Vampyre - Edition Reliée Vol.1 - Actualité manga

Vampyre - Edition Reliée Vol.1 : Critiques

Warau Kyûketsuki

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 06 Novembre 2019

En cette année 2019, tout en nous proposant des récits de Suehiro Maruo inédits en France comme Dr Inugami ou Gichi Gichi Kid, Le Lézard Noir a décidé de rééditer l'une des des oeuvres considérées comme une pièce maîtresse de l'auteur, dans une édition conforme aux critères que l'éditeur s'est imposé depuis quelques années sur ce mangaka: couvertures en carton rigide, reliure luxueuse, papier bien épais, excellente impression... De l'excellent travail, en somme.

Cette pièce maîtresse de la carrière de Maruo, une première fois sortie en France en 2006 en édition souple, il s'agit de Vampyre, alias Warau Kyûketsuki en version originale. Une oeuvre en deux épais volumes, chacun de ces deux volumes étant évidemment connectés par ses personnages, mais proposant un récit et des ambiances différentes. Après un premier tome dessiné en 1998-1999, Maruo a fait une pause de quelques années, pour finalement concevoir le tome 2 en 2003.

Vampyre voit le maître de la décadence et de l'ero-guro se réapproprier l'un des plus célèbres des mythes, celui du... tadaaam, vampire. Un sujet surexploité (le mot est encore trop faible), mais que l'artiste culte explore évidemment à sa sauce, et avec son style bien à lui. A travers la transformation en vampire d'une femme jugée répulsive et démoniaque dans un Japon d'après-guerre forcément chaotique et jonché de cadavres, Maruo ne nous offre pourtant qu'une toute petite entrée en matière, avant de nous propulser dans le Japon contemporain, où tout semble partir en vrille de façon malsaine pour une jeunesse qui se noie comme elle peut dans ses illusions et ses peurs. Ici, une collégienne encaisse de l'argent en échange de son corps qu'elle offre à un papi sur son lit d'hôpital. Là, d'autres jeunes filles vendent leurs culottes à des libidineux. Encore ailleurs, un groupe de gosses s'adonne aux orgies après avoir pris de la drogue... Le point commun de tous ces jeunes ? Ils finissent très mal, dès lors qu'ils croisent la route de Kônosuke Môri, un garçon de leur âge et de leur collège qui était encore un garçon normal avant de croiser la route de la femme-vampire du tout début, de se laisser amadouer par celle-ci, et de se faire mordre en ne pouvant bientôt plus contrôler ses pulsions, sa soif de sang, et son désir de servir celle qui l'a transformé. Ce qui inclut l'enlèvement et le meurtre de bébés pour que la madame puisse se baigner dans leur sang.

Bref, vous l'aurez déjà compris, et de toute façon si vous êtes déjà fan de Maruo vous le savez très bien: cet artiste n'est pas du genre à prendre des pincettes. Toutes les scènes les plus malsaines et les plus gores, il les expose sans tabou, violemment, jusqu'à la nausée, afin de marquer de façon indélébile la rétine de son lecteur, de jouer avec la limite de ce qu'il peut accepter (jusqu'à parfois susciter une fascination malsaine), mais aussi de marquer comme il se doit son propos.

Car un propos, il y en a bel et bien un, qui se ressent à travers le parcours des différents personnages enfants. Il y a ceux qui, en cherchant à se frotter à la violence du monde en s'enfonçant d'eux-mêmes dans la déchéance que ce monde permet (sexe pour de l'argent, orgie, drogue...), attirent le pire sur eux. Celui qui, en la personne de Môri, semble presque avoir choisi de lui-même sa transformation en vampire et s'y complaît presque désormais en se laissant aller à ses pulsions. Celui de la vraie figure-phare de ce tome 1, Luna Miyawaki, jeune fille bien plus pure que les autres (au point d'être horrifiée en découvrant ce que sa copine fait à l'hôpital) mais qui est vouée à subir elle aussi une transformation psychologique (puis physique) brutale après avoir connu l'une des pires choses que l'horreur du monde adulte peut montrer (pour être clair, un viol, montré de façon crue par l'auteur). Puis celui de Soto-O Henmi, garçon un peu moins sage qu'il n'y paraît et se retrouvant bientôt impliqué dans tout ceci... Des cas extrêmes où, au-delà de son goût pour la décadence et l'absence de morale, il est difficile de ne pas voir des métaphores de la confrontation de ces enfants à ce qui est de l'ordre de l'adulte, d'un certain passage à l'âge adulte, souvent forcé et brutal. Et suivre le parcours sanglant et malsain des ces jeunes, en particulier du trio Môri-Miyawaki-Henmi devient vite une course au rythme effréné, de plus en plus dérangeante et captivante, surtout jusqu'à cet instant où une Miyawaki transformée obtient sa vengeance.

Bien sûr, le trait de Maruo est aux petits oignons. Ses designs typiques sont bien là, ses noirs font des merveilles, certains découpages aussi brutaux que lancinants sont puissants, ses quelques cases où il décompose les visages ont quelque chose d'hypnotique, certaines mises en scène ont un excellent côté théâtral... L'auteur est au summum de sa forme sur le plan visuel.

A condition d'avoir évidemment le coeur bien accroché (mais sans ça, vous ne liriez pas du Maruo) et malgré quelques moments où l'on sent que ça va trop vite dans les transitions, ce premier acte de Vampyre captive, d'un bout à l'autre. Rendez-vous est pris pour la deuxième et dernière partie, où l'auteur changera encore de tonalité.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs