Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 08 Octobre 2018
Critique 2
Le Mirai, navire dernier cri de la Marine d’autodéfense nippone se lance en haute-mer aux côtés de trois autres bâtiments de guerre pour des manœuvres conjointes avec la Marine américaine. Le départ n’est pourtant pas apprécié par la population du fait que ces manœuvres interviendront dans un conflit armé, ce qui suppose une violation de la Constitution pacifique du Japon du XXIe siècle. Sur le Mirai, les responsabilités du Capitaine Umezu sont redistribuées entre ses différents officiers supérieurs, à savoir Kadomatsu le capitaine en second, Kikuchi le chef canonnier et Oguri le chef navigateur. Pendant une tempête sur le chemin de Midway, le navire est touché par la foudre et se voit séparer des autres éléments de la flotte. Avant de comprendre la nature de la disparition de leurs alliées, l’équipage du Mirai se confronte à une immense flotte dirigée par ce qui semble être le Yamato, le plus puissant navire de la flotte impériale japonaise de la Seconde Guerre mondiale. Pour certains, il n’y a aucun doute à avoir, le Mirai est remonté 60 ans en arrière à la veille de la bataille de Midway.
Largement inspiré du scénario du film américain « Nimitz, retour vers l’enfer », Kawaguchi nous livre ici un récit prenant et palpitant d’un équipage sans trop d’expérience plongée en plein cœur de la Guerre du Pacifique. C’est avant tout une histoire d’hommes et de leurs décisions. En effet, lorsqu’un navire ultramoderne se perd dans une période aux technologies obsolètes, la frontière entre ingérence et neutralité reste très ténue ! A plusieurs reprises l’équipage du Mirai sera confronté à des questions éthiques singulières, doit-on intervenir aux côtés de la flotte impériale japonaise et reprendre l’avantage dans le Pacifique ? Ou bien doit-on, par tout moyen, éviter le conflit et la fuite d’informations sur le XXIe siècle ? C’est l’intérêt principal de la série de jouer sur cette mince frontière, exprimer qu’avec le simple appui sur un bouton, un membre du Mirai peut changer le cours de l’Histoire. A cette situation on retrouve les avis contraires, le cas de Kikuchi qui réclame la plus grande prudence quant aux conséquences de l’effet papillon. Si l’on interfère avec le sauvetage d’un pilote ou bien si l’on provoque la mort d’individus qui n’étaient pas censés disparaître du cours de l’Histoire, quels effets cela a-t-il sur l’époque d’origine du Mirai ?
Cette démesure du changement temporel par l’ingérence des hommes rend la narration lourde en conséquence, l’équipage est alors en proie constante au doute ou à l’erreur. Chacun souhaite retourner au XIXe, mais comment doit-il agir lorsque le navire est ciblé d’une attaque sous-marine ? L’intervention est envisageable ? Mais intervenir en 1942 aura de graves répercussions sur le monde moderne.. C’est la force de ce type de narration, deux solutions sur une balance au constant déséquilibre.
Cependant la qualité de ce début de scénario n’enlève rien au soin apporté par Kawaguchi sur le réalisme du Mirai. Son dessin s’articule parfaitement à sa narration, les scènes de combats démontrent bien l’ampleur d’une situation critique, chaque marin, chaque section du navire est au branle-bas de combat. Les déplacements du navire, la précision apportée aux équipements électroniques ou aux uniformes sont d’autant de points sur lesquels le mangaka apporte un soin particulier. Seuls les visages et leurs expressions restent de façades, des visages ronds sans trop de mouvements, mais cela est suffisants pour ce type d’histoire qui doit mettre en scène une grande quantité de personnages. Les différents navires et aéronefs sont d’une qualité indéniable et qui note le travail de documentation en amont de l’auteur. Tout cela renforce ainsi l’ambiance du titre qui reste une histoire militaire. Le vocabulaire marin et les abréviations des postes de combat précis sont nombreux, mais cela ne ralentit pas la lecture, au contraire cela renforce l’immersion et rajoute une couche sur le travail de Kawaguchi.
En définitive, ce premier volume de Zipang nous offre un récit de grande facture par rapport aux questions humaines qu’il propose et par une ambiance de qualité qui nous immerge dans une épopée temporelle au sein du Pacifique de la Seconde Guerre mondiale. L’équipage du Mirai aura beau s’y résigner pendant un temps, l’ingérence sera-t-elle inévitable ?
Critique 1
A l'instar du film "Nimitz, retour vers l'enfer", Zipang narre l'épopée d'un navire japonais dernier cri (le Miraï), et de son équipage, qui se retrouvent transportés 60 ans en arrière en plein conflit mondial.
Kawaguchi, auteur engagé (un peu nationaliste même), pose les bases d'un récit se voulant avant tout politique. Il s'attache à créer un questionnement chez ses personnages: en effet, avec un tel bijou de technologie, il est possible de changer le cours de l'histoire et de modifier profondément les bases du Japon moderne (par "Japon moderne" j'entends le Japon post guerre) en influant sur les évènements qui ont fait perdre la guerre au pays du soleil levant.
Faut-il le faire? Là est toute la question des premiers volumes d'une série plutôt longue (plus de 30 volumes au Japon).
En parallèle à l'aspect politique de l'oeuvre, Kawaguchi crée des scènes d'action; notamment navale; très réussies grâce à un savant mélange de réalisme rigoureux dans les dessins et de narration dynamique et soignée.
Le vocabulaire militaire est très usité, mais heureusement des notes explicatives ponctuent régulièrement le récit et pour les plus exigeants, on retrouve parfois un lexique en fin de volume.
Au niveau des dessins, c'est du Kawaguchi tout craché. Les personnages ont souvent une impression figée, et un visage souvent rond. Par contre il faut souligner un réel effort pour les graphismes et les engins militaires. Kawaguchi s'est documenté, cela se ressent.