Yawara! Vol.1 - Actualité manga
Yawara! Vol.1 - Manga

Yawara! Vol.1 : Critiques

Yawara!

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 28 Décembre 2020

Chronique 2 :

Il paraît aujourd'hui difficile de s'intéresser au manga sans avoir entendu le nom de Naoki Urasawa. Avant tout connu pour ses thrillers (parfois garnis d'une pointe de SF) tels que 20th Century Boys, Monster, Billy Bat et Pluto, l'artiste n'a pourtant guère eu droit à ses œuvres de jeunesse, plus orientées tranche de vie, encensées chez nous. Il nous a fallu attendre 2010 pour découvrir Happy, et jamais nous n'avions eu droit à Yawara, récit associant la tranche de vie au sport et à la comédie romantique. Un tir rectifié par les éditions Kana en cette année 2020, qui nous proposent le titre sous sa monture grand format.

Initialement, Yawara a été publié entre 1986 et 1993 dans le Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan. Compilé en 29 tomes, il a ensuite été réédité au format bunkô en 19 opus, puis en version Deluxe de 20 volumes. C'est cette dernière mouture qui sert de base à notre présente édition.

La jeune Yawara Inokuma est une judoka talentueuse, entrainée depuis son plus jeune âge par son grand-père, Jigorô Inokuma. Ce dernier peut se vanter d'avoir remporté de nombreux titres, et cherche à faire de sa petite fille une figure mondiale du judo, aux Jeux Olympiques notamment. Seul problème : Yawara, malgré son talent certain, veut simplement vivre une existence paisible de lycéenne, ponctuée de sorties entre amies et de rendez-vous amoureux. Et outre le fait que Jigorô ne l'entende pas de cette oreille, les exploits ponctuels de Yawara vont attirer la curiosité de différents personnages, dont des journalistes sportif en quête de scoop ainsi qu'une fille de riche qui excelle dans toutes les pratiques imaginables, cherchant un adversaire à sa mesure...

A l'heure où les tranches de vie sentimentales trouvent de nouveaux représentants en ce qui concerne l'art du manga, il est étonnant (mais appréciable) de constater que des titres des années 80 du genre retrouvent une place légitime dans nos librairies. C'est le cas pour certaines œuvres de Rumiko Takahashi fraîchement rééditées, telles que Ranma et Maison Ikkoku, et on apprécie que la mouvance soit étendue avec les récits de jeunesse de Naoki Urasawa, assez apprécié et talentueux pour que l'intégralité de son œuvre nous soit rendue disponible (même si on aimerait une vraie édition de Pineapple Army, ce qui est une autre histoire).

Yawara, sur ce que nous montre ce premier tome, c'est aussi bien de la tranche de vie humoristique que de la romance lycéenne pleine de quiproquos, sur fond d'une intrigue sportive qui se dévoile au fil des pages. En effet, le judo est ici utilisé pour narrer un quotidien plein de déboires pour notre jeune héroïne, brillante sportive qui rêve d'un quotidien banal et d'un premier amour. Une opposition qui suffit presque à donner à ce début de récit sa saveur, puisque Naoki Urasawa a su en puiser moult éléments donnant lieu à une première fournée de chapitres savoureux, qui se renouvellent et qui parviennent même à tisser un petit fil rouge au fur et à mesure. Car de petites histoires indépendantes sur les spécificités de l'intrigue et de son héroïne, c'est une situation de Yawara toujours plus ambitieuse qui est développée, en mettant à l'honneur l'humour et un zeste de romance. Tant d'élément qui s'imbriquent parfaitement donc, le titre restant prenant et délicieux même plus de 30 ans après le début de sa parution.

Et si ce début de Yawara est si éclatant, c'est aussi parce que Naoki Urasawa ne se contente pas de « juste » développer un récit divertissant et efficace dans ses ambiances. Car à la comédie sportive et romantique s'ajoute un discours pertinent sur l'adolescence et le poids imposé à la jeunesse. Ceci est marqué par une Yawara attachante et dont on comprend à chaque fois les tourments et la volonté de vivre comme une adolescente ordinaire, une empathie qui se fera plus forte au fur et à mesure de l'assistance lourde d'éléments perturbateurs souhaitant pousser la demoiselle sur les rings professionnels. Pour l'heure, Yawara n'est donc pas qu'une comédie ou un manga sportif balbutiant, mais aussi une petite fable sociale sur la jeunesses et les attentes qu'on leur impose, un discours universel et qui ne vieillira sans doute jamais.

L'autre faculté de ce premier tome, pour un amoureux de la patte d'Urasawa, c'est de découvrir le style d'époque du mangaka. Il ne faut donc pas se fier à la couverture dessinée en 2013 et qui profite d'une esthétique actualisée de l'artiste. L'intérieur de l'ouvrage est différent, et on y apprécie notamment un cachet de personnages qui sont dans une pur balance entre les caractéristiques graphiques du mangaka et de véritables standards d'époque, servis par exemple par des traits souvent arrondis. A ceci s'ajoute une mimique moins présente dans les Urasawa souvent mis en avant : Un côté sexy, ou au moins mignonnet d'une Yawara pétillante et survoltée. Pourtant, pour l'heure, le titre n'en fait pas trop de ce côté-là, jouant au mieux sur quelques culottes et autres sous-vêtements, pour ne jamais être vulgaire. Outre son histoire, ce premier volume propose une expérience visuelle intéressante pour tout amateur du maître. Et plus globalement, cette amorce de récit est suffisamment efficace pour justifier sa présence dans toute "Urasawathèque".

Très attendue, la série Yawara tient ses promesses avec une entrée en matière convaincante, débordante d'énergie, drôle mais aussi touchante, ponctuée d'un véritable discours prouvant que le mangaka ne se laissait déjà pas aller à la facilité. Un premier tome frais qui augure une excellente suite, pour un récit servi par une jolie édition.

Car sans être une Perfect dans l'absolu (une telle présentation aurait mérité un meilleur papier), cette version grand format profite de jolies pages couleur ou encore d'une jaquette très pimpantes grâce à son ravissant vernis sélectif. Évidemment, la traduction est signée Thibaud Desbief (presque un traducteur attitré d'Urasawa, qui s'est occupé de Monster, Atchoum, Pluto et Asadora) qui offre un très bon travail pour rendre vivant le texte de l’œuvre, et crédible ses personnages aux multiples caractères.


Chronique 1 :

Avec des thrillers comme Monster, 20th Century Boys ou Pluto, Naoki Urasawa a su s'imposer il y a déjà bien des années comme un mangaka incontournable aussi bien au Japon qu'à l'international, et au fil du temps cela a permis de découvrir également bien d'autres travaux de cet immense auteur Il y a bien sûr, aux éditions Kana, les aventures de Master Keaton, sa dernière série en date Asadora!, ou encore son premier recueil d'histoires courtes, puis le deuxième nommé Atchoum! qui vient tout juste d'arriver chez nous. Futuropolis a pu nous proposer Le Signe des Rêves, une courte oeuvre un peu à part qui exploitait le cadre du Louvre. Et bien sûr, il ne faut pas oublier, chez Panini, la fresque sportive, humoristique et parfois un peu sociale Happy!. De fil en aiguille, le public a largement pu découvrir un artiste aux multiples facettes, dont les talents ne s'arrêtent pas du tout au thriller... Pourtant, dans toute cette belle bibliographie française, il manquait encore une pièce de choix, à savoir LA pierre fondatrice du style Urasawa: Yawara! !

