Vinland Saga Vol.10 : Critiques

Thorfinn est toujours esclave au Jutland, dans la ferme de Ketil. Il vit désormais sa vie dans la fadeur, incapable de remonter la pente depuis la mort d'Askeladd, dont la disparition était son seul objectif dans la vie. Pourtant, sa façon de voir les choses pourrait bien changer, grâce à plusieurs personnes, à commencer par Einar, cet autre esclave fraîchement arrivé, qui a vite fait de considérer notre héros comme un ami. A son contact, l'évolution de Thorfinn commence à être réellement palpable. Avec cet homme à ses côtés, celui qui était autrefois exclusivement nourri par le désir de vengeance s'est ouvert au sens du mot "amitié". Un premier pas a été franchi dans la reconstruction de notre héros, mais le plus dur reste à faire, et d'autres protagonistes sont là pour lui permettre d'aller dans ce sens.

Ainsi, le vieux maître prend ici plus d'importance, comme prévu, en montrant une certaine bonté envers les deux esclaves, alors même que le statut difficile de ces derniers est mis en avant comme une sorte de contradiction, que ce soit par le biais des coups bas des valets de ferme ou via le destin sans porte de sortie qui semble être dressé pour la belle Arneis. Ainsi, alors qu'on se délecte toujours autant de la peinture de la société d'époque que nous offre Makoto Yukimura, de cette ambiance agricole et de cette hiérarchie plus que houleuse au sein de la ferme, on ressent bien chaque étape de l'évolution de Thorfinn, et ici les paroles du vieux maître en ce qui concerne cet "homme vide" trouvent un véritable écho en lui.

Plus discret vis-à-vis de Thorfinn, Ketil possède pourtant lui aussi son importance, et reste même l'un des personnages les plus intéressants du volume. Les événements ne cessent de pleuvoir autour de celui qui était surnommé avant "le poing de fer" et était réputé comme un vaillant combattant, et pourtant, chaque épreuve se dressant face à lui laisse un peu plus entrevoir sa véritable personnalité, du retour d'un fils dont il a à présent peur tant il est devenu droit et fort mais sans pitié, à la punition qu'il doit infliger à contrecoeur à des enfants qui l'ont volé. Indéniablement, on trouve ici une personnalité intéressante, qui influe indirectement sur la condition d'esclaves de Thorfinn et Einar via ses décisions, et qui pourrait bien continuer à prendre de l'importance tant ses valeurs, qu'il a du mal à assumer, semblent par certains égards proches de celles que Thorfinn doit chercher à acquérir.

Via ces différents personnages, tout est habilement mis en place pour l'évolution de Thorfinn, qui en arrive même à déclarer lui-même que la vengeance ne mène à rien, lui qui y a voué tant d'années de sa vie. Et pourtant, le pas le plus important, Thorfinn doit le franchir lui-même, par ses propres moyens, et combattant les fantômes de son passé, ou en se reposant sur eux. Et cela a lieu par l'intermédiaire d'un rêve pour le moins étrange, un rêve où notre héros, et le lecteur par la même occasion, retrouve avec émotion des personnages qui l'ont accompagné pendant les huit premiers tomes de la série. Après les différentes étapes enclenchant l'évolution de Thorfinn, tout se concrétise ici via un passage habile, aussi glauque que mystique, et où, cerise sur le gâteau, on pourra apprécier un autre talent de Makoto Yukimura, qui croque de manière immersive une ambiance beaucoup plus macabre.

On se retrouve donc à nouveau avec un tome captivant, où les événements et nouveaux personnages du tome 9 prennent tout leur sens, où différentes atmosphère se côtoient avec harmonie, et où le nouveau Thorfinn semble enfin naître à la toute fin, annonçant ainsi un onzième volume qui promet beaucoup, mais qui risque de se faire attendre longtemps.