Undead Girl Murder Farce Vol.1 - Actualité manga

Undead Girl Murder Farce Vol.1 : Critiques

Undead Girl Murder Farce

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 24 Avril 2024

Il convient aujourd'hui de dire que depuis son revival en 2019, la maison Panini a trouvé un certain équilibre entre les rééditions de ses titres forts qui manquaient cruellement ou qui méritaient une nouvelle jeunesse, et les nouvelles œuvres qui ont mis ou remis en lumière des artistes de talent (citons Yû Itô, par exemple). Le chantier reste encore vaste du côté des anciennes pépites auxquelles redonner vie, mais difficile de dire aujourd'hui que l'éditeur d'origine italienne est dans la léthargie qu'on lui a autrefois connu.

Du côté des nouveaux récits, cette fin d'avril 2024 est marquée par l'arrivée d'un nouvel ouvrage de l'ordre du mystère et du fantastique, revisitant le folklore vampirique sous le genre du policier au cœur d'une France du XIXe siècle. À l'origine, "Undead Girl Murder Farce" est une série de romans initiée par Yûgo Aosaki en 2015, une saga littéraire qui dénombre à ce jour 4 volumes sur le sol nippon. Puisque l'œuvre paraît chez le mastodonte Kôdansha, l'éditeur d'origine prévoit une adaptation en manga dès 2016, confiant le projet à l'artiste novice Haruka Tomoyama. La prépublication est un vrai jonglage puisqu'elle est née dans la revue Shônen Sirius avant de passer dans le magazine Nemesis, pour finalement atterrir sur le site Comic Days. Dans tous les cas, la parution suit son cours, et 7 opus sont sortis à ce jour au Japon. Côté ambitions média-mix, une adaptation animée fut produite par le studio Lapin Track en 2023, une série longue de 13 épisodes qui reste disponible chez nous en VOD sur la plateforme Crunchyroll.

Dans l'Hexagone, la Révolution a apporté au peuple français de nouveaux droits et une esquisse d'égalité qui semblait autrefois improbable. Pour les vampires et autres créatures de la nuit, jusqu'ici chassées et meurtries, cette évolution s'est aussi appliquée à eux. Aussi une coexistence entre les espèces est désormais de mise en France, tandis que les buveurs de sang ne s'en prennent plus aux humains. Pourtant, cette coexistence est parfois entachée, notamment dans une affaire de meurtre dont la victime est l'épouse d'un vampire aristocrate. Étant donné la nature du drame et la communauté qu'il vise, la police ne s'emmêle pas. C'est alors qu'un étonnant duo issu du Japon prend les choses en main : l'excentrique Tsugaru Shin'uchi et l'imperceptible Aya Rindô, accompagnés par Shizuku Hasei, la domestique d'Aya.

D'entrée de jeu, ce premier volume nous frappe aussi bien par le trait à la fois riche et raffiné de la mangaka que par l'univers original promis par Yûgo Aosaki. Exploiter la figure du vampire (voire le bestiaire de l'occulte) est une chose, mais le planter dans un cadre post-Révolution française en parlant de coexistence et en choisissant le registre du polar amène un mélange particulièrement bienvenu. Et pour l'heure, c'est cette dimension de l'œuvre que nous sommes amenés à apprécier, puisque ces quelques premiers chapitres abordent une seule et même affaire, celle du meurtre d'une aristocrate vampire.

Des écueils qui n'auraient pas forcément permis à ce premier volet de tirer son épingle du jeu s'il n'avait pas un trio de personnages principaux très particuliers. Shin'uchi, Aya et Shizuku sont des figures teintées de mystères, dont l'une des particularités vient de leur nationalité dans un cadre purement européen, tandis que leurs natures singulières teasées dès les premières pages contribue au charme du groupe de personnages. Et pour cause : si Shin'uchi a des airs de boute-en-train assez formel, Aya Rindô est un véritable concept, tant par sa nature physique que par sa quasi-omniscience. Pourquoi de tels dons ? Qui sont-ils ? À quoi Aya doit cette forme si atypique ? Ce premier volume ne fait que jouer avec notre curiosité, laissant le loisir à la suite d'aborder ces éléments d'intrigue.

Alors, c'est un pur polar fantastique que nous sommes amenés à apprécier sur ce tome introductif, via une seule et même affaire. Si Yûgo Aosaki, l'auteur du roman d'origine, joue très bien avec les codes du récit policier en plantant des indices qui poussent le lecteur à sa propre réflexion, il enrichit drastiquement cette première affaire au fil des pages, en apportant quelques rebondissements et en jouant sur le contexte historico-fantastique propre à l'œuvre, par exemple. De ce côté, le tout s'avère assez classique, bien que sublimé par la facette presque mystique apportée par Aya Rindô, tandis que le trait raffiné de Haruka Tomoyama est là pour nous régaler les mirettes tout en transcendant visuellement l'univers de l'œuvre. L'artiste n'a certainement pas été choisi au hasard, et il y a fort à parier que ce premier tome n'aurait pas eu un tel cachet entre les mains d'un mangaka au style plus "sage".

C'est donc grâce à ce mélange de style narratif, de style artistique et de ton que ce premier opus fait mouche. L'affaire se suit avec plaisir au même titre qu'on apprécie voir la proposition fantastique se développer aux côtés du registre polar, bien qu'il semble que la série ait encore beaucoup de choses à prouver. Car pour l'heure, difficile de savoir quelles seront les retombées de cette première affaire qui, bien que livrant son coupable, n'est pas achevée en fin de tome. Aussi, il y a de quoi être curieux de voir ce que Yûgo Aosaki fera de son univers et de ses idées, à terme, notamment en ce qui concerne les personnages de Shin'uchi et Aya. À défaut d'avoir accès aux romans (leur arrivée semblant assez improbable), on attendra donc avec une certaine curiosité la suite du récit, ne serait-ce pour profiter une nouvelle fois des talents de dessinateur de Haruka Tomoyama, dont il s'agit du tout premier manga professionnellement publié.

Côté édition, Panini offre une jolie copie grâce à un tome tout en finesse, au papier souple, mais de qualité et sans transparence, accompagné par une couverture sur papier mât tandis qu'un très (très) léger vernis sélectif apporte un petit relief saisissant. Signée Guillaume Mistrot, la traduction est à même de faire briller les tons des personnages et l'ambiance globale du récit, jouant notamment sur les caractères facétieux de ses deux protagonistes. Côté lettrage, celui-ci fort bien géré, et nous le devons à Miriam Esteban Rossi et à Massimo Stella.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15 20
Note de la rédaction