Si l'on excepte Pineapple Army où il n'était que scénariste (et que l'on espère toujours voir un jour publiée intégralement en France, après l'échec de Glénat qui n'en sortit qu'un seul tome sur 10 en 1998), Yawara! est la première vraie série d'Urasawa, ainsi que son premier immense succès, l'oeuvre ayant conquis à son époque nombre de lecteurs nippons, au point de la faire durer 29 tomes, ce qui fait qu'elle reste encore aujourd'hui la série la plus longue de l'auteur. Initialement prépubliée de fin 1986 jusqu'à 1993 dans le magazine Big Comics Spirits de Shôgakukan (qui est aussi le magazine de 20th CB et d'Asadora!), la série a connu en 1994 un court spin-off en un tome nommé Jigorô! et consacré au grand-père de Yawara, et elle a eu droit au fil des années à quelques nouvelles éditions dans son pays, notamment en 1998-1999 une édition bunko en 19 tomes aux couvertures très particulières, et de 2013 à 2015 une édition deluxe en 20 tomes. C'est sur cette dernière édition que les éditions Kana se basent pour enfin nous faire découvrir en langue française ce monument du maître.

Yawara!, c'est l'histoire de Yawara Inokuma, une adolescente de 16 ans qui a pour petite particularité d'avoir, en guise de grand-père, Jigorô Inokuma, une légende du judo japonais, 5 fois champion national consécutivement, mais n'ayant jamais pu briller à l'international. Depuis le plus jeune âge de Yawara, ce facétieux bonhomme s'applique avec hargne à la former au judo, à l'entraîner sans relâche, jour après jour, avec des exercices matinaux réguliers et des cours au dôjô, si bien qu'en grandissant la jeune fille est devenue une véritable championne en devenir ! Tout semble donc se passer comme l'aïeul le veut: en cette année 1986, il va enfin pouvoir tâcher de lancer la carrière de sa petite-fille, en vue de l'installer comme la plus grande judoka du pays et de la faire briller aux Jeux Olympiques de 1992 en tant que médaille d'or olympique et prix de la nation ! Mais dans ces doux projets, il y a comme un petit hic: Yawara n'aime pas le judo, ce judo qui depuis toute petite monopolise sa vie. Elle, lycéenne dans la fleur de l'âge, ne rêve que d'aller tranquillement en cours, de passer ses examens, de sortir avec ses amies, d'avoir un petit copain, d'acheter de chouettes habits... d'avoir un quotidien normal et digne des filles de son âge, en somme. Mais quand on renferme en soi un tel talent pour le judo, difficile de passer inaperçue, et la jeune fille risque fort de vite l'apprendre...

Bien loin des thrillers ayant fait le plus gros de la réputation d'Urasawa à l'international, Yawara! nous immisce d'emblée dans un récit faisant bien plus dans la tranche de vie, l'humour et le sport, pour un cocktail se rapprochant donc surtout de Happy!, série que le mangaka débuta immédiatement après la fin de Yawara! en 1993. Le lien entre les deux séries est d'ailleurs aussi complexe qu'intéressant: alors que dans les débuts de Happy! l'auteur voulut immiscer des éléments un peu plus durs et sociaux (laissant déjà envisager le futur tournant plus mâture de sa carrière à partir de Monster en 1994), nombre de fans japonais conquis par Yawara! boudèrent ce petit changement de tonalité, contraignant ensuite le mangaka à recentrer Happy! sur un plan beaucoup plus sportif.

Le premier volume repose sur un schéma assez simple mais diablement efficace, où Yawara, jeune fille en fleurs comme il pourrait tant y en avoir, cherche tant bien que mal à vivre son adolescence comme elle le souhaite, c'est-à-dire en profitant de ses amies, en rêvant d'amour et de fringues... tandis que son talent au judo apparaît de plus en plus évident. Une occasion idéale pour que, très vite, Urasawa installe toute une bonne part d'humour autour de cette donne, ainsi voit-on par exemple la jeune fille balancer de bonnes prises de judo sans problème à ceux qui l'embêtent (c'est d'ailleurs une prise en pleine rue, en jupe, qui la fera repérer par un premier journaliste sportif puis par une future rivale), se ficher royalement du judo à la télé et des provocations de sa rivale autoproclamée (alors que ça l'affiche dans tout le pays, elle préfère largement aller préparer un bon boeuf strogonoff pour un éventuel petit ami), se prendre la tête avec son grand-père qui ne veut pas lui laisser le choix... On peut quand même distinguer en filigranes le portrait d'une jeune héroïne ne pouvant pas choisir son adolescence et ce qu'elle veut faire de ses jeunes années, mais c'est bel et bien l'humour qui prime... l'humour, ainsi que les personnages et le rythme !

Ainsi, dès ces 300 premières pages, le récit est marqué par nombre de visages venant graviter autour de Yawara. Son grand-père bien sûr, mais aussi un journaliste intrigué et insistant en Matsuda, une rivale autoproclamée richissime et hautaine en Sayaka Honami, un club de judo dont le capitaine Hanazono devient vite un amoureux transi un eu benêt, un coup de foudre révélant tout autre chose en la personne de Shinnosuke Kazamatsuri... Des ces premiers visages, Urasawa fait déjà d'excellentes choses, en ne manquant pas une occasion pour proposer des situations assez délicieuse. On pense tout simplement aux personnalités elles-mêmes qui sont joyeusement clichées parfois (Sayaka est vraiment un stéréotype de grosse richarde excellant en tout et surtout en sport, Shinnosuke est, derrière son allure de beau gosse, atteint d'anxiété maladive et perd tous ses moyens en public...), mais aussi aux manigances de chacun pour faire connaître Yawara alors qu'elle veut rester anonyme (l'insistance du journaliste Matsuda, les déclarations publiques et Sayaka, et surtout les plans douteux du grand-père notamment avec le club de judo), et à un certain nombre de quiproquos parfois assez exquis, notamment autour du duo Yawara/Shinnosuke !

Ce qui frappe également à la lecture, c'est que malgré son âge et son statut d'oeuvre de jeunesse d'Urasawa, Yawara! frappe déjà très fort par sa virtuosité narrative: tout arrive quand il faut dans un rythme impeccable, les gags se disséminent efficacement tandis que l'intrigue progresse de façon logique autour de la notoriété non-désirée de notre héroïne, l'auteur n'oublie pas même d'installer discrètement des pistes supplémentaires (où sont les parents de Yawara ?)... et c'est d'autant plus efficace que le dessin a bien vieilli. Bien sûr, on a quelque chose de moins fin que pour du Urasawa actuel, mais il y a déjà chez l'artiste un goût certains pour les visages bien marqués et bien différents, et pour les découpages donnant systématiquement envie de tourner la page suivante en attente de nouveaux rebondissements. Le style Urasawa est déjà en marche, et a déjà ce quelque chose qui survit à l'épreuve du temps.

"Cette "fille en culotte", comme vous dites, sera un jour l'idole de 120 millions de japonais !"

Côté édition, Kana se calque donc sur l'édition deluxe japonaise... mais avec, probablement, un papier un peu moins qualitatif que pour l'homologue nippon. Pas qu'il soit mauvais, mais il reste fin voire un peu transparent, finalement dans les standards des plus petits formats de l'éditeur. Cela n'empêche cependant pas une impression très honnête et, surtout, un certain plaisir face au grand format (similaire aux deluxe de Master Keaton ou de Monster), à la jaquette bénéficiant d'un joli vernis sélectif, et aux 23 pages en couleurs ou en bichromie disséminées au fil du volume. Le travail de lettrage est très convaincant, à l'instar de la traduction de Thibaud Desbief, traducteur connaissant bien le travail d'Urasawa puisqu'il a oeuvré sur toutes ses oeuvres sorties en France chez Kana.

Au bout du compte, la sortie française de Yawara!, tant espérée depuis des années, ne déçoit aucunement avec un premier volume très enlevé et rythmé, qui installe une jeune héroïne aussi attachante dans ses désirs d'adolescente que forte dans sa pratique du judo, avec autour d'elle plusieurs personnages déjà truculents... L'histoire de cette demoiselle, vouée à s'étaler sur 6 années de sa vie jusqu'en 1992, ne fait que commencer et promet d'être passionnante... alors lisez-la, crévindiou!
   

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs