Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 11 Juillet 2022
Novembre 2020. Un nouvel éditeur apparaissait sur le marché français du manga, à savoir Noeve Grafx avec une oeuvre ne ressemblant à aucune autre: Veil, dont les deux premiers volumes furent alors proposés non seulement en édition unitaire, mais aussi sous la forme d'un ravissant coffret les réunissant. Depuis, bien du chemin a déjà été fait par la maison d'édition, qui a su proposer des sorties de qualité malgré les aléas dus notamment aux pénuries de papier. Grâce à Noeve Grafx, on peut enfin profiter de séries longtemps espérées dans notre pays telles que Welcome to the Ballroom, Miss Kobayashi's Dragon Maid, Coppelion ou encore Hôzuki no Reitetsu, mais aussi découvrir des petits bijoux un peu plus méconnus comme Une brève histoire du Robo-sapiens ou A tire d'aile. Mais Noeve Grafx n'a jamais oublié l'oeuvre qui lui a permis de se faire connaître, cette oeuvre si atypique qu'est Veil. Tant et si bien qu'une superbe édition collector du tome 3 est sortie en janvier dernier (nous ne reviendrons pas sur ce collector ici, car cela a déjà été fait dans la fiche qui lui est dédiée), et que la mangaka Kotteri! sera l'une des deux seules mangakas japonaises (avec Yuka Nagate invitée par les éditions Mangetsu) à faire le déplacement en ce mois de juillet à Japan Expo, événement pour lequel sortira le 4e volume de l'oeuvre. L'événement approchant à grand pas, il était plus que temps pour votre serviteur d'enfin revenir sur le tome 3, qu'il a pris tout le temps de déguster tranquillement, au même rythme paisible que les brefs moments passés ensemble par "Elle" et "Lui".
On retrouve donc ici, avec un plaisir intact, une nouvelle slave de ces instants presque fugaces, quasiment anecdotiques, et donc foncièrement beaux, que les deux personnages principaux passent ensemble. Des instants qui peuvent prendre bien des formes: Elle qui demande à toucher le visage de Lui, Lui qui revient avec la voie un peu enrouée, Elle qui ressent une démangeaison, le vent qui fait des siennes, un passage dans un ascenseur réputé dangereux, Elle qui égare une bague ou qui découvre les ballons de baudruche, Lui qui perd son marque-page ou qui se rase, une partie de pierre-feuille-ciseaux avec un gamin dans la voiture de devant, une simple discussion sous le ciel étoilé.
Difficile de faire plus anecdotiques que ces moments-là. Et pourtant, ce sont bien ces petits instants que Kotteri! parvient à sublimer en faisant ressortir en permanence le lien à part qui existe entre ses deux personnages principaux, qui semblent souvent en osmose même quand ils se taquinent un peu, et qui paraissent représenter tant l'un(e) pour l'autre alors même qu'il ne se passe rien de plus entre eux deux. Rien de plus, ou presque, car Kotteri! fait quand même légèrement évoluer sa recette: certains chapitres sont un peu plus longs (même s'ils restent courts par rapport à du manga "classique"), les non-dits laissent un eu plus place à des conversations pouvant soudainement laisser place à quelques petites confidences entre deux phrases "passe-partout"... En particulier, on sent qu'Elle reste un personnage vraiment à part, dont la candeur digne d'une personne découvrant le monde (et c'est un peu son cas, comme nous le montre sa découverte des ballons) côtoie une élégance permanente et un sens de la formule, et dont les instants où elle se confie un petit peu sur sa famille témoignent bien de sa connivence avec Lui, cet homme qu'elle n'a pas besoin de voir pour vraiment le regarder.
Il reste toujours, enfin, ce style si unique de Kotteri!, faisant tout le charme de l'oeuvre, et qui est sublimé par la qualité éditoriale de Noeve Grafx. Ces brefs chapitres entrecoupés de superbes illustrations, de croquis, de brèves nouvelles. Ce trait d'une finesse rare qui se voit renforcé par les couleurs pour atteindre des sommets d'élégance. Ce goût prononcé pour la mode avec une héroïne qui change à chaque chapitre de tenues qui, quelle qu'elles soient, lui vont toutes à merveille.
Veil reste donc parmi ces lectures précieuses dans lesquelles on aime se plonger à petites doses pour en apprécier la moindre page, pour profiter du moindre moment de saveur que Kotteri! a à nouveau apporter, un peu comme on savourerait tranquillement tous les arômes d'un bon thé.