Voix du ciel (les) - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 15 Octobre 2019

Parallèlement aux publications des éditeurs professionnels, le milieu de l'auto-édition reste encore et toujours foisonnant, en pouvant révéler bien des talents insoupçonnés, et c'est également le cas dans les oeuvres inspirées de la culture nippone, que ce soit en manga, en roman ou autre. Aujourd'hui, notre regard se pose sur l'une de ces oeuvres "amatrices": Les Voix du Ciel, une nouvelle conçue par deux artistes que les habitué(e)s des conventions connaissent peut-être déjà: tandis que Cadenza est à l'origine et à l'écriture des 42 pages de cette oeuvre, Eternal-S y signe les 4 illustrations (5 si on compte la couverture) accompagnant le récit. Cette artiste, en plus de ce qu'elle peut faire an "amatrice", nous la connaissons également par ici pour une parution professionnelle, Sweet Desire, un joli boy's love qu'elle avait pu publier en 2013 aux éditions Asuka.

Les Voix du Ciel, c'est un récit en deux temps, s'inspirant de deux contes bien connus du folklore nippon: "Le moineau à la langue coupée", et "L'homme qui épousa une renarde". Si l'inspiration est assez forte, Cadenza es très loin d'en faire un copier-coller, et s'appuie sur cette base japonisante pour développer une histoire en deux temps, en deux parties finalement connectées.
La première partie nous plonge dans un Japon ancien et reculé, aux côtés de Nozomi, un jeune garçon qui, dans son village de vallée, ne rechigne jamais à la tâche dans son travail des champs, tout en s'éveillant tous les jours aux doux chants d'un Moineau japonais, être mi-humain mi-moineau, au bas du corps de volatile mais au haut humain et parcouru d'une longue chevelure blonde. Le jour où ce moineau, qu'il aime tant écoute jour après jour, vient lui demander un peu de riz, c'est le début entre eux d'une belle amitié qui évoluera au fil du temps en autre chose. Du moins, jusqu'au jour où un bref égarement du Moineau ne provoque un drame.
La deuxième partie, elle, nous plonge encore plus dans le passé, auprès de Sakuya, une domestique au sien de la maison Saotome, tout ce qu'il y a de plus banal. Un peu maladroite mais exerçant ses fonctions jour après jour, elle ne rechigne pas à la tâche elle non plus, du moins jusqu'à ce que son maître revienne d'un voyage avec Dame Seika, une magnifique femme qu'il va épouser et dont elle va devenir la plus proche servante. D'emblée époustouflée par la splendeur de sa maîtresse, Sakuya poursuit inlassablement, avec application, ses tâches de domestique, puis de nourrice quand le couple a un enfant. Mais Dame Seika cache une chose que le chien Aika est le premier à sentir, et quand la vérité se dévoile les choses sont vouées à prendre un nouveau tournant.

Des deux contes initiaux, Cadenza garde les grandes lignes, la substance-même, mais y mêle des idées tout à fait intéressantes, comme la nature exacte du Moineau ou le focus sur Sakuya, afin de développer toute une thématique autour, notamment de l'amour. Le plus évident étant une certaine vision du sentiment amoureux dépassant toute frontière préétablie, ainsi il n'est pas difficile de voir dans la relation amoureuse si belle et pure entre Nozomi et le Moineau une mise en valeur des sentiments quelle que soit la "race" ou le sexe, ce qui est assurément bénéfique. Et il en est un peu de même concernant la passion que Sakuya a pour sa maîtresse, qu'elle ne pourra jamais oublier. Mais l'amour peut prendre différentes formes, d'autre étant éventuellement plus belles, et tandis que la relation entre Nozomi et le Moineau a quelque chose de simple, de puissant et de sincère apte à s'affranchir des épreuves, l'amour tel que Sakuya le vit a quelque chose de plus obsessionnel et douloureux, au risque de la mener dans une forme de malheur. En cela, les deux parties de l'oeuvre, bien emboîtées, finissent par se répondre de façon maligne, mêlant beauté et cruauté et évoquant des choses parfois fort tristes concernant l'espèce humaine, comme cette tendance à vouloir rendre malheureux les gens heureux comme pour essayer de noyer son propre malheur.

Les deux histoires en elles-mêmes, en plus d'être bien différentes et prenantes, sont donc, en filigranes, porteuses de sujets assez forts, et Cadenza parvient à les emballer dans une atmosphère typiquement nippone retranscrite avec moult détails, allant des nombreuses petites références typiques de la culture traditionnelle japonaise, à de nombreuses petites descriptions retranscrivant l'univers dans une certaine fascination mêlée de poésie. la plume de Cadenza est globalement agréable, peu ampoulée, fluide, dégage une certaine douceur, ainsi que des allures de véritable conte nippon avec sa narration au passé et sa quasi-absence de dialogues (il n'y en a que quelques-uns, de courtes phrases riches de sens).

Sur le plan visuel, Eternal-S donne très joliment vie à l'univers de Cadenza à travers ses illustrations fines, joliment colorisées, mettant bien en valeur les personnages folkloriques, leur design original et leur tenue japonisante.

En somme, les Voix du Ciel s'avère être une très belle lecture, jusque dans son final marquant. Si l'oeuvre vous intéresse, elle peut être précommandée depuis le 14 octobre sur le site vesperal-edition.com.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction