Utsubora Vol.2 - Actualité manga
Utsubora Vol.2 - Manga

Utsubora Vol.2 : Critiques

Utsubora

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 27 Février 2023

La police, emmenée par l'inspecteur Mochizuki et Kaiba, poursuit son enquête sur le décès d'Aki, qui reste particulièrement flou. S'agissait-il vraiment d'un suicide ? Est-ce seulement, bel et bien, Aki qui est décédée ? Le doute est d'autant plus fort que Sakura, cette femme qui s'est présentée comme état la soeur jumelle d'Aki, reste elle-même nébuleuse, et ne cesse de tourner autour du romancier Mizorogi qui semble avoir un lien étroit avec elle, quand bien même il le nie. L'écrivain, qui a enfin renoué avec le succès via son nouveau roman-feuilleton Utsubora, semble réellement au coeur de cette affaire. De leur côté, Tsuji et Yatabe se retrouvent à tenir compagnie à Koyomi restée seule dans la demeure de son oncle adoré Mizorogi, et s'interrogent sur quelque chose qui les intrigue de plus en plus: Mizorogi est-il vraiment l'auteur d'Utsubora ?

Pièce maîtresse de la carrière d'Asumiko Nakamura, Utsubora séduisait énormément au fil de son premier volume où, en plus de jouir d'un style visuel et narratif aussi personnels qu'exemplaires, la mangaka nous gardait constamment accrochés, grâce à sa manière de brouiller constamment les pistes, de déconstruire ce que l'on pensait pouvoir considérer comme acquis au fil des pages. Avec cet imposant 2e et dernier tome d'environ 250 pages, l'autrice récidive: alors même que des vérités se dessinent bel et bien et se confirment au fil de la nébuleuse intrigue, d'autres éléments sont encore retournés, jusqu'à garder une part de flou jusqu'à la quasi toute fin. On va éviter de parler de tout ça de façon détaillée, afin de ne gâcher aucune surprise, mais l'on peut dire qu'ici beaucoup de choses sont question de faux-semblants, avec des personnages qui ne sont pas toujours tout à fait ce qu'ils semblent être.

Cette question des faux-semblants, des apparences trompeuses, Nakamura ne cesse de jouer dessus, à différents degrés. Quatre degrés, pour être précis. Il y a, tout d'abord, le sujet de l'identité bien sûr, particulièrement à travers l'insaisissable mystère de Sakura (ou Aki ? Ou une autre encore ?), sur lequel l'autrice brouillera magnifiquement les pistes jusqu'au bout comme déjà dit. Il y a ensuite les secrets, les choses que l'on cache consciemment à autrui, par exemple Sakura qui n'est pas claire sur qui elle est, Koyomi qui enferme en elle depuis toujours ses sentiments tabous, ou encore Mizorogi qui a longtemps tu ce qu'il pense exactement de Yatabe et qui, bien sûr, a caché bien des choses sur son nouveau roman. Puis il y a simplement ces instants en forme de pulsions où, soudainement, apparaît en nous un "autre moi" que l'on ne se connaissait pas forcément, à l'image de certains moments où Tsuji, cet homme si brave et digne de confiance, manque de montrer une part plus sombre sous la pression et les désillusions. Et il y a, enfin, un autre élément central dans ce récit: les fantasmes, et la manière dont ceux-ci peuvent nous faire voir sous un angle biaisé les choses, les gens, en brouillant les frontières avec la réalité. Nombre de moments, à la lecture, jouent en profondeur sur cette notion de fantasmes qui, dans Utsubora, se révéleront au coeur de beaucoup de choses. Dans tout ça, il y a en permanence l'idée que l'autre n'est jamais exactement comme on le perçoit. Nakamura pousse fort bien le sujet assez loin, en questionnant notamment le regard subjectif que l'on porte forcément sur autrui en l'altérant quasi systématiquement.

La profondeur de ce polar, où rien n'est jamais exactement ce qu'il semble être, ne s'arrête pas là puisque le sujet est idéal pour que la mangaka dresse toutes une sorte de mise en abyme sur le propre milieu dans lequel elle travaille, à savoir celui de l'écriture. On notera volontiers quelques petits coulisses du milieu de l'édition: difficulté de ne pas se noyer dans la masse face à la surproduction de livres, fonctionnement des jurys des concours quand il y a beaucoup de manuscrits en lice... mais on retiendra surtout toute une réflexion sur le statut d'écrivain et plus généralement d'auteur: jusqu'où leur oeuvre leur appartient, l'idée qu'ils gagnent leur croûte en couchant sur papier leurs fantasmes (encore eux), le fait qu'eux-même puissent devenir des objets de fantasmes auprès des fans, le rapport parfois délicat avec leur lectorat, le fatidique syndrome de la page blanche où l'écrivain bloque, n'arrive plus à écrire naturellement et manque d'idées...

Quant à la patte narrative et visuelle de la mangaka, elle reste impeccable jusqu'au bout. En plus d'offrir encore ses si reconnaissables designs fins et élancés ainsi que ses tendances à l'épure, Nakamura livre des merveilles de découpages parfois classiques et souvent ambitieux, et attire toujours notre oeil où il faut. La petite part d'érotisme, où les personnages sont précisément plus à nu que jamais, conserve elle aussi son intérêt en n'étant jamais gratuite. Entre autres, là où les scènes érotiques impliquant Sakura ont toujours quelque chose de sensuel, de mystérieux et de fascinant qui en entretenant la nébulosité du personnage, il y a au contraire cette scène de sexe un peu plus brute de Tsuji au club qui vient cristalliser sont état d'esprit.

Entre son style léché, travaillé et personnel, son captivant récit tout en faux-semblants et ses nombreuses réflexions profondes, Utsubora est bel et bien un sommet du polar, parfaitement mené d'un bout à l'autre. Un indispensable dans la carrière d'une autrice qui, quel que soit le registre dans lequel elle officie, parvient toujours à nous fasciner.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs