyo pour Mizoguchi et Mifune chez Kurosawa.

Le film est livré dans un petit digipack assez classe, en compagnie d'un livret riche en explications sur la carrière de Shindo. Les bonus DVD sont sommaires mais appréciables, notamment les commentaires audio du réalisateur et du compositeur.

Allant très loin dans le contemplatif et l'esthétisation de la pauvreté et de la souffrance, l'île nue est encore aujourd'hui un film à la fois envoûtant et choquant.
 

commentaires

Michiru

De Michiru [2072 Pts], le 08 Novembre 2011 à 18h45

Ha ça peux être pas mal! =o

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