Yasha Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 30 Septembre 2022

Akimi Yoshida fait partie de ces mangakas incontournables au Japon mais qui ont tardé à percer en France. Active professionnellement depuis 1977, elle est de ces artistes qui ont poussé plus loin le shôjo manga, que ce soit en s'intéressant à de nombreux genres (tranche de vie, polar, thriller, action...) à travers des intrigues complexes, ou en accordant une grande importance aux descriptions psychologiques de ces personnages. Si l'autrice est particulièrement célébrée à travers le monde pour son bijou Banana Fish, plus encore depuis l'arrivée en 2018 d'une adaptation animée qui a relancé la popularité de l'oeuvre, on lui doit également un paquet d'autres séries dont une fut elle aussi publiée dans notre pays, à savoir le sublime Kamakura Diary, sorti chez Kana entre 2013 et 2019, et qui a eu l'honneur d'être adapté en film par l'illustre Hirokazu Kore-eda sous le nom Notre petite soeur.

En France, les éditions Panini semblent avoir bien senti le regain de popularité international de Yoshida depuis l'arrivée de l'anime de Banana Fish, si bien que l'éditeur, qui avait déjà édité ce manga une première fois entre 2003 et 2006, a eu l'excellente idée de lui offrir une seconde vie dans une édition Perfect dont les 10 volumes doubles sont parus entre avril 2021 et ce mois de septembre 2022, en recevant un excellent accueil. Il n'en fallait pas plus pour que Panini nous fasse le plaisir de poursuivre son exploration de la bibliographie d'Akimi Yoshida en lançant, il y a quelques jours, une édition française d'un autre de ses incontournables, Yasha.

Yasha est une série que Yoshida a lancée au Japon dans le magazine Betsucomi de Shôgakukan (avant qu'elle ne soit transférée dans le magazine Flowers), en 1996, un peu plus d'un an après la conclusion de Banana Fish, et qui peut être vue comme une suite logique dans la carrière de l'autrice puisque ces deux séries, bien que totalement indépendantes, se déroulent dans le même univers et surfent sur des thématiques et des registres assez similaires. Achevée en 2006 avec son 12e tome, l'oeuvre a remporté cette année-là le 47e Prix du manga Shôgakukan catégorie shôjo, une récompense de plus pour cette mangaka plusieurs fois primée.

Pour l'édition française, Panini a d'emblée décidé d'opter pour un format proche d'une Perfect Edition, choix astucieux afin de suivre la logique de la réédition de Banana Fish et de proposer un rendu cohérent dans les bibliothèques. On aura donc droit à 6 volumes doubles d'environ 400 pages chacun, en grand format, avec une charte graphique dans la continuité de Banana Fish au niveau de la jaquette (rendu assez sobre avec un fond uni, même police d'écriture, petit vernis sélectif). Quant à l'intérieur, il est de bonne facture, sans atteindre la qualité que l'on pourrait attendre d'une vraie édition Perfect au niveau du papier. Ce dernier a néanmoins le mérite d'être peu transparent, de permettre une qualité d'impression assez honorable, et surtout d'être très souple et très léger en permettant dès lors une prise en mains très facile. Enfin, le lettrage de Lara Iacucci est assez propre et sobre, tandis que la traduction de Xavière Daumarie reste suffisamment claire, en plus d'être agrémentée de différentes notes de traduction quand c'est nécessaire.

Yasha nous immisce auprès de Sei Arisue, un jeune garçon de 12 ans en apparence comme les autres. Grandissant à Okinawa avec sa mère Hisako, il peut toujours compter sur son précieux ami d'enfance le franc et candide Toichi Nagae qu'il ne quitte jamais, ainsi que sur Moichi, le grand frère de Toi-chan, qui veille sur les deux jeunes garçons avec bienveillance. Et tout ceci, même si certaines choses bizarres gravitent autour de Sei: il doit régulièrement faire des visites à l'hôpital depuis toujours, sa mère semble en permanence avoir peur qu'il se fasse kidnapper... Et de façon surprenante et soudaine, c'est précisément ce qui arrive un jour, quand Sei et sa mère sont brutalement arrachés à leur quotidien en étant enlevés par des hommes ressemblant à des militaires, chose que Hisako semblait craindre depuis bien longtemps, pour un résultat aboutissant sur une véritable tragédie.
Pourtant, six ans plus tard, à l'âge de 18 ans, Sei refait son apparition au Japon après des années de silence. Il ne tarde pas à retrouver son ami de toujours Toichi qui ne l'a jamais oublié ainsi que Moichi, mais les deux frères Nagae sentent bien que ce Sei-là n'est plus l'enfant d'avant: véritable génie, Sei est devenu, à seulement 18 ans, un scientifique bourré de promesses pour le compte du groupe pharmaceutique Neo Genesis, constamment accompagné de deux gardes du corps, et sa venue au Japon implique justement des recherches sur un possible nouveau virus qui aurait fait son apparition à Shinjuku. Mais au-delà de ces recherches, ce sont les interrogations autour de Sei qui pullulent, en particulier chez Toichi. Qu'est-il réellement arrivé à son précieux ami ces six dernières années ? Pourquoi devait-il aller si souvent à l'hôpital autrefois ? Pourquoi a-t-il été enlevé ? Que cachait sa mère ? Quels sont les secrets de sa naissance et de son génie ? La vérité pourrait être bien plus complexes que prévu... mais aussi bien plus dangereuses, car les menaces autour d'un être pareil ne cessent d'affluer.

Dès les premières dizaines de pages, Akimi Yoshida a pour grand mérite de nous accrocher à son récit en distillant tout ce qu'il faut de mystères sur Sei, mais aussi en ne tardant pas à nous offrir une réelle entrée en matière brutale avec l'enlèvement de Sei, un kidnapping forcément énigmatique (pourquoi prendre soin d'enlever un gosse de 12 ans qui vit pauvrement en impliquant ce qui ressemble à des militaires ?) et qui a des conséquences tragiques. Et c'est donc en ayant déjà pas mal d'interrogations en tête que survient son retour au Japon, six ans plus tard, à partir duquel la mangaka déballe un peu les mêmes bases que dans Banana Fish. On retrouve avec plaisir, sous son dessin fin capable de vrais élans de mise en scène quand les choses s'agitent, un personnage principal aux relations ambiguës et ayant beaucoup de secrets et de points d'ombre sur sa naissance et son identité et qui n'est en réalité pas maître de sa propre vie (comme Ash Lynx de Banana Fish), une amitié fusionnelle entre deux garçons bien différents (rappelant forcément le lien bâti entre Ash et Eiji dans la précédente série de l'autrice), toute une galerie de personnages secondaires qui auront leur importance et parfois déjà leurs propres aspects ambigus (Rin en tête, forcément), et à partir de là nombre de premières révélations et de premiers dangers accentuant toujours plus notre attrait pour ce récit.

Mais cette fois-ci, c'est dans le domaine des sciences et des enjeux pharmaceutique qu'Akimi Yoshida, et concrètement la mangaka s'en sort déjà très bien sur ce plan. Rapidement, l'autrice en vient à développer avec une certaine précision des choses autour des manipulations génétiques, tout en distillant nombre de problèmes autour de l'industrie pharmaceutique: espionnage industriel, sabotage, conflits juridiques autour de brevets génétiques, menaces d'organisations terroristes religieuses rejetant la science, ambitions personnelles... Le récit est déjà suffisamment touffu au bout de ces 400 premières pages, et dans ce contexte il y a de quoi avoir hâte de voir quelles évolution connaîtront Sei, Toichi et leur entourage, sachant que notre héros semblerait prêt à vendre son âme au diable pour protéger les personnes qui comptent pour lui.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction