Fin du monde, avant le lever du jour (la) - Actualité manga

Fin du monde, avant le lever du jour (la) : Critiques

Sekai no Owari to Yoakemae

Critique de la série manga

Publiée le Mardi, 10 Février 2015

Il est parfois bon de sortir des sentiers battus. C'est aussi valable pour nos lectures de mangas. Et si nous connaissons bien Oda, Toriyama, Yazawa et Urasawa, il est aujourd'hui temps de faire connaissance avec Asano.


Né en 1980, Inio Asano signe une carrière commencée il y a une décennie et fait son entrée chez nous il y a maintenant cinq années. Alors qu'il est plébiscité par les connaisseurs et les curieux, mais méconnu du grand public, la sortie en France de LA FIN DU MONDE, AVANT LE LEVER DU JOUR est une excellente occasion de vous le faire découvrir.




Je rêvais d’un autre monde…


Enfant, adolescent, adulte… Quelle que soit l’époque, chaque génération possède son quotidien : celui des salles de classe, des journées sans but à la maison, des semaines de travail. Une routine lénifiante dont on s’éveille, parfois.


Au hasard d’une rencontre, notre cerveau peut quitter son mode 'veille' et les rouages introspectifs se mettent en marche. On effectue notre propre mise à jour : « Qu’est-il advenu de cet espoir ? Est-ce que ce rêve est devenu stérile ? » Le temps suspend alors son vol, nous laissant l’occasion de revoir le dernier film de notre existence et d’imaginer le scénario du suivant.


Ces soubresauts sont souvent éphémères et la vie reprend son cours, nous laissant le souvenir enjolivé d’un baiser, d’un visage souriant. Certains de ces instants, enfermés dans une bulle de souvenir, finissent par remonter à la surface et ils éclatent, libérant une bouffée de nostalgie… Celle des instants où tout semblait possible. De ces souvenirs ensoleillés surgira la lumière et l’envie de tout recommencer.


Ces moments inédits sont l’occasion d’ouvrir les yeux sur un monde que l’on jugeait monochrome alors qu’il se décline en couleurs pastel. On peut ainsi comprendre que si la vie nous paraissait terne, c’est peut-être parce que nous avions oublié de l’éclairer… 


Je rêvais réalité…


Inio Asano est un mangaka à part. Trentenaire, il exprime depuis plus de dix ans les doutes, les rêves, les angoisses de toute une génération de jeunes adultes japonais, voire de toute une génération tout court au vu de la profonde admiration que lui vouent ses lecteurs du monde entier. Néanmoins, au-delà de ce public fidèle, il reste un auteur assez peu connu.


LA FIN DU MONDE, AVANT LE LEVER DU JOUR, cinquième titre de l’auteur dans l’hexagone, ne changera sans doute pas la donne. Constamment introspectifs, les personnages ne parleront pas aux plus jeunes et la mise en scène de leur routine rebutera forcément les lecteurs de shnen impatients ou peu curieux.


Et pourtant, pour peu qu’on prenne le temps de les observer, ces protagonistes se révèlent d’une grande justesse. La simplicité de leur quotidien nous installe dans une vie similaire à la nôtre, à quelques détails culturels près. Comme eux nous oscillons entre la vie que nous avons toujours rêvé d’avoir et celle que nous menons. En même temps qu’eux nous regardons la balance des espoirs comblés et des illusions perdues, en espérant trouver le juste équilibre.


Comme dans Un Monde formidable ou solanin, Asano décrit ce fameux passage de l’enfance ou de l’adolescence à l’âge adulte, où l’on jauge notre quotidien pour savoir si l’on peut s’en satisfaire ou s’il est urgent de faire demi-tour, au dernier embranchement, pour prendre l'autre direction.


Ces moments sont universels et une des histoires courtes contenue dans ce recueil vous rappellera probablement votre vie passée ou présente.


Et la vie serait féconde…


Cependant, dans LA FIN DU MONDE, AVANT LE LEVER DU JOUR, Asano va plus loin que la simple prise de tête existentielle. La réflexion seule ne serait que pure rhétorique, mais l’auteur ne tombe heureusement pas dans une masturbation intellectuelle surfaite et met en lumière le cheminement de ses héros ou de ses héroïnes.


De toutes ces vies, Asano n’a choisi de nous présenter qu’une parcelle de leur histoire et nous fait profiter des fruits de cette introspection, le moment où toutes nos pensées s’emboîtent les unes dans les autres. Par petites touches, légères, il amène ses personnages vers une nouvelle version de leur existence. Que leur quotidien change un peu beaucoup ou pas du tout, c’est surtout eux qui en ressortent différents.


À travers deux bonus en milieu et en fin d’ouvrage, le mangaka en profite également pour nous glisser ses propres réflexions. Sous la forme de petits textes, on découvre le regard d’un auteur très critique sur ses œuvres et qui fait le bilan d’une carrière qui a dépassé depuis peu la décennie… Un envers du décor finalement très proche de son devant, qui nous donne l’impression que les histoires d’Asano sont autant de versions de sa propre vie.


par Ramza


Note de la rédaction
Note des lecteurs
17/20

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