Tigre des neiges Vol.10 - Manga

Tigre des neiges Vol.10 : Critiques

Yukibana No Tora

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 25 Mars 2022

"Si Kenshin a pu devenir une commandante militaire inégalée, ne serait-ce pas parce qu'elle possédait une force que les hommes n'ont pas ?"

En plein doute, encore plus tourmentée qu'avant depuis la mort de son héritier dans son ventre, Kagetora a fui, retrouvant alors temporairement celui avec qui elle a eu une relation au Mont Kôya, Senjûrô. A ses côtés, notre héroïnes s'interroge, en particulier sur la voie du guerrier qu'elle doit suivre, sur ses raisons de se battre, et sur la manière dont elle est coincée depuis toujours entre sa condition de femme et son statut qui est habituellement celui donné aux hommes. C'est dans un climat doux-amer, presque mélancolique par instants, qu'Akiko Higashimura vient cristalliser les questionnements intérieurs de son héroïnes... mais Tora est une femme forte, on le sait, tant et si bien que ses doutes ne peuvent durer éternellement. Elle est la seule à pouvoir défendre Echigo, et il s'agit aussi de l'héritage laissé par ses aïeux et par son défunt frère. Elle a pour rôle d'apaiser sa province, de repousser les Takeda, de vaincre les Hôjô, de mettre un terme aux conflits dans le Kantô, et de réhabiliter les Bakufu dans les pays de l'est et de l'ouest. En somme, de rétablir l'ordre en ce monde. Un rôle que, après avoir réglé ces doutes proprement humains, elle semble plus que jamais en mesure de tenir, toujours aussi forte. C'est ainsi que quelques années passent, qu'elle devient gouverneur général du Kantô en prenant la tête du clan Yamauchi-Uesugi et en prenant alors le nom d'Uesugi Masatora. Mais bientôt, c'est la bataille su sommet de son parcours qui l'attend, l'ultime conflit contre son "meilleur ennemi"...

"Quand vas-tu enfin te montrer viril et venir me chercher ?"

Pour cet dernier volume s'étalant sur pas moins de 250 pages, Higashimura, à juste titre, fait l'impasse sur la troisième bataille de Kawanakajima (simple observation identique aux deux précédentes batailles), pour s'intéresser directement à celle qui a marqué l'Histoire, celle qui fut le point culminant du long conflit entre Uesugi et Takeda: la quatrième bataille de Kawanakajima, qui semblait devoir partir sur un long round d'observation comme les précédentes, avant de tourner aux choses concrètes. Cette bataille, Akiko Higashimura va évidemment prendre soin de l'aborder avec moult détails, ne serait-ce qu'en y accordant une importance plus prononcée à différents visages des deux camps, comme Yataro, Shiro qui sort enfin de son rôle de double pour devenir un vrai guerrier, Takeda Nobushige (le frère biologique si cher à Shingen), ou encore un Kuroda resté irrémédiablement fidèle à son maître. Jonglant entre les ajouts bien conçus et les événements historiques tels qu'ils nous sont parvenus via les archives, la mangaka s'applique également à aborder les stratégies adoptées par les deux camps, tantôt en collant auxdites archives, tantôt en émettant, pour le bien de son histoire, des hypothèses qui tiennent tout à fait la route dans les explications apportées. Ne s'arrêtant pas la, elle tâche aussi de déconstruire certaines idées reçues, notamment sur le déroulement de la plupart des batailles de l'époque, loin d'être aussi violentes et meurtrières qu'on pourrait le croire. Ainsi, sans cesse, l'autrice brille dans son propos, car en plus d'offrir un récit rigoureusement riche, elle ne se contente pas de rester fidèle à l'Histoire telle qu'on la connaît, mais réfléchit aussi dessus avec une certaine profondeur. Et cela passe également par son désir de décortiquer certains angles en particulier. Pour quelles raisons la quatrième bataille de Kawanakajima fut si importante mais aussi si meurtrière pour une bataille de l'époque ? Pourquoi est-elle restée parmi les trois plus célèbres batailles de l'époque Sengoku (avec celles d'Okezahama et de Sekigahara) alors qu'elle n'a pas foncièrement changé la face du Japon (le vainqueur n'a pas pris le pouvoir, le vaincu n'a pas péri) ?

Si la mangaka s'interroge en profondeur sur ces éléments historiques, c'est aussi, évidemment voire avant tout, pour le bien-fondé de son hypothèse faisant d'Uesugi Kenshin une femme, cette hypothèse qui a été le fil conducteur principal de toute la série, qui n'a cessé de tenir la route en nous fascinant, et qu'elle prend soin de cristalliser mieux que jamais à travers certains moments. On pense bien sûr aux doutes de notre héroïne en début de tome, mais aussi à la toute fin sur les possibles raisons de son décès, et peut-être plus encore à la nouvelle rencontre, hautement symbolique, entre elle et Takeda dans les sources chaudes. Une situation similaire à leur toute première rencontre dans les débuts de l'oeuvre, à ceci près que désormais Uesugi ne fuit plus, assume sa condition féminine, et impose même toute sa force en tant que femme, une force qu'elle ne manquera pas de montrer de plus belle ensuite pendant la bataille.

"Plus jeune, il m'est arrivé de maudire ce corps de femme, mais aujourd'hui, je sais que le fait d'être une femme m'a rendue forte."

Cet ultime volume du Tigre des Neiges captive d'un bout à l'autre. A travers une fresque historique toujours aussi riche et pointilleuse au fil de laquelle elle appuie avec intelligence et crédibilité ses hypothèses, Akiko Higashimura va au bout de son idée, la cristallise même à merveille tout en marquant profondément la condition de femme forte de son héroïne, et nous laisse sur une conclusion pleinement satisfaisante.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17.5 20
Note de la rédaction