Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 14 Juin 2024
Devenu un favori du jeune shogun Ashikaga Yoshimitsu, au point de s'être installé dans son palais en s'éloignant donc de la troupe de sarugaku de son père, Oniyasha a rapidement trouvé un rival stimulant en la personne de Zôjirô, un garçon de son âge et, surtout, un jeune prodige de la compagnie Shinza pratiquant le dengaku. Toujours désireux de développer son art, notre héros finit par accepter de s'opposer à Zôjirô lors d'un tournoi organisé par le shogun et où il sera question d'interpréter la Danse du Lion.
En opposant les styles différents que sont le sarugaku et le dengaku, le tournoi s'annonce d'emblée intéressant, d'autant plus qu'Oniyasha finit rapidement par se frotter aux côtés plus impitoyables de Zôjirô, garçon ayant peut-être une facette plus sombre que ce qu'il pensait. Et face à cet artiste préférant rester dans une tradition qu'il tâche de sublimer, notre héros, de son côté, montre encore des choses intéressantes en voulant renouveler totalement l'interprétation et l'image de la Danse du Lion. Cependant, cela lui permettra-t-il de remporter le tournoi ? En réalité, cette compétition en forme de duel de danse théâtrale ne vaut pas forcément pour son résultat en lui-même, mais plutôt pour les préparatifs d'Oniyasha et pour les conséquences du résultat. Côté préparatifs, Oniyasha reste captivant à suivre dans sa manière de vouloir tirer parti de la nature en reproduisant les mouvements et comportement d'un chat sauvage, ce qui permet à l'auteur d'explorer de plus belle le rapport au corps qu'a son héros, dans la mesure où il expérimente ici des gestes félins assez inédits pour des humains. Et côté conséquences, l'intérêt vient surtout d'une idée essentielle: même s'il est important de danser pour soi et pour son propre plaisir, il ne faut pas oublier d'aussi savoir danser en prenant compte du public qui nous regarde et en sachant s'adapter à celui-ci ainsi qu'à ses attentes.
L'expérience est donc à nouveau enrichissante pour le futur Zeami, d'autant plus que les décisions du shogun tendent à penser que ce duel artistique en appellera vite un autre ! Mais avant d'en arriver là, la dernière partie du tome s'intéresse plus spécifiquement à autre chose, à savoir le cas de Toku, vieillard dont Kogane est proche et dont le background permet de remettre en avant le délicat contexte historique de l'époque, marqué par l'opposition entre le cour du nord et la cour du sud. Un contexte qui, lui aussi, doit être pris en compte par Oniyasha dans l'évolution et l'approfondissement de son art.
Une fois ce troisième volume refermé, nous voici déjà à la moitié de la série, et celle-ci reste très intéressante dans la vision qu'elle offre sur le parcours du futur grand théoricien du théâtre No, d'autant plus que les pages bonus sont toujours au rendez-vous pour approfondir le sujet. Gageons que la seconde moitié de l'oeuvre sera tout aussi soignée dans l'abord de son sujet !