Tokyo Yamimushi Vol.1 - Actualité manga

Tokyo Yamimushi Vol.1 : Critiques

Tokyo Yamimushi

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 21 Août 2013

"Le monde... est injuste."

Cette pensée, Ryo Kato se la répète, sans arrêt. Sans emploi, sans argent, ayant à peine de quoi se nourrir, il occupe un studio miteux et rumine dans son coin sur les inégalités sociales de ce monde. Désoeuvré, endetté, il n'a aucun espoir de pouvoir rembourser un jour ce qu'il doit... jusqu'au jour où deux hommes, visiblement deux usuriers, l'embarquent de force dans leur camionnette après l'avoir roué de coups et jeté du haut du premier étage.
Alors qu'il croit sa dernière heure arrivée, Kato a la surprise de se réveiller face à Asamura, un homme énigmatique sévissant dans les bas fonds de Tokyo. Il a un travail pour Kato. Un travail pas très net, mais qui lui permettrait de rembourser petit à petit sa dette. Devenu l'homme de main d'Asamura, Kato accomplit ses premières missions, sans vraiment se douter que celles-ci l'emmèneront toujours plus loin dans la déchéance humaine de la face cachée de Tokyo...

Première oeuvre de Yûki Honda, publiée entre 2010 et 2013 au Japon pour un total de 7 volumes, Tokyo Yamimushi connut un succès suffisant pour être adapté en film live et pour que son auteur choisisse de lui offrir une suite, commencée au Japon en début d'année.
Pour son premier manga, celui qui fut l'assistant de Kiminori Wakasugi (l'auteur de Detroit Metal City) a choisi d'emblée un sujet ancré dans une réalité sociale sombre, qu'il dépeindra au gré des missions de Ryo Kato, son héros, ou plutôt son antihéros, désoeuvré, ruminant dans son coin mais ne cherchant plus vraiment à s'en sortir... jusqu'à sa rencontre avec Asamura. D'abord réticent à l'idée de travailler pour cet homme énigmatique et visiblement peu recommandable, Kato envisage de fuir à la première occasion, mais n'en aura pas l'occasion... puis ne le souhaitera plus en voyant à l'oeuvre son nouveau patron, certes peu recommandable, mais fascinant dans son sens de la répartie et sa façon de manipuler les gens et de retourner les situations à son avantage. Il n'en faut alors pas plus à Kato pour commencer à être intrigué par le sombre milieu où il vient d'être projeté, par s'y intéresser... et par y prendre goût, au fil de ses missions.

Ses premières missions, toutefois, n'ont pas grand chose de palpitant : livrer des sacs sans chercher à savoir ce qu'il y a dedans, tenter de récupérer les intérêts d'un homme qui a emprunté sans jamais chercher à rembourser et qui ne lui rappelle que trop la situation dans laquelle il était lui-même il y a peu... Le jeune homme se rend vite compte qu'il a des progrès à faire pour accomplir certaines de ces missions, et que plus il avancera, plus ce qu'il devra accomplir sera dangereux et peu recommandable, comme lorsqu'il doit voler à un chef yakuza un sac d'argent qu'il venait pourtant tout juste de lui remettre...

Pour l'instant assez basiques, les missions de ce premier tome se contentent de nous plonger peu à peu dans le bain, un bain grouillant de personnes peu recommandables ou marginalisées, faisant leur trafic ou se contentant de profiter de ce qu'on leur accorde. Ici, les personnages, qu'il soient yakuzas ou citoyens délaissés, en prennent tous un peu pour leur grade, aucun ne paraît tout blanc ou tout noir, mais au-delà, c'est plutôt la société, injuste, inégale et qui a fait d'eux ce qu'ils sont, qui semble la plus à blâmer.
Kato n'échappe pas à la règle : d'abord enfoncé dans ses dettes, sa couardise et son absence de réaction face à son honneur bafoué par la société, il change petit à petit au gré des missions qui lui sont confiées, apprend à agir face à l'imprévu quand une horde de yakuzas est à ses trousses... Mais au bout du chemin, une fois sa dette comblée, tout ceci lui permettra-t-il de retrouver un droit chemin, ou alors s'enfoncera-t-il toujours plus dans les vices des bas-fonds tokyoïtes ? Seule la suite de la série nous le dira.

"Pourquoi moi ? Pourquoi faut-il que je me trouve au coeur de quelque chose d'aussi dangereux ? Pourquoi ?!"

En attendant de voir ce que l'avenir réserve à Kato et d'assister à des missions plus poussées, on est parfaitement immergé par les nombreuses pensées du jeune homme, que l'auteur retranscrit textuellement. On assiste donc aux doutes de Kato, à son envie de fuir tout ça avant qu'il ne se prenne peu à peu au jeu, à ses interrogations quant à savoir si ce qu'il fait est bien ou quant à la manière dont il va tenter de se sortir de telle ou telle situation délicate... Yûki Honda nous invite véritablement à suivre le parcours intérieur de son personnage, en plus de son parcours physique.

"Quand un type n'a même pas de quoi acheter à manger pour aujourd'hui, ou demain... qu'est-ce que tu veux qu'il fasse ?!"

De son maître Kiminori Wakasugi, Yûki Honda a conservé le goût pour les faciès exagérés, bruts et flippants. Son coup de crayon offre des personnages peu engageants, jamais embellis, et pour certains réellement inquiétants, à commencer par Asamura, au visage taillé à la serpe, mais d'un charisme effrayant par instants. Un style qui rappelle également ce qu'un auteur comme Hideo Yamamoto a pu faire dans Ichi the Killer (certains visages effrayés, avec leurs lèvres contractées, rappelant d'ailleurs beaucoup certaines expressions d'Ichi). L'action se limite aux nuits tokyoïtes dans les quartiers peu recommandables, avec tout ce que ça implique : des décors urbains omniprésents, sombres et froids, des intérieurs inquiétants, délabrés, où Kato ne sait jamais sur quoi il va tomber... Une chose est sûre : on est bien dans l'ambiance.

Avec ses personnages jamais embellis, son cadre sombre, inquiétant et étouffant, son concept qui devrait par la suite gagner en profondeur de manière à décrire toujours plus la face sombre de la société tokyoïte, Tokyo Yamimushi s'annonce passionnant. Espérons que la suite sera à la hauteur des promesses émises par ce premier tome.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs