Manben - L'artbook de Naoki Urasawa (2010) - Actualité manga

Manben - L'artbook de Naoki Urasawa (2010) : Critiques

Manben

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 27 Juin 2012

Lorsqu’on évoque le nom de Naoki Urasawa, on pense à ses incroyables scénarios et l’ambiance qu’il parvient à instaurer à travers sa narration. Mais il reste également un dessinateur, et après 25 années de carrière et un succès monstrueux qui s’est étendu bien au-delà du Japon, il est normal que l’éditeur japonais qui le publie décide de sortir un artbook à son nom. Quelque temps plus tard, Panini, qui possède les droits de 20th Century Boys et Happy !, l’édite pour la France.

Quand on compare avec certains autres auteurs qui ont une grande longévité, on peut facilement compter jusqu’à trois artbooks pour leur compte. Dans le cas d’Urasawa, étrangement, l’artbook Manben est le seul qui existe, et étant donné qu’il doit résumer trente ans de dessins, il se devait d’être imposant. Et pour preuve : nous avons droit à pas moins de 200 pages d’Urasawa, de ses gribouillages d’enfant dans les années 1970, à ses plus belles réalisations actuelles, avec des artworks de Pluto et 20th Century Boys, sans oublier les œuvres qui l’ont révélé, à savoir Yawara, Happy ! et Monster, ainsi que des dessins indépendants, créés lors d’une pause entre deux chapitres. En revanche, point de Master Keaton ni de Billy Bat, le premier posait des problèmes de droit à l’époque de la parution de l’ouvrage, le second était une série trop fraiche et publiée par un concurrent au Japon, qui plus est. On peut aussi noter la présence d’illustrations réalisées pour des magazines de rock ou des livres pour les enfants.

L’ouvrage est découpé par thématiques (personnages masculins, secondaires, féminins, scènes d’anthologie, …), et chaque page de garde d’une thématique présente une photo de l’atelier d’Urasawa où on peut parfois apercevoir le maître, agrémentée d’un commentaire de sa part. On a aussi droit ça et là à des commentaires sur ses séries en elles-mêmes, comment lui est venu l’idée, quelles obstacles il a rencontré pour la faire publier. Si on fait le total des lignes d’écritures, ça ne fait beaucoup, mais c’est tout de même très agréable qu’on puisse avoir un point de vue d’Urasawa sur ses œuvres qui ont tant passionné les lecteurs de manga. C’est tellement rare, pour la francophonie en tout cas, qu’on l’apprécie d’autant plus.

Pour cette présente chronique, il serait assez malvenu de juger la « beauté » du trait d’un auteur. Les sensibilités de chacun sur l’esthétisme d’un dessin ne se justifient pas, c’est la définition même de l’art. S’il faut toutefois en parler, il faut savoir que le trait d’Urasawa ne fait pas toujours l’unanimité auprès du grand public. Urasawa s’inspire un peu (pas entièrement non plus) des styles des dessinateurs de bandes dessinées européens. Ça se voit dans les appendices nasals proéminents de certains protagonistes notamment, et d’une manière générale dans les traits exagérés de certains types de personnages, notamment les personnages à forte corpulence ou les vieillards. Et c’est sûr qu’au premier abord, le lecteur n’est pas séduit par ce type de courbes. Pourtant, il a croqué des personnages très agréables à regarder, à l’instar de Nina de Monster dont on a droit à plusieurs artworks ici. Mais finalement, il suffit d’aiguiser un peu mieux son regard pour tout de même constater que les personnages d’Urasawa, qu’ils soient beaux ou moches, ont des expressions très bien fichues, compliquées, qui veulent à la fois en dire beaucoup et pas grand chose. À cela, on ajoute le détail incroyable des décors, et il devient incontestable de dire qu’Urasawa a une technique et un style. C’est après au lecteur d’adhérer ou non.

Là où l’on s’amuse, c’est d’apercevoir l’évolution du style de l’auteur. Comme tous les auteurs débutants, il a commencé par chercher son style avant de trouver le sien. Ses dessins d’enfant des années 1970 évoquent indubitablement Shôtarô Ishinomori, ses travaux de professionnels débutants s’inspirent d’Otomo jusqu’à la publication de Pineapple Army. En effet, dès la fin des années 1980 avec Yawara !, son emprunte s’est constituée et à partir de ce moment et son trait s’affine sans perdre ce style jusqu’à aujourd’hui.

Enfin, finissons par parler d’une catégorie d’artworks surprenante, mais qui peut être vue comme la partie la plus intéressante de cet artbook, puisqu’il dévoile un peu la personnalité du Monsieur : « griffonnages d’après mes débuts ». Cette catégorie regroupe tous les dessins qu’Urasawa a réalisés pour son propre plaisir ou pour tester des techniques graphiques. On aperçoit ainsi son attrait pour les guitaristes, les États-Unis et les jolies dames. C’est là qu’on s’aperçoit qu’Urasawa n’est pas seulement en conteur d’histoires. En plus du rock, Urasawa est réellement passionné par le dessin, il ne fait pas ça seulement pour décorer ses scénarios. Sinon, il ne passerait pas autant à faire ces illustrations qui n’ont pas beaucoup d’utilité, si ce n’est pour compléter d’une bien belle manière une galerie d’illustration de l’auteur.

Mesdames, Messieurs les lecteurs de mangas, rassurez-vous sur un point : Panini nous livre une excellente copie. Les pages sont glacées, les couleurs ressortent très bien, tous les textes ont été traduits. Le seul petit reproche à faire peut-être, c’est la couverture un peu fragile, sans jaquette.

En conclusion, ce « Manben » n’est pas un artbook comme les autres, puisqu’il ne contente pas que les fans de l’auteur. Il parle également aux dessinateurs dans l’âme, qui pourront reconnaitre la passion d’Urasawa pour l’illustration, et, pourquoi pas, se retrouver en lui. Et ça, c’est assez formidable pour être signalé.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Raimaru
19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs