Voyage d'ours-lune (le) - Actualité manga

Voyage d'ours-lune (le) : Critiques

Kuma to karasu

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 30 Avril 2024

La fin de ce mois d'avril est notamment marquée par le lancement, aux éditions Rue de Sèvres, d'une toute nouvelle collection nommée Le Renard Doré et vouée à se centrer sur des mangas de tous formats, de tous types, mais toujours orientés vers le jeune public, et avec la promesse d'une grande diversité narrative et d'une qualité éditoriale rigoureuse. Cette volonté de diversité, on la ressent dès le choix des trois oeuvres inaugurant la collection, parmi lesquelles on a l'occasion de découvrir pour la première fois en France Ho, une mangaka active professionnellement au Japon depuis quelques années, et ayant acquis sur ses réseaux sociaux une solide réputation grâce à ses dessins doux et chaleureux d'animaux, sa spécialité.

On la découvre dans notre langue avec Le Voyage d'Ours-lune, une oeuvre en quatre chapitres pour un total d'environ 180 pages, qui fut initialement prépubliée dans son pays d'origine entre mars et septembre 2020 au sein du magazine Crea des éditions Bungei Shunjû, avant de paraître en un unique volume broché révisé le 9 septembre de cette même année. Au Japon, ce récit porte le nom "Kuma to Karasu", signifiant littéralement "L'Ours et la Corneille", et même si le titre française a une connotation plus jolie,on regrettera quand me^me un peu qu'il occulte le personnage de la corneille, qui s'avère tout aussi importante que l'ours dans l'histoire.

Dans ce manga, tout commence par une rencontre, au fin fond de la nature. Il est appelé Ours-lune à cause d'une partie de son pelage ressemblant à l'astre lunaire, n'a jamais vu un seul autre membre de son espèce si bien qu'il est seul et solitaire depuis toujours, et aimerait trouver un endroit où il y aurait d'autres de ses congénères. Elle est surnommée Petite Corneille par l'ursidé, s'est égarée, et a besoin de retrouver son chemin pour rentrer chez elle. Ensemble, ils décident alors de voyager, dans l'espoir d'atteindre leur but respectif. Mais au bout de leur chemin commun, ils risquent de trouver bien plus que ça.

Si la recette du voyage initiatique entre deux êtres que tout oppose est bien connue, Ho a une manière assez séduisante de l'aborder, ne serait-ce qu'à travers son rendu visuel: des designs animaliers plutôt réalistes mais ayant en même temps une certaine épure et la pointe d'émotions qu'il faut dans les expressions, des décors souvent naturels et parfois urbains qui bénéficient de la même clarté, et surtout un rendu général dégageant à la fois une certaine douceur et une pointe de naïveté, pour un résultat global qui est apte à plaire à tous les âges.

Sous ce style graphique appréciable, on suit alors avec intérêt un périple qui, évidemment, va être jonché de pas mal de choses. Des paysages différents, allant de la forêt à la mer en passant par des montagnes à gravir, une rivière à traverser, un volcan, ou encore quelques lieux d'activité humaine (un tunnel, un ferme...). Mais aussi des rencontres, comme des animaux de la ferme craintifs ou une chouette âgée pour servir de guide. Et, surtout, une évolution marquante de ses deux personnages centraux initialement si seuls, pour ce qui deviendra pour eux deux une véritable quête initiatique afin de mieux se cerner eux-mêmes. Lui a toujours été seul, si bien qu'il s'est plutôt habitué à son côté solitaire, au point de même dire au début à Petite Corneille que ce n'est pas grave si elle ne revient pas le voir. Elle, comme nous le découvrirons plus tard dans le récit, a toujours tâché de se débrouiller toute seule pour survivre. Ce voyage à deux sera alors l'occasion pour eux de découvrir l'entraide et le vivre-ensemble et de nouer une amitié peu commune et assez tendre dans son genre, même si cet aspect-là est plutôt rapide. Si bien qu'à l'arrivée, au fil d'une dernière partie de tome proposant des révélations à la fois fortes et cruelles autour de Petite Corneille (quand on vous dit qu'elle a autant d'importance qu'Ours-lune...), il sera difficile de ne pas ressortir touché voire ému par l'histoire commune de cet attachant binôme.

Enfin, Ho a même le mérite de ne pas s'arrêter tout à fait à ça: on peut souligner quelques réflexions rapides sur le concept du voyage, une mise en évidence de l'impact envahissant que l'être humain peut avoir sur la nature et sur les animaux de diverses manières (pièges, déforestation, plantation d'un autre type de forêt pour l'exploiter, urbanisation...), ou encore une certaine symbolique liée aux astres : les étoiles sont évoquées quelques fois, la Lune du pelage de l'ursidé et le renvoi de la corneille au Soleil (via Yatagarasu) semblent nous dirent que les opposés peuvent aussi nouer des liens forts...

Au bout du compte, on a droit ici à un conte initiatique animalier particulièrement joli dans l'ensemble, suivant un déroulement assez simple mais bénéficiant d'un beau rendu visuel pouvant plaire à tout le monde et d'une petite intrigue attachante et touchante. On conseillera sans problème Le Voyage d'Ours-lune au plus grand nombre, d'autant que son édition en grand format est soignée: la jaquette reste fidèle à l'originale japonaise (tout en ayant la bonne idée d'occulter le cadre vert de la version nippone qui tronquait un peu l'illustration), le logo-titre est soigné, le papier bien épais et assez opaque permet une très bonne qualité d'impression, le lettrage est propre, et la traduction assurée par Aurélien Babet du Studio Charon est très claire.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction