Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 21 Mai 2025
Une nouvelle création originale arrive aux éditions Glénat Manga en ce mois de mai avec Inexistents, un one-shot d'environ 180 pages qui nous est proposé dans un grand format assez propre, autant en terme de papier (fin mais assez opaque) que d'impression (suffisamment propre). Au scénario, on retrouve Miki Makasu, un auteur qui a débuté dans le manga aux éditions Ankama il y a quelques années avec le scénario de Double.Me, série très maladroite, qui possédait un principe très intéressant et de bonnes idées mais dont la réalisation péchait énormément. Après avoir poursuivi sa carrière via les séries Hell Box (éditions Ono) Kiro Bad Doll (éditions Clair de Lune) et Live Memorium (éditions Glénat), le voici de retour avec ce récit pour lequel il s'est associé à Takeliongawa, dessinatrice taïwanaise qu'il a lui-même repérée et dont c'est le tout premier manga.
Ici, tout commence par une scène qui se veut "choc", à savoir la disparition soudaine d'une jeune femme sous l'impulsion d'une créature aux allures démoniaques, avec à la clé l'oubli total de l'existence de cette personne par tous ses proches, comme si elle n'avait jamais vécu. Une scène voué à poser immédiatement l'ambiance dure et sombre du récit ainsi que le concept où l'univers, voyant qu'il commet des erreurs, est décidé à les réparer de lui-même... y compris concernant les humains. Certains d'entre eux, appelés Inexistents, ne sont effectivement pas censés exister, si bien que l'univers envoie des êtres effacer l'existence de ces gens. Pourquoi ? On ne le saura jamais vraiment, et c'est le premier problème de l'histoire. Mais ce qui est sûr, c'est que notre héroïne, se retrouve soudainement concernée par le problème. Simple mangaka taïwanaise très repliée sur elle-même et épaulée par son gentil assistant Yijun et sa responsable éditoriale Satoko, elle connaît actuellement un beau succès avec sa nouvelle série, "Demon Smile", mais pourrait bien voir sa vie stoppée et son existence effacée dans l'esprit de tout le monde via l'irruption de Sof, une des créatures chargées de corriger l'univers... à moins que celui-ci soit précisément un grand fan de "Demon Smile" (car apparemment, dans le monde de ces créatures aussi on lit les magazines de prépublication de manga, les choses sont bien faites). Sof refusant de voir disparaître Tsugumi avant de connaître la fin de son manga, les deux êtres s’allient, un peu par la force des choses, pour tenter d’empêcher l’effacement, ou au moins de le ralentir jusqu'à ce que "Demon Smile" soit achevé. mais il va de soi que rien ne va se passer comme prévu...
Difficile de raconter une histoire aussi dense en seulement 180 pages, et c'est peut-être là le principal problème d'Inexistants. Car dans le fond, on sent bien que Miki Makasu a des choses à nous raconter, des idées à véhiculer autour d'un paquet de sujets. Bien sûr, le fait que l'héroïne soit elle-même mangaka n'est pas anodin et est voué à esquisser des réflexions autour de la création: le statut d'auteur, la part de passion en tant qu'artiste, ce qu'on met de soi dans ses personnages, ou encore le fanatisme extrême (Sol en étant la représentation) et la manière dont au bout d'un moment la création et ses personnages échappent en quelque sorte à leur créateur pour être "récupérés" par les lecteurs/fans. Et on peut ensuite facilement élargir les thèmes à des choses plus amples et universelles, comme la simple peur d'être oublié. Pour tout ça, on ne peut vraiment pas dire que ce one-shot soit un récit vain... mais le problème est sûrement que Miki Makasu, jusqu'à son final qui se veut cruel et soudain mais qui a finalement surtout de quoi frustrer, a voulu aborder trop de choses en un nombre trop limité de pages, ce qui fait qu'il donne souvent l'impression de partir dans tous les sens sans donner suffisamment de consistance à ses rebondissements et à ses idées. Ainsi, au concept de base se rajouteront notamment les problèmes familiaux de Tsugumi et son implication bien malgré elle dans des meurtres, pour un résultat bien trop rushé pour que l'on s'attache vraiment à ça.
Côté dessin, le constat est un peu le même: on sent que Takeliongawa a des idées (par exemple, certaines planches aux cases déconstruites, ou encore le petit passage en forme de planches préparatoires de "Demon Smile", mais malheureusement la réalisation pèche au final. Derrières des designs très basiques voire parfois très inégaux anatomiquement, le problème vient surtout d'absences de transitions trop handicapantes (la faute aussi au rythme précipité pour que tout tienne en 180 pages) et d'un rendu souvent brouillon/confus.
Enfin, un petit détail supplémentaire qui chagrine: étant donné qu'on a là une création originale, on aurait adoré avoir quelques pages bonus: croquis préparatoires, postface plus détaillée par exemple pour revenir sur la genèse, la création et les messages du projet... mais malheureusement il n'y a absolument rien de tout ça.
A l'arrivée, Inexistents nous laisse sensiblement sur la même impression qu'une autre création original de Glénat Manga sortie il y a quelques années, à savoir 4LIFE d'Antoine Dole et Vinhnyu: le projet sort des sentiers battus par rapport à bien d'autres créations originales de format manga, les idées sont là, on sent que les deux artistes veulent nous transmettre des idées et réflexions, mais l'exécution est très, très limitée, et le format trop court n'aide vraiment pas à s'immerger.