Vie de Mizuki (la) Vol.1 - Manga

Vie de Mizuki (la) Vol.1 : Critiques L'enfant

Boku no Isshou wa Gegege no Rakuen da

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 16 Octobre 2015

Shigeru Mizuki est connu pour être un mangaka emblématique, créateur du célèbre Kitarô le repoussant. L’univers de ce petit personnage a été décliné sous des formes très diverses depuis sa création, en 1959. Mizuki est immensément reconnu dans son pays pour lui avoir donné vie, et pour avoir dessiné de nombreuses histoires autour des yokai, les monstres du folklore nippon.

Mais Mizuki a aussi, à plusieurs reprises dans sa carrière, évoqué sa jeunesse terrible : sa mobilisation pour l’armée japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale. Il l’a fait par exemple dans Opération Mort, où il décrit de manière plus ou moins proche de la réalité son vécu en Nouvelle-Guinée, et NonNonBâ, où il dresse le portrait d’une vieille dame qu’il côtoyait petit, et qui lui a donné le goût des légendes des yokai. Mais l’auteur, né en 1922 (et toujours mangaka à l’heure actuelle !) a ressenti le besoin, au début des années 2000, d’écrire un récit le plus réaliste possible sur sa vie. C’est ainsi qu’est né Mizuki Shigeru Den, ou Vie de Mizuki en version française aux éditions Cornélius.

Mizuki est un mangaka qu’on pourrait qualifier d’être de « l’ancienne école ». Il n’a pas été influencé par Tezuka et ses grands yeux humides par exemple. Il n’a pas non plus un rythme de narration technique et moderne : il se contente d’enchaîner l’évocation des faits qu’il raconte, souvent sur très peu de cases, et avec parfois un manque de liant. Et pourtant, son récit est absolument passionnant, non seulement parce que Mizuki a des choses intéressantes à dire, mais aussi parce que sa façon de raconter son passé est pleine de charme.

Pour cela, il démarre son récit dès sa naissance, et le tome 1 se clôt en pleine mobilisation en Nouvelle-Guinée. On y découvre un tempérament très étonnant chez l’auteur, qui ne se montre pas plus noble qu’il ne l’est. Il se décrit comme un goinfre, bagarreur durant son enfance, et très feignant et flegmatique dans sa vie de jeune adulte. D’un artiste accompli, on pourrait imaginer quelqu’un qui décrit de manière désabusée le monde violent qui l’entoure, ou éventuellement des causes à défendre. Si à certains moments, il parle du contexte géopolitique de manière détachée, il ne juge rien de la politique japonaise de l’époque et ses adversaires, ni des exactions commises par les armées durant la Seconde Guerre mondiale. Vie de Mizuki est l’histoire d’un jeune homme, vaguement intéressé par les Beaux-arts, fasciné par les légendes anciennes des yokais, qui aime bien bouffer et flâner. Et ce jeune homme va se retrouver embarqué dans l’enfer de la violence, un univers qui n’est pas fait pour lui.

Les presque 500 pages de ce gros volume se lisent et s’avalent très facilement, grâce à l’alchimie résultant d’un dessin tantôt rond et amusant, tantôt très détaillé (pour les phases documentaires). L’immersion dans le Japon des années 1920 à 1940 est totale. Shiguri Mizuki est un excellent conteur, qui nous fait part constamment, dans sa bibliographie, de son goût pour la spiritualité. Avec Vie de Mizuki, on comprend le cheminement de celui qui deviendra cet auteur à la longévité exceptionnelle, tant marqué par sa jeunesse difficile que ses succès critiques et populaires dans son pays d’origine.

L’édition de Cornélius est coûteuse, mais la qualité de l’ouvrage ne se dément pas : grand format, couvertures cartonnées et jaquette américaine, papier d’un blanc d’immaculé et d’une épaisseur parfaite… Pour chipoter, on peut noter quelques coquilles et discuter du choix de la non-traduction de certaines onomatopées, mais c’est un vraiment un bel ouvrage, qui permet une lecture particulièrement agréable de ce chef d’œuvre de la bande dessinée japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Raimaru
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